Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

CRISPR insuffle une nouvelle vie dans l'amélioration des plantes – peut-il éviter la controverse sur les OGM ?

27 Novembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #CRISPR, #Andrew Porterfield, #Agriculture biologique

CRISPR insuffle une nouvelle vie dans l'amélioration des plantes – peut-il éviter la controverse sur les OGM ?

 

Andrew Porterfield*

 

 

Selon l'USDA, la récolte américaine de blé de cette année a été la plus faible depuis 15 ans. Les raisons vont des prix bas et du temps humide du printemps aux maladies et aux ravageurs. Mais certains producteurs lorgnent vers les techniques précises d'édition de gènes et la perspective de cultiver des blés plus résistants et plus efficaces.

 

Pendant ce temps, la maladie bactérienne du riz causée par Xanthomonas oryzae décime les cultures en Asie et en Afrique. Lors d'une récente conférence à San Diego, les sélectionneurs se sont penchés sur la recherche utilisant des techniques d'édition génétique pour rendre le riz moins sensible au pathogène, sans introduire de gènes provenant d'autres organismes.

 

Depuis que les humains ont décidé de se sédentariser et de produire leur nourriture, ils ont cultivé des plantes et choisi celles qui avaient les caractéristiques les plus désirables. L'amélioration des plantes a ensuite été réalisée grâce à une gamme de techniques, y compris l'élémentaire « planter et sélectionner », la mutagenèse dirigée, le transfert de germoplasme de plantes sauvages aux plantes cultivées, et les combinaisons transgéniques qui nous ont donné des cultures modernes résistantes à des herbicides. Mais maintenant, la nouvelle édition des gènes grâce à CRISPR offre la perspective de changer radicalement la façon dont nous améliorons les plantes.

 

Abréviation de « Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats » (courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées), ces séquences d'ADN naturelles mais excentriques sont utilisées par les bactéries pour combattre la maladie, et elles sont maintenant étudiées pour leur capacité à créer de nouveaux caractères chez les plantes. Mais, comme pour toute nouvelle technologie, il y a quelques difficultés qui peuvent bloquer son utilisation commerciale – et il en est qui ne sont pas dues à un activisme « anti ».

 

Mais l'industrie agroalimentaire préférerait ne pas prendre de risques avec une technologie qui ne s'est pas encore retrouvée dans des produits disponible sur le marché. Plus précisément, elle aimerait que les avantages de la technologie CRISPR échappent aux obstacles issus de l'opinion publique et de la réglementation qui ont ralenti l'acceptation des applications de la transgénèse aux plantes, aux cultures et aux aliments, et des « OGM ».

 

À cette fin, des membres de l'industrie agroalimentaire (comme le US Pork Board, Monsanto, Syngenta et Bayer) ont créé la Coalition for Responsible Gene Editing in Agriculture (coalition pour une édition responsable des gènes dans l'agriculture). Cette organisation espère susciter un meilleur débat avec les consommateurs, parler de la nourriture et de CRISPR, et établir la confiance entre les consommateurs et les producteurs de produis alimentaires. « Si les gens vous font confiance, la science n'a pas d'importance. Si les gens ne vous font pas confiance, la science compte », a récemment déclaré Charlie Arnot, PDG du Center for Food Integrity et chef de la coalition, à Harvest Public Media.

 

Du point de vue de la réglementation, jusqu'à présent, l'USDA adopte une approche non interventionniste à l'égard des plantes et d'autres produits qui ont été modifiés au moyen de CRISPR. En réponse à un champignon dont le brunissement a été retardé par CRISPR, l'agence a déclaré qu'elle ne réglementerait pas les produits développés par CRISPR parce qu'il n'y a pas de matériel génétique étranger dans les aliments. La FDA, quant à elle, a déclaré qu'elle continuera à examiner les aliments pour déterminer si le produit final est sûr.

 

 

Certains groupes qui se sont opposés aux OGM et aux transgéniques ont également émis des mises en garde au sujet de CRISPR. Doug Gurian-Sherman, directeur de l'agriculture durable au Center for Food Safety, a averti que « nous sommes fermement convaincus que cette technologie doit encore être réglementée, à mesure que nous en apprenons plus sur elle. Peut-être qu'à un moment donné, ce ne sera plus nécessaire, mais c'est toujours une nouvelle technologie. »

 

Alors qu'aucun produit n'a été présenté à la FDA pour approbation, plusieurs recherches sont en cours :

 

  • Francisco Barro, biologiste végétal à l'Institut pour l'Agriculture Durable de Cordoue, en Espagne, et son équipe utilisent CRISPR pour éliminer les gènes du blé responsables des gliadines, la partie du gluten la plus impliquée dans la maladie cœliaque chez les personnes sensibles. Pour la protéine de gliadine, il y a 45 copies du gène qui cause des problèmes ; jusqu'à présent, l'équipe de Barro en a éliminé 35.

 

  • AddGene, une société basée à Cambridge, Massachusetts, qui fabrique et stocke des plasmides pour les chercheurs, a récemment commencé à construire des plasmides CRISPR pour un large éventail d'utilisations. L'entreprise affirme avoir traité plus de 95.000 demandes de structures CRISPR et d'assistance.

 

  • Les sélectionneurs de tomates ont longtemps été déçus quand ils combinaient deux caractères (individuellement) bénéfiques, l'un qui stimule la production de fruits et l'autre qui élimine une « jointure » dans les bouquets de tomates, ce qui facilite la récolte. Mais la combinaison des deux caractères par des méthodes traditionnelles produit des plantes qui se ramifient de manière désordonnée, ce qui réduit les rendements. Le généticien Zachary Lippman du Laboratoire de Cold Spring Harbor a trouvé que CRISPR pourrait bloquer les gènes spécifiques responsables de ce comportement.

 

Le marché des outils et produits de recherche CRISPR continue d'augmenter, mais les scientifiques se méfient toujours des effets hors cible. La technique, bien que précise, peut parfois faire des coupes précises dans les mauvaises parties du génome, assez pour (au moins pour l'instant) contrecarrer sa capacité à générer des produits thérapeutiques.

 

En biologie végétale, cependant, ces effets hors cible pourraient être moins problématiques. Comme l'a montré l'étude gliadine/gluten ci-dessus, les génomes des plantes ont de nombreux gènes redondants, de sorte que de nombreux gènes doivent être éliminés pour bloquer accidentellement une voie produisant un caractère particulier. Déployer CRISPR sur plusieurs familles de gènes peut augmenter le risque d'effets hors cible, mais les chercheurs ont constaté que très peu ou pas d'effets hors cible se produisent dans les plantes. Cela pourrait être dû au fait que les plantes utilisent une recombinaison non homologue, ce qui ne nécessite pas d'appariements de terminaisons d'ADN structurellement identiques, contrairement aux animaux qui réparent les cassures de l'ADN par des recombinaisons homologues, selon Cara Soyars, une étudiante diplômée de l'Université de Caroline du Nord qui travaille sur la sélection à l'aide de CRISPR.

 

Il y a aussi, avec CRISPR-Cas9, la question persistante de la différence entre couper un gène pour l'éditer, et changer une paire de bases ou ajouter de l'ADN. Il est plus facile de couper, et ajouter des paires de bases est encore difficile. Récemment, des chercheurs ont introduit des méthodes qui permettent de changer des paires de bases individuelles sans couper, de sorte que les progrès se poursuivent pour étendre les applications efficaces de cette nouvelle technique.

 

CRISPR a pris d'assaut le monde de la recherche au cours des dernières années. L'extension de cette tempête à l'amélioration des plantes dépendra de la science, mais aussi de l'acceptation publique et réglementaire.

 

_____________

 

* Andrew Porterfield est un auteur, éditeur et consultant en communication pour des institutions universitaires, des entreprises et des organismes sans but lucratif du domaine des sciences de la vie. Biographie. Suivez-le @AMPorterfield sur Twitter.

 

Source : https://geneticliteracyproject.org/2017/11/21/crispr-breathing-new-life-crop-breeding-can-avoid-gmo-controversy/?mc_cid=0b51d1b46a&mc_eid=afcdb5c221

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
En tout cas, espérons que les scientifiques se montrent meilleurs en communications que dans les années 1990.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> L'espoir fait vivre... Dans ce cas, il n'y a pas que les scientifiques. D'ailleurs, y en a-t-il en France qui travaillent sur les NBT en recherche-développement ?<br />
A
L'agronomie avance outre-atlantique. CRISPR et l'ARNi permettront, je l'espère, de réparer le seul défaut des OGM de 1ere gen: le développement lent de résistances (insectes et MH). Ces dernières sont apparues car il s'est écoulé trop de temps entre l'arrivée des premiers maïs Bt/RR et celle de leurs successeurs avec de multiples résistances aux insectes. Avec les NBT les améliorateurs vont pouvoir superposer de multiples modes d'actions contre les insectes et MH du premier coup, sans attendre 15 ans de r et d et d'autorisations. Vive le progrès.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour les liens.<br />
S
Bonjour, <br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Je ne suis pas sûr qu'il y ait eu beaucoup de phénomènes de résistance aux divers Bt. Mais il est vrai qu'il y a des risques (qui se gèrent par des méthodes éprouvées pour peu qu'on les applique) et qu'avec les NBT on pourra « s'amuser » à modifier un gène lettre par lettre pour voir ce que cela donne, puis sélectionner les variants utiles et, bien sûr, empiler les résistances.<br /> <br /> Dans le Nouveau Monde...<br />
A
Liens sur l'ARNi: <br /> https://www.epa.gov/pesticide-registration/epa-registers-innovative-tool-control-corn-rootworm<br /> https://www.theatlantic.com/science/archive/2017/06/monsanto-rna-interference/531288/<br /> <br /> Liens sur Crispr:<br /> http://european-seed.com/working-hard-next-generation-waxy-corn-hybrids/<br /> https://www.pioneer.com/home/site/about/news-media/news-releases/template.CONTENT/guid.1DB8FB71-1117-9A56-E0B6-3EA6F85AAE92
A
Bonjour et merci pour vos articles<br /> Le pragmatisme gagnerait-il - enfin - du terrain ?<br /> http://www.sueddeutsche.de/wissen/landwirtschaft-das-korn-der-welt-steht-vor-seiner-groessten-bewaehrungsprobe-1.3752000
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Et pourtant, la Süddeutsche, c'est un avatar du Monde. Ils ont Silvia Liebrich... Schillipaeppa adore (ironie)...
S
Bonjour,<br /> <br /> Effectivement, cela vaut lecture. Mais de là à le qualifier de « pôvre »... d'éthique peut-être.<br /> <br /> Cela pose toutefois la question de savoir pourquoi le Point lui offre une tribune. Ce n'est pas la première fois qu'il se fait étriper.