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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Vaccinations : à quoi jouent les – certains – médias ?

11 Septembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Santé publique

Vaccinations : à quoi jouent les – certains – médias ?

 

 

Un gazouillis du journaliste du Monde.

 

Le samedi 9 janvier 2017 ont eu lieu des manifestations pour la « liberté vaccinale » – lire : contre les vaccins – organisées par un Collectif Ensemble pour une Vaccination Libre (EPVL). Triomphe, non seulement de l'égoïsme forcené, mais aussi de la bêtise crasse. Parmi ses slogans : « Il n'y a ni épidémie, ni urgence de santé publique ». Dans ce monde moderne, où nous amenons quelque 80 % de jeunes au baccalauréat, il est devenu trop difficile de comprendre que s'il n'y a pas d »épidémie, c'est précisément parce qu'il y a des vaccins pour les prévenir...

 

La bêtise est leur problème... les conséquences éventuelles sont aussi les nôtres.

 

Les médias ont certes vocation à informer, mais cela ne les dispense pas pour autant de faire preuve de civisme.

 

On doit donc épingler ceux qui, la veille ou le matin même , ont publié un article sur les vaccins dans le but – évident – de promouvoir la participation à la vaccination.

 

 

La Dépêche : ya manif' !

 

La Dépêche a ainsi publié un « Vaccination obligatoire : les opposants ne désarment pas » dont l'entrée en matière est des plus explicites :

 

« Une manifestation est organisée demain à Paris contre la décision de rendre obligatoires onze vaccins contre trois actuellement. »

 

La suite, c'est du remplissage – les éléments de langage maintes fois colportés.

 

« Marisol Touraine avait initié la réflexion sous le quinquennat de François Hollande, mais c'est l'actuelle ministre Agnès Buzyn qui a pris la décision. Au risque, donc, de provoquer l'ire de parents de plus en plus nombreux, qui ne veulent plus vacciner leurs enfants. »

 

Combien sont-ils ces parents ? Est-il si difficile de préciser que la très grande majorité des parents font administrer à leurs enfants les vaccins aujourd'hui recommandés et demain obligatoires ?

 

« Le fiasco de la politique vaccinale menée par le gouvernement d'alors, lors de la grande pandémie de la grippe H1N1 en 2009/2010, alimente aujourd'hui les thèses complotistes. »

 

Est-il si difficile de sortir de ce cliché rance et d'expliquer que l'on avait craint le pire à l'époque ; et que le gouvernement se serait fait étriper s'il n'avait pas pris de mesures ?

 

Le « journaliste » dévoile aussi son affiliation militante :

 

« Face à cette perte de terrain de la couverture vaccinale en France, les pouvoirs publics ont choisi la contrainte. Une décision contre-productive pour un certain nombre de praticiens, dont le Collège national des généraliste enseignants et la Société française de santé publique ([...]), qui craignent au contraire une radicalisation des positions. Ils appellent, au contraire, à faire preuve de pédagogie et à parier sur l'intelligence des Français. »

 

C'est sans doute par manque de place que n'ont pas été évoqués les praticiens et institutions qui approuvent l'extension de l'obligation vaccinale...

 

Nous ajouterons que, pour ce qui est de la position de la Société Française de Santé Publique, nous ne sommes pas aussi sûrs (voir ci-dessous).

 

 

France Info : n'oubliez pas la manif !

Invitation le matin même dans « C'est dans ma tête » sur France Info de Mme Claude Halmos, psychanalyste. C'est repris sur le site FranceTVInfo comme « C'est dans ma tête. L’opposition à la vaccination ».

 

Entré en matière également tonitruante :

 

« Une manifestation a lieu aujourd’hui à Paris pour protester contre la décision de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de rendre obligatoires 11 vaccins, pour les enfants de 0 à 2 ans. »

 

L'entretien est certes plutôt savant, avec un discours cohérent, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il s'agissait d'un prétexte pour une annonce en quelque sorte publictaire.

 

Notons tout de même que Mme Halmos évoque la recrudescence de l'obscurantisme et – l'un ne va pas sans l'autre – l'écologie (précisons : mal comprise et instrumentalisée) :

 

« Et peut faire resurgir inconsciemment des peurs archaïques, fondées sur la pensée magique, qui sont là encore aggravées par les problèmes qu’ont pu poser, dans la réalité, certains vaccins.

 

Il y a ensuite le fait que les vaccins, qui apparaissaient autrefois comme un moyen de lutter contre l’impuissance face à la maladie et à la mort, n’ont plus cette image. Parce que l’on s’imagine que le temps des épidémies serait définitivement révolu. Et que l’on est même, du fait des progrès de la médecine, dans un sentiment de (relative) toute-puissance. Et puis il faut prendre en compte aussi l’évolution de notre société vers l’écologie, la nature, le "naturel". Les vaccins ce n’est pas "naturel"… »

 

 

Le Monde : trois photos et cinq interviews pour 300 manifestants (selon le Monde)

 

Nous passons à l'après-manifestation avec « A Paris, les partisans de la « liberté vaccinale » peinent à mobiliser »

 

En résumé :

 

« Près de 300 personnes se sont rassemblées, samedi à Paris, pour dénoncer le projet du gouvernement de passer, à partir du 1er janvier 2018, de trois à onze le nombre de vaccins obligatoires pour les enfants de moins de deux ans. »

 

C'est une information intéressante : après tout ce tapage sur les réseaux dits sociaux et cette bacchanale d'articles complaisants dans les médias pour les thèses anti-vaccins, il n'y aura eu que 300 personnes... Dont « Augustin de Livois, le président de l’Institut pour la protection de la santé naturelle, l’association qui a initié le recours devant le Conseil d’Etat pour faire constater la pénurie de vaccins DTP […] » et « Jacques Bessin, le président de l’Union nationale des associations citoyennes de santé et farouche opposant aux vaccins ».

 

Mais fallait-il assortir cet article d'images et d'interviews d'opposants aux vaccins ? À notre sens, ce n'est plus de l'information mais un publireportage d'une grande complaisance.

 

Une complaisance qui démontre de manière éclatante que « liberté vaccinale » signifie « refus de la vaccination ». Et qui repose la question de la ligne éditoriale du Monde.

 

 

Flashback : France Inter tend le micro à Mme Isabelle Adjani...

 

...qui lit l'argumentaire anti-vax qu'on lui a préparé. C'était le 3 septembre 2017 dans l'émission « Le Grand Atelier » présentée par M. Vincent Josse. On peut l'entendre par exemple ici.

 

On peut aussi lire « Isabelle Adjani et discours anti-vaccination – analyse » – un long texte qui a retranscrit les propos de Mme Adjani en l'assortissant d'un décryptage bienvenu.

 

Un auditeur s'est adressé au médiateur de France Inter :

 

« […] Je suis particulièrement choqué de la tribune ouverte à Isabelle Adjani pour dérouler sa rhétorique antivax. C'est d'autant plus grave que le fait que cette partie commence par deux extraits d'interviews de scientifiques, et qu'Adjani précise qu'elle s'aide d'une fiche, montre que la séquence n'a rien de spontanée.

 

Durant ces 12 minutes Isabelle Adjani reprend à peu près toutes les intox et fake news des militants antivax, en flirtant largement avec les théories complotistes sans que Vincent Josse ne remette sérieusement ses propos en question. Je vous livre ci-dessous une rapide analyse personnelle de ses propos.

 

[…]

 

La séquence commence à la 56ème min du podcast, introduite par des déclaration de Romain Gherardi et Alain Fisher. Les 2 scientifiques ont un discours opposé laissant supposé qu'il y a une divergence d'appréciation sur la vaccination. C'est un bel exemple de relativisme. En réalité il y a un très large consensus mondial sur l'intérêt de la vaccination.

 

[la suite est une litanie de griefs, avec liens vers des sources] »

 

Réponse de Mme Laurence Bloch, que nous vous livrons dans son intégralité (et brute de copier-coller) :

 

« Isabelle Adjani est une artiste et c’est à ce titre qu’elle a été invitée pour la première émission du Grand Atelier de Vincent Josse , émission dont le principe est d’offrir à une personnalité du monde artistique et du monde intellectuel une carte blanche aussi bien sur les invités que sur les sujets .

 

Sa parole est avant tout une parole subjective, partiale , partielle mais les artistes ne prétendent à rien d’autre et c’est en cela qu’il nous font réfléchir et avancer autrement .

 

Isabelle Adjani a choisi d’évoquer au cours de ce grand entretien ses réserves personnelles sur les vaccins et pour autant à aucun moment dans l’émission Vincent Josse n’a endossé ses propos ni relayé un quelconque encouragement à ne pas se faire vacciner .

 

Par ailleurs deux paroles scientifiques ont été sollicitées ,celle du Dr Romain Gherardi et celle du professeur Alain Fischer.

 

Enfin de très nombreuses émissions sont consacrées aux vaccins sur la chaine , notamment des émissions d’information comme Le Téléphone sonne , au cours desquels les arguments des uns et des autres sont débattus et examinés avec la plus grande impartialité .

 

Merci de votre fidélité à notre chaine . »

 

Non, France Inter n'a commis aucune faute déontologique ! La « parole » de Mme Adjani est « subjective, partiale , partielle », « les artistes ne prétendent à rien d’autre »... même quand ils se lancent dans un discours de propagande... et M. Vincent Josse est irréprochable puisque, s'étant tu, il « n’a endossé ses propos ni relayé un quelconque encouragement à ne pas se faire vacciner ».

 

Pitoyable !

 

 

Les Échos : ils sauvent l'honneur journalistique

 

« Vaccins : la contagion des "anti" » de M. Paul Molga est une longue analyse, détaillée. Excellent tout simplement.

 

 

LCI : idem

 

Il n'y a pas de vaccin contre la bêtise...

 

Un bon questions-réponses publié le 9 septembre 2017 : « 5 arguments des anti-vaccins passés au crible ». Mais on aimerait des réponses plus terre à terre. Par exemple à « Idée reçue 5 : L'organisme des nourrissons est trop faible pour recevoir onze vaccins ». La majorité des nourrissons recevant les onze vaccins, si l'idée reçue n'était pas reçue, cela se verrait !

 

Ce texte a fait l'objet d'une bordée de critiques dans les commentaires. Beau sujet pour une analyse sociologique.

 

 

Retour au Collectif Ensemble pour une Vaccination Libre (EPVL)

 

L'auteur nous informe en passant que la manifestation a été organisée par « la lanceuse d'alerte Sophie Guillot ». En musardant sur la toile, on apprend – de sa main sur un clavier – qu'elle a fait produire de faux certificats de vaccination.

 

Elle a aussi lancé une « pétition » sur Change.org avec un manifest long comme un jour sans pain... près de 35.000 « signatures »... seulement. Ce qui repose la question de la complaisance de certains médias envers les anti-vaccins, ou de leur manque de discernement.

 

 

Musardons du côté de la CEDH

 

On ajoutera que le manifeste de la pétition de Mme Guillot invoque l'arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Salvetti c. Italie, « en tant que traitement médical non volontaire, la vaccination obligatoire constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».

 

C'est une demi-vérité, donc un gros mensonge.

 

Car, dans Boffa et 13 autres c. Saint-Marin, la Cour a jugé :

 

« Reste à examiner la question de savoir si l'ingérence dans la vie privée du requérant est "nécessaire dans une société démocratique". D'après la jurisprudence de la Cour, la notion de nécessité implique une ingérence fondée sur un besoin social impérieux, et notamment proportionnée au but légitime recherché. Les autorités nationales, toutefois, jouissent d'une marge d'appréciation dont l'ampleur dépend non seulement de la finalité, mais encore du caractère propre de l'ingérence [...].

 

[…]

 

D'autre part, la Commission estime qu'une campagne de vaccination, telle que mise en place dans la plupart des pays, obligeant l'individu à s'incliner devant l'intérêt général et à ne pas mettre en péril la santé de ses semblables, lorsque sa vie n'est pas en péril, ne dépasse pas la marge d'appréciation laissée à l'Etat […].

 

Compte tenu de ces considérations, la Commission estime que l'ingérence dont se plaint le requérant est proportionnée au but poursuivi et peut être considérée comme une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à la protection de la santé, au sens du par. 2 de l'article 8 (art. 8) de la Convention. »

 

Notre Conseil Constitutionnel a lui aussi considéré que l’obligation vaccinale n’enfreignait pas le droit à la protection de la santé et répondait à un objectif légitime d’éradication des maladies contagieuses.

 

Extrait de l'avis de la SFSP de juillet 2017

 

« Aujourd’hui, la SFSP prend acte de la décision des pouvoirs publics de rendre la vaccination obligatoire pour 11 vaccins de la petite enfance.

 

Avec d’autres instances (Conférence nationale de santé, Collège national des généralistes enseignants...), elle rappelle l’importance de mettre en œuvre les autres mesures proposées tant par la concertation citoyenne que par la SFSP et ce, sans délai. Il s’agit pour la plupart de mesures non réglementaires, car la loi et les règlements ne peuvent tenir lieu à eux seuls de l’action de santé publique.

 

Elle appelle donc, afin que cette décision des pouvoirs publics ne soit pas contre-productive en matière de couverture vaccinale :

 

  • à mettre à disposition, vaccin par vaccin, un argumentaire scientifique compréhensible pour tous.

  • à renforcer le plaidoyer en faveur des vaccinations auprès du grand public, en l’adaptant aux freins et leviers spécifiques des groupes les plus difficiles à rejoindre, et en mettant en œuvre un fort dispositif de communication pérenne envers la population.

  • à compléter ce plaidoyer par des campagnes d’information régulières et par le renforcement des formations initiales et continues vis-à-vis de la vaccination auprès des professionnels de santé.

  • à garantir la gratuité des vaccins sans avance de frais par l’usager quelle que soit la couverture sociale des personnes, quel que soit le lieu de vaccination et quel que soit le professionnel réalisant l’acte.

  • à généraliser et à rendre obligatoire la traçabilité de la vaccination par l'utilisation des carnets de vaccination électroniques, permettant ainsi l’information du patient, l’information entre professionnels de santé, et le suivi des couvertures vaccinales à une échelle locale ou nationale.

  • à élargir la liste des professionnels de santé à même d'assurer des vaccinations afin de limiter les occasions manquées et simplifier le circuit actuel de vaccination.

  • à mobiliser les professionnels de santé pour qu’ils soient exemplaires vis-à-vis de leur propre couverture vaccinale et le cas échéant, trouver des mécanismes incitatifs à définir.

  • à encourager des recherches qualitatives sur les réticences à la vaccination et la genèse des rumeurs.

  • à mettre en œuvre en temps réel une évaluation de cette politique publique, y compris par comparaison avec les pays voisins afin de faire progresser l'harmonisation des pratiques vaccinales au sein de l'Europe. »

 

Et ne pas oublier de lire...

…« Vaccination : des propositions politiques respectant les données de la science, c’est bon pour le débat public ! » de l'Association Française pour l'Information Scientifique (AFIS).

 

 

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