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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L'Agence Bio en bisbilles avec les statistiques

23 Mars 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Agriculture biologique, #critique de l'information

L'Agence Bio en bisbilles avec les statistiques

 

Glané sur la toile 129 (Agriculture et Environnement)

 

 

 

Cela fait longtemps que c'était sur notre liste de sujets intéressants. M. Gil Rivière-Wekstein l'a fait dans « Les très curieux chiffres de l’Agence Bio ».

 

En résumé :

 

« Les chiffres de l’Agence Bio concernant les surfaces de vergers bio sont-ils surévalués ? C’est ce que suggère une étude détaillée de leurs données. »

 

Le sujet est abordé sous un angle précis, celui des vergers, qui ont l'avantage de fournir à l'analyse un support stable, (assez) facilement identifiable... un verger, ce n'est pas une culture d'herbettes qui apparaît et disparaît au fil des saisons...

 

cc_2015_evolutionsauetoperateursenbio.png

La nouvelle présentation... moins lisible que la précédente qui avait des barres annuelles.

 

 

Les résultats sont édifiants.

 

En fait, cependant, le site Agriculture et Environnement n'a levé qu'un coin du voile. Les comparaisons des séries statistiques publiées, donc (assez) facilement accessibles, révèlent bien d'autres anomalies. Apportons notre pierre à l'édifice.

 

Les chiffres pour 2014

 

Les chiffres pour 2015

 

Comme l'écrit A&E (pour les vergers, qui exigent trois années de conversion ; pour les autres cultures, c'est deux) :

 

« Ainsi, en toute logique, le total des hectares conduits en AB pour une année donnée (n) est nécessairement égal ou inférieur à la somme des surfaces bio et des surfaces en dernière année de conversion (C3) de l’année précédente (n-1). »

 

Voici nos exemples :

 

  • En vigne, il y avait en 2014, au total, 3.337 hectares en C1. En 2015, ils sont devenus C2, mais aussi 3.352 hectares... 15 hectares de plus.

     

  • En fruits, il y avait en 2014, au total, 2.144 hectares en C1. En 2015, ils sont devenus C2, mais aussi 2.247 hectares... 103 hectares de plus.

     

  • En fruits à coque, il y avait en 2014, au total, 581 hectares en C2. En 2015, ils sont devenus C3, mais aussi 702 hectares... 121 hectares de plus.

     

  • En grandes cultures, il y avait en 2014, au total, 20.749 hectares en C1. En 2015, ils sont devenus C2, mais aussi 23.155 hectares... 2.046 hectares de plus.

     

  • En 2014, la surface toujours en herbe (STH) était au total de 367.494 hectares, et la C2 de 19.170 hectares. En toute logique, en 2015, la surface totale ne peut pas être supérieure à (367.494 + 19.170 =) 386.664 hectares. Elle a été annoncée à... 401.152 hectares. 14.488 hectares de trop, soit près de 40 % de l'augmentation entre 2014 et 2015 revendiquée.

 

Les tableaux permettent aussi d'évaluer (sous réserve des « anomalies » des statistiques) les abandons. C'est facile pour les abandons en cours de conversion. Ainsi, en vigne, il y avait 3.976 hectares en C2. En C3, l'année suivante, ils ne sont plus que 3346 hectares, 630 hectares de moins, soit 16 % d'abandons en termes de surface. Pour les surfaces réellement en bio – hors conversion – il faut faire quelques calculs. Reprenons le cas de la vigne : sans abandons (au passage de C3 en certifié ou du certifié), il y aurait dû avoir au maximum 58.887 hectares. Ils ne sont que 57.601, une différence de 1296 (2,2 %). Que dire de l'hécatombe en fruits entre la C2 de 2014 et la C3 de 2015 ? Le chiffre a priori incroyable de 26 % témoigne à notre sens de la grande difficulté à gérer des vergers en bio, et aussi de l'étonnant aveuglement des décideurs face à cette réalité.

 

 

C'est un phénomène totalement occulté par la littérature régulièrement distillée par l'Agence Bio et d'autres thuriféraires de ce mode de production. Ajoutons, pour manifester encore davantage notre mauvaise humeur de citoyen pris pour une bourrique que l'Agence Bio a mis un temps considérable pour sortir ses chiffres pour 2015 et qu'elle claironnait dès février 2017 – en commentant un « sondage » aux questions formulées de manière à produire l'effet souhaité – sur les merveilleux progrès de 2016, mais sans les chiffres détaillés :

 

« Plus de 1,5 million d’hectares sont engagés en bio à fin 2016 (33% en conversion), soit +16% vs fin 2015. Désormais, on atteint 5,7% de la Surface Agricole Utile (SAU) en bio, contre 4,9% fin 2015. »

 

Une littérature devenue extraordinairement – et à notre sens honteusement – dithyrambique ces derniers temps. Car l'augmentation des « conversions » ne doit pas grand chose aux mérites intrinsèques de la filière bio, mais à la détresse de nombreux agriculteurs confrontés à la crise des prix.

 

 

M. Rivière-Wekstein conclut :

 

« Au final, on peut se demander si ce ou artistique est volontaire, ou s’il est plus simplement le fruit d’un amateurisme assez caractéristique d’une filière dont la croissance récente est surtout portée par un marketing bien rodé, qui prend un certain nombre de libertés avec la réalité. Faute d’une clarification des données réelles, la désillusion pourrait être à la hauteur des fausses promesses... »

 

Pour avoir fait un peu d'archéologie statistique, nous pouvons affirmer que ce problème d'« anomalies » n'est pas récent.

 

 

 

Et nous pensons que la modération, une conclusion quelque peu désabusée, n'est pas de mise ici : les « anomalies » statistiques reflètent en toute hypothèse (incompétence et incurie crasses exceptées) un problème systémique de gestion de l'institution – financé sur fonds publics pour un montant qui nous est inconnu (le site de l'Agence est opaque...).

 

Et, également, en toute hypothèse, des irrégularités dans la gestions des programmes de l'Agence et d'autres programmes pour lesquels l'Agence apporte des éléments de décision.

 

 

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