Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le Nutri-score le prouve grâce à une vaste étude : il y a des aliments mortels !

16 Décembre 2021 Publié dans #Alimentation, #Article scientifique, #critique de l'information, #Activisme

Le Nutri-score le prouve grâce à une vaste étude : il y a des aliments mortels !

 

 

C'est une « information », livrée par France Inter, qui a largement dépassé sa date limite de fraîcheur, puisqu'elle est du 17 septembre 2020 : « Les produits les moins bien notés au Nutriscore sont les plus mortels, confirme une étude ». J'y suis arrivé par un « 2021 a été une mauvaise année pour les abeilles en France » tout aussi indécent, lequel a affiché un pavé aguichant m'invitant à le lire.

 

 

Sapristi !

 

Il y aurait des produits mortels – enfin pas ceux, défectueux, adultérés ou avariés, que traque M. Albert Amgar sur son excellent blog consacré à l'hygiène et la sécurité alimentaires – par leur « qualité » nutritionnelle !

 

France Inter nous explique doctement :

 

« On a tous déjà vu ces lettres vertes jaunes orange et rouges sur un paquet de céréales, de pâtes ou de jambon. A,B, C, D ou E, de la meilleure à la plus mauvaise, ces notes indiquent la valeur nutritionnelle des aliments. On y fait plus ou moins attention en faisant nos courses. Pourtant, il s'avère que ces scores sont loin d'être insignifiants : les produits les moins bien notés seraient les plus mortels. C'est ce qu'affirme une nouvelle étude publiée ce jeudi dans le British Medical Journal et menée par l’équipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN) au Centre de Recherche épidémiologie et statistiques (CRESS).

 

 

Une étude gigantesque...

 

La « nouvelle étude » avait échappé à ma critique, sinon mes sarcasmes, au moment où elle était vraiment nouvelle. Mais ce n'est que partie remise.

 

C'est « Association between nutritional profiles of foods underlying Nutri-Score front-of-pack labels and mortality: EPIC cohort study in 10 European countries » (association entre les profils nutritionnels des aliments sous-jacents au marquage Nutri-Score sur le devant de l'emballage et la mortalité : étude de la cohorte EPIC dans 10 pays européens).

 

C'est le fruit du labeur d'une grosse équipe menée par Mélanie Deschasaux et Mathilde Touvier en premier et derniers auteurs, et incluant Serge Hercberg et... Elisabete Weiderpass, directrice du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) ; à l'évidence, c'est une position qui laisse quelques loisirs... à moins que la signature soit de complaisance

 

Voici le résumé de l'étude ;

 

« Objectif : Déterminer si le système de profilage nutritionnel de la Food Standards Agency (FSAm-NPS), qui évalue la qualité nutritionnelle des produits alimentaires et est utilisé pour dériver le marquage Nutri-Score sur le devant des paquets afin de guider les consommateurs vers des choix alimentaires plus sains, est associé à la mortalité.

 

Conception : Étude de cohorte basée sur la population.

 

Cadre : Cohorte European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition (EPIC) provenant de 23 centres dans 10 pays européens.

 

Participants : 521.324 adultes ; lors du recrutement, des questionnaires alimentaires spécifiques au pays et validés ont été utilisés pour évaluer leurs apports alimentaires habituels. Pour 100 g de chaque aliment, on a calculé un score FSAm-NPS d'énergie, de sucres, d'acides gras saturés, de sodium, de fibres et de protéines, ainsi que de fruits, légumes, légumineuses et noix. L'indice alimentaire FSAm-NPS a été calculé pour chaque participant comme une moyenne pondérée par l'énergie du score FSAm-NPS de tous les aliments consommés. Plus le score est élevé, plus la qualité nutritionnelle globale du régime alimentaire est faible.

 

Principale mesure des résultats : Associations entre le score de l'indice alimentaire FSAm-NPS et la mortalité, évaluées à l'aide de modèles de régression des risques [hazards] proportionnels de Cox ajustés et multivariables.

 

Résultats : Après exclusions, 501.594 adultes (suivi médian de 17,2 ans, 8.162.730 années-personnes) ont été inclus dans les analyses. Les personnes ayant un score d'indice alimentaire FSAm-NPS plus élevé (cinquième le plus élevé par rapport au cinquième le plus bas) présentaient un risque accru de mortalité toutes causes confondues (n=53.112 événements de causes non externes ; hazard ratio 1,07, intervalle de confiance à 95 % 1,03 à 1,10, P<0.001 pour la tendance) et de mortalité par cancer (1,08, 1,03 à 1,13, P<0,001 pour la tendance) et par maladies des systèmes circulatoire (1,04, 0,98 à 1,11, P=0,06 pour la tendance), respiratoire (1,39, 1,22 à 1,59, P<0,001) et digestif (1,22, 1,02 à 1,45, P=0,03 pour la tendance). Les taux absolus standardisés sur l'âge de mortalité toutes causes confondues pour 10.000 personnes sur 10 ans étaient de 760 (hommes=1237 ; femmes=563) pour les personnes se situant dans le cinquième supérieur du score de l'indice alimentaire FSAm-NPS et de 661 (hommes=1008 ; femmes=518) pour les personnes se situant dans le cinquième inférieur.

 

Conclusions : Dans cette grande cohorte multinationale européenne, la consommation d'aliments ayant un score FSAm-NPS plus élevé (qualité nutritionnelle inférieure) était associée à une mortalité plus élevée pour toutes les causes et pour le cancer et les maladies des systèmes circulatoire, respiratoire et digestif, soutenant la pertinence du FSAm-NPS pour caractériser des choix alimentaires plus sains dans le contexte des politiques de santé publique (par exemple, le Nutri-Score) pour les populations européennes. Ceci est important si l'on considère les discussions en cours sur la mise en œuvre potentielle d'un système unique d'étiquetage nutritionnel au niveau de l'Union Européenne. »

 

 

...pour un résultat peu convaincant

 

France Inter note :

 

« Selon elle [Mme Mathilde Touvier, chercheuse à l’INSERM et coordinatrice de l'étude], l'étude "valide d’une certaine manière la pertinence de ce score et de ce logo". Il s'agit pour la chercheuse d'inciter les industriels à "reformuler les produits pour une meilleure qualité nutritionnelle" et de "mieux protéger, prévenir les maladies chroniques via la nutrition”. »

 

Vraiment ? Avec un hazard ratio global de 1,07 et un intervalle de confiance à 95 % de 1,03 à 1,10 entre les plus « verueux » et les plus « dévergondés » ?

 

Comment expliquer que l'écart le plus important se situe au niveau des maladies respiratoires, dont on voit difficilement le lien avec l'alimentation ? Que l'écart pour le cancer est le deuxième le plus faible ?

 

Un aspect particulier de cette étude est qu'elle a été menée par une équipe qui avait pour ossature... les concepteurs du Nutri-Score. On imagine les hurlements dans une situation de même nature avec, dans le siège du conducteur, Bayer-Monsanto... Mais ici, ça a passé crème...

 

 

Des problèmes de fond

 

Mais il y a des questions plus importantes. Le Nutri-Score est-il objectif ? Répond-il à ses objectifs affichés ? Quand on voit ce que France Inter en a fait, la réponse est évidente.

 

Est-il acceptable pour une application au niveau européen – pour laquelle ses concepteurs déploient un intense lobbying – en témoigne la conclusion du résumé de l'article scientifique ?

 

Dans European Scientist, M. Jean-Paul Oury pose la question principale, en apportant quelques réponses aux questions précédentes : « Présidence du Conseil de l’UE : que va faire la France de son Nutri-Score ? »

 

Un élément de choix, qui devrait faire réfléchir :

 

« Les opposants au Nutri-Score dénoncent ce qu’ils considèrent comme une aberration, pour ne pas dire un scandale : alors que les vertus diététiques du régime méditerranéen ne sont plus à démontrer, il se trouve que les produits qui en sont la base obtiennent tous une mauvaise note avec le Nutri-Score»

 

Ou encore :

 

« Il est tout à fait instructif de constater que la meilleure science à notre disposition en terme de nutrition nous démontre que la pire des erreurs serait de confier notre alimentation à un algorithme qui fait des choix "pré-mâchés" à notre place. D’autant plus quand celui-ci est programmé avec une "idéologie" d’un autre temps qui croit dur comme fer que tout le monde doit manger les mêmes aliments et éviter certains autres et s’est entiché d’un combat d’arrière-garde comme "la lutte contre les acides gras saturés". »

 

Comment conclure ? Peut-être en paraphrasant feu Georges Pompidou : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Européens ! »

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
H
Rien à voir avec le Nutriscore mais pour signaler une pétition en cours https://www.change.org/p/pour-la-dissolution-de-l-214 . La dernière vidéo dans un élevage des Deux Sèvres m'a particulièrement scandalisée tant elle empeste le "faux". <br /> L'aspect "montage" avec souffrances infligées volontairement à des animaux pour "faire croire que" me parait évident. Ou alors cet élevage emploie de purs psychopathes. <br /> En tout état de cause, quand des bêtes sont maltraitées ou stressées, la ponte, la production de lait, la prise de poids pour la viande, diminue et parfois fortement, et l'incidence des maladies augmente également. <br /> Tout éleveur sait cela. Il existe sans aucun doute des éleveurs peu soucieux du bien être animal mais c'est avec répercussion immédiate sur la rentabilité de l'exploitation, déjà difficile dans le monde de l'élevage. De tels éleveurs ne vont pas loin. <br /> J'ose espérer qu'une grande société qui fait des bénéfices, emploie des professionnels et non des dingues dangereux échappés d'un asile psychiatrique.
Répondre
H
Les contradictions et absurdités du Nutriscore vaudraient que les Bodin's se penchent dessus. A mon sens, on peut en tirer un fabuleux sketch, digne des lessives d'un Coluche qui manque terriblement dans la France du politiquement correct.
Répondre