Pesticides : la malédiction du service public audiovisuel
Le titre était apparemment déjà pris !
Il y eut le scandaleux « Cash Investigation » du 2 février 2016 sur « produits chimiques : nos enfants en danger ». La veine était trop belle et politiquement trop opportune pour la mouvance anti-pesticides, manifestement présente et active sur France 2, puisque l'Union européenne devait se prononcer le mois suivant sur le sort du glyphosate (le vote a été reporté, le 8 mars 2016 – et , pour bien maintenir la pression, le Monde s'est empressé de titrer : « Bruxelles reporte un vote sur le glyphosate, désherbant soupçonné d’être cancérogène »).
Il y eut donc un sujet non annoncé au préalable sur Envoyé spécial du jeudi 18 février 2016 : « Pesticides : la malédiction du soja ».
"Pesticides : la malédiction du soja", France 2, février 2016
Il s'agirait d'un document inédit. L'excellent Alerte Environnement a illustré la supercherie, et il ne nous en voudra pas de reproduire ses images :
« Le site de l’émission parle d’un "document inédit" mais le spectateur a surtout un sentiment de déjà-vu. Et pour cause, il s’agit en gros d’un remake du documentaire "Pesticide et santé l’équation sans solution" diffusé sur Arte en mars 2015 et de "Bientôt dans vos assiettes (de gré ou de force)" diffusé sur Canal+ en septembre 2014. À croire que le travail de journaliste se résume à faire du copié-collé de reportages anxiogènes à fort potentiel d’audimat. »
« À croire que... » ? Non, le travail de journaliste consiste aussi à faire de la désinformation et à peser sur les décisions politiques. Quant au remake, le bricolage fait à la va-vite transparaît déjà du titre, puisqu'une partie importante de la séquence ne concerne pas le soja... qui n'est du reste concerné en principe que s'il est transgénique.
"Pesticide et santé l’équation sans solution", Arte, mars 2015
Ce « document » n'est pas « inédit » pour l'emploi du conditionnel. Dès l'entrée en matière :
« Et maintenant, dans l'actualité, ces produits chimiques utilisés dans l'agriculture, mais aussi dans les jardins publics ou ceux de nos maisons et qui seraient dangereux pour notre santé... »
Puis :
« Vous allez découvrir comment le bétail nourri en Europe avec du soja importé subirait des mutations génétiques. »
Des « mutations génétiques » ? Quelle expertise journalistique ! Nous avons vu une longue séquence dans laquelle un producteur de porcs danois, M. Ib Borup Pedersen étale pour la énième fois sa collection de porcelets congelés, affligés d'énormes malformations congénitales.
« Pour lui, l'origine de ces malformations ne fait aucun doute : il s'agirait de l'alimentation de ses bêtes. »
Le commentateur en voix off a pris soin d'employer le conditionnel. C'est comme ça tout au long des 33 minutes. À croire que les producteurs se doutaient bien qu'il y avait un loup, ou plutôt une meute de loups.
"Bientôt dans vos assiettes (de gré ou de force)", Canal+, septembre 2014
Les auteurs de ce chef-d'oeuvre de désinformation ont-ils pris soin de s'informer ? Uniquement pour l'adresse d'un M. Pedersen capable de leur livrer des images particulièrement choquantes pour une émission destinée à choquer.
Aucun producteur de porcs français à disposition pour livrer des images semblables et mettre le glyphosate en cause ? Aucun article dans la presse, même militante, accusant le glyphosate d'être tératogène (sauf, bien entendu, s'agissant de l'élevage de M. Pedersen) ? Aucune étude scientifique confirmant les dires de M. Pedersen ? Même pas de Judy Carman et al., une équipe qui a fait une étude sur des porcs élevés jusqu'à l'âge d'abattage (et qui, une fois la surinterprétation et la désinformation évacuées, n'a rien trouvé) ? Aucune réaction des autorités vétérinaires et sanitaires ? Du CIRC ? Des politiciens écolos, démagogues, populistes ?
Il faut croire que les « journalistes » sont imperméables au bon sens. Par ignorance ou par cynisme.
"Pesticides : la malédiction du soja", France 2, février 2016
La sordide instrumentalisation d'un enfant français
Après le conditionnel, on passe à la formulation précautionneuse :
« cancers, malformations, partout autour du monde cet herbicide est soupçonné d'empoisonner le bétail, mais aussi les humains. »
Et, évidemment, aux humains avec une séquence immonde sur un enfant né avec une atrésie de l'œsophage. Lien avec le soja ? Néant. Lien avec le glyphosate ? La conviction des parents.
« Pendant sa grossesse, Sabine se souvient avoir utilisé un désherbant à base de glyphosate, le Roundup... »
Cette malformation touche environ un enfant sur 3000, autant les filles que les garçons, dans toutes les populations. Sa cause est inconnue, étant entendu qu'on trouvera sans nul doute au moins une étude flattant un quelconque biais de confirmation. Il s’agit cependant d’un problème de développement de l’embryon qui survient au début de la grossesse. Mais selon la mère, le chirurgien qui a opéré le petit Théo considère que c'est une pathologie assez rare et que les quelques études qui ont été faites tendent à pointer vers les pesticides et les désherbants.
Notons cependant que le commentaire met un bémol :
« Malgré l'avis de ce spécialiste, impossible pour Sabine et son mari de prouver de manière certaine le lien entre ce désherbant et la maladie de leur enfant, même si, pour eux, il ne fait absolument aucun doute. Depuis, ils militent pour l'interdiction du glyphosate. »
Et c'est reparti pour une déclaration de pur militantisme. Que reste-t-il du bémol dans l'esprit de l'auditeur ? Au mieux pas grand chose.
"Pesticide et santé l’équation sans solution", Arte, mars 2015
Le soja en Argentine
Mais il est temps de passer à l'Argentine, « l'un des plus grands consommateurs mondiaux de glyphosate ». Pourquoi l'Argentine qui, avec ses 5,5 millions d'hectares de maïs et 20,5 millions d'hectares de soja, en majorité GM, arrive loin derrière les États-Unis d'Amérique avec leurs 37 millions d'hectares de maïs et 34 millions d'hectares de soja en 2014/2015 ? C'est qu'on y trouve des activistes anti-OGM et anti-glyphosate, avec de bonnes adresses qu'il suffisait de recueillir chez les « documentaristes » militants qui se sont déjà frottés au sujet...
« Dans la province de Santa Fé, le soja, c'est à la perte de vue... »
L'incontournable cliché ! La province de Santa Fé est sans conteste une importante région agricole. Sur la base de données statistiques disparates, nous avons calculé que sa surface « semée » représente 54 % du territoire (en France métropolitaine, les « terres arables » – hors surfaces toujours en herbe, vignes, vergers et autres – occupent en gros le tiers de la surface). Le soja, c'est maintenant la moitié des cultures, le quart du territoire. C'est certes beaucoup, mais pas autant que ne le laissent entendre des « documentaristes » qui ne filment que les champs qui les intéressent. Le soja occupe 60 % des surfaces semées en Argentine, mais seulement 7,34 % du territoire. En France, le blé occupe 9 % du territoire.
Passons aussi discrètement que possible – c'est-à-dire sans rire – sur les deux ouvriers pour 200 hectares, « un pour semer, un pour épandre du glyphosate sur les mauvaises herbes », et sur l'« inoculante » (un enrobage de Rhizobium, de la bactérie fixatrice d'azote spécifique au soja) qui devient un engrais. Les graines sont évidemment « développées par Monsanto » – qui d'autre est connu dans le monde de la contestation anti-OGM et anti-pesticide ? – et « spécialement fabriquées pour être associées au glyphosate également commercialisé par la marque américaine » – le monde de la contestation sait-il que le glyphosate est devenu générique et que les plus grands producteurs sont chinois ? L'agriculteur en utilise toujours plus pour, selon le commentaire, « augmenter les rendements ». Encore une bêtise...
"Bientôt dans vos assiettes (de gré ou de force)", Canal+, septembre 2014
L'inévitable agent orange
Bien sûr, l'agriculteur ajoute du 2,4-D, « un des composants de l'agent orange, un désherbant aujourd'hui interdit... ». Comment expliquer à des « journalistes » militants que le 2,4-D ne s'utilise qu'en présemis, et non sur une culture de soja installée (à moins de vouloir la détruire) ? Et que l'agent orange n'est pas un désherbant mais un défoliant qui fut utilisé en situation de guerre ? Ah oui ! Ça ruine le narratif...
"Pesticides : la malédiction du soja", France 2, février 2016
La sordide instrumentalisation d'enfants argentins
On va ensuite dans la province du Chaco. Le village de La Tigra « est cerné par les champs de soja »... Ce n'est pas vraiment ce que montrent les images... Gros plan sur un enfant atteint de microcéphalie. La microcéphalie ? Les systèmes publics de suivi des maladies congénitales aux États-Unis d'Amérique ont estimé que la fréquence de la microcéphalie oscille entre 2 et 12 bébés pour 10 000 naissances viables. Ici, la mère, s'est trouvée sous un avion épandeur alors qu'elle était enceinte, et le lien est fait avec l'épandage... et l'épandage était évidemment de glyphosate...
Se vérifie donc à nouveau une ficelle de la désinformation : l'anecdote, de préférence invérifiable, tient lieu de démonstration. La science, la vraie, pas la militante, est soigneusement tenue à l'écart.
Mais voici une autre enfant lourdement handicapée. Ici, les parents disent que, selon les médecins, ce pourrait être génétique. La démonstration par l'anecdote nécessite donc un enfumage. Commentaire suivant :
« Une population isolée, qui n'a jamais été informée sur les dangers possibles du glyphosate et dont l'ignorance continue de provoquer des ravages dans la région. »
Et on montre le père montrant des bidons de produits phytosanitaires utilisés pour stocker l'eau (en principe potable). La démonstration est donc faite de manière subliminale. Du grand art !
Il est vrai qu'utiliser des bidons constitue un problème de taille. Mais est-il possible de faire comprendre à un « journaliste » militant (et même à certains « chercheurs » militants) qu'il est difficile d'attribuer à un seul produit tous les maux de la terre ? Mais bon...
"Pesticide et santé l’équation sans solution", Arte, mars 2015
L'inévitable incurie politique
« Face aux intérêts du lobby agricole, les autorités ferment les yeux. Le gouvernement argentin n'a diligenté aucune enquête sur le glyphosate. Mais les soupçons se multiplient. »
L'inévitable théorie du complot... À quoi attribuer l'augmentation du nombre de centres d'accueil pour enfants handicapés de l'État du Chaco de 6 en 1995 à plus de 50 aujourd'hui ? Ben voyons ! Mais il y a toujours cette lancinante question : comment faire comprendre à des « journalistes » militants que le Chaco, c'est près de 100.000 kilomètres carrés (la plus grande région française, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, fait 84 061 kilomètres carrés) et un peu plus d'un million d'habitants ? Que l'État social s'est développé et qu'il y a maintenant un centre pour 20.000 habitants ?
Interview de Mme Marisa Gutman, déjà vue dans un précédent docu... (ment..., complétez à votre guise). Elle est sans nul doute de bonne foi, mais est-elle objective ? Y a-t-il plus de cas ou, les centres d'accueil s'étant multiplié, un phénomène existant est-il simplement devenu plus visible ?
On passe à un professeur de l'Université nationale de Rosario, Damián Verzeñassi, également vu précédemment. Mais il s'agit d'un militant qui affirme beaucoup mais ne publie rien. Le bon docteur montre des graphiques sur son ordinateur... introuvables sur le nôtre malgré la performance des moteurs de recherche !
Mais il est temps de conclure cette séquence. Commentaire :
« La réalité des chiffres est violente et les problèmes de santé qui seraient liés au glyphosate ne concernent pas que les Argentins. »
"Bientôt dans vos assiettes (de gré ou de force)", Canal+, septembre 2014
Une minute de bon sens (quand même)
Retour en France, où un éleveur, M. Hervé Piot, explique calmement la situation :
« Pourquoi se passer d'une source de protéines aussi bonne que celle-là. »
Reconnaissons aux producteurs de l'émission de ne pas avoir cherché à noircir complètement le tableau. Il en est d'autres que ce genre de scrupule n'a pas étouffé... On voit de superbes vaches... Mais on retourne chez M. Pedersen au Danemark. Les producteurs n'ont visiblement pas « percuté » devant le discours rationnel et tranquille de M. Piot et les récriminations de M. Pedersen et ses sophismes post hoc propter hoc. Les vaches ne sont certes pas des cochons, mais tout de même !
"Pesticides : la malédiction du soja", France 2, février 2016
L'enquête danoise
Dans la rhétorique militante, les pouvoirs publics sont aux ordres de Monsanto et autres diables de l'agrochimie (voir ci-dessus pour l'Argentine). La réalité est différente. Le gouvernement danois a diligenté une enquête à la suite d'autres folles accusations de M. Pedersen : que le glyphosate est responsable de diarrhées jaunes porcines. Le document... (complétez...) fait la part belle à ces accusations.
Mais, là encore, on peut mesurer la formidable inculture scientifique de la gent qui occupe le paysage audiovisuel et nous manipule. M. Pedersen remplace le soja par de l'orge (bizarre, voir ci-après) et conclut : c'est le glyphosate ! Les producteurs de l'émission ont gobé, goulûment, alors que le remplacement d'un aliment riche en protéines par un autre riche en glucides est bien plus important... Mais M. Pedersen n'est pas à court d'arguments : un jour, il a dû acheter de l'orge qui contenait 2,28 ppm de glyphosate, les diarrhées sont réapparues... Comment le glyphosate s'y est-il trouvé ? Mystérieux et difficilement explicable.
La parole est donnée dans le reportage au chercheur principal Martin Tang Sørensen de l'Université d'Aarhus. Ce qu'il a dit n'est pas audible. A-t-il acquiescé à une hypothèse de travail ou proféré une affirmation sur un fait ? La question semble avoir été : « Could the glyphosate be the source of the diarrhea epidemic in animals ». On est donc plutôt dans le domaine des hypothèses. Ainsi que dans la complaisance militante car, hormis pour les causes virales, il n'y a pas d'épidémie.
Selon le commentaire, M. Tang Sørensen est « presque certain » que le glyphosate « peut être à l'origine » des diarrhées.
Mais selon la littérature disponible sur la toile, notamment son rapport daté du 4 février 2014, il n'a pu qu'émettre deux hypothèses de travail sur les risques possibles du glyphosate « qui doivent faire l'objet de preuves expérimentales pour être acceptées ou rejetées » : le glyphosate peut affecter les micro-organismes du système gastro-intestinal des animaux, ou leur alimentation en minéraux, avec des effets secondaires sur leur productivité et leur santé (communiqué de presse en anglais ici).
Il y a un signe qui ne trompe pas pour l'absence de résultats probants : les sites anti-OGM et anti-pesticides sont peu loquaces sur la question ! Et, à l'évidence, si les pistes étaient sérieuses, des militants comme Judy Carman, Howard Vlieger, etc. se seraient précipités. Pour le militantisme en blouse blanche, entretenir le doute dans les esprits sur les effets du glyphosate sur le microbiome intestinal, en conditions réalistes, est prioritaire sur l'acquisition de connaissances.
En janvier 2013, le VSP (Centre danois de recherche sur le porc) avait conclu sur son site que « le soja GM n'affecte pas la santé gastro-intestinale ». Le 20 novembre 2015, LandbrugsAvisen rapportaient les résultats – négatifs – de deux essais du VSP.
"Pesticide et santé l’équation sans solution", Arte, mars 2015
Cahin caha, l'escalade d'engagement
Il n'y a pas d'épidémie. Il n'y a pas de preuves à l'appui ; elles sont plutôt en sens contraire... Et, imperturbable, M. Pedersen débite son discours...
Tout aussi imperturbables, les gens aux caméras et micros gobent, ravis. Manifestement aussi, l'« enquête inédite » ne pouvait pas innover en s'adonnant à une véritable enquête, avec recherche et vérification de sources fiables. Elle ne pouvait même pas inclure un travail préalable d'exploration et de compréhension du sujet. Car il s'agissait à l'évidence de produire sans délai une pièce s'inscrivant dans une stratégie coordonnée anti-pesticides et particulièrement anti-glyphosate.
Donc,
« Céréales, fruits, légumes, l'herbicide est partout. »
On a du mal à rester sérieux ! On trouverait dans les choux du glyphosate (abstraction faite du bruit de fond que les moyens modernes permettent de déceler partout)... qui tue les choux !
Idem pour la prestation du célèbre professeur Séralini et la référence à son étude « publiée dans une célèbre revue américaine » (commentaire en voix off).
Heureusement, le documentaire n'est pas à sens unique comme les précédents : la parole est tout de même donnée à M. Yann Fichet, directeur des affaires institutionnelles et industrielles de Monsanto France, qui peut tailler un costard à une « étude » qui a suscité un tollé mondial en raison de ses déficiences. Qu'en restera-t-il ?
Procédé classique : le discours qui ne soutient pas la thèse n'est qu'un interlude et sert à faire rebondir la thèse :
« Mais le professeur Séralini poursuit ses recherches... »
Il nous balance donc sa théorie du complot favorite et son argument massue du Roundup mille fois plus toxique que le seul glyphosate. Mille fois ? Un entêtant parfum d'exagération. Et c'est sans compter le fait qu'il s'agit d'expériences in vitro et que l'herbicide formulé ne se retrouve pas intégralement sous forme de résidus dans les denrées alimentaires. Pitoyable !
"Bientôt dans vos assiettes (de gré ou de force)", Canal+, septembre 2014
C'est quoi ce CIRC
Le classement du glyphosate comme « probablement cancérigène » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) est un élément incontournable de tout documentaire, honnête ou engagé. Et il faut invariablement évoquer l'opinion contraire des autorités sanitaires européennes.
Comment faire dans une œuvre conçue pour être à charge dans une optique politicienne ?
On donne la parole à Mme Kathryn Guyton, scientifique de la Section des monographies du CIRC, responsable de l'évaluation du glyphosate. On glisse un commentaire en voix off :
« Pour l'OMS, le glyphosate est donc probablement très dangereux, mais pas pour les autorités sanitaires européennes, car elles ne s'appuient pas sur les mêmes études. »
Et on redonne la parole à Mme Guyton qui dénigre – de manière éhontée – le travail des autorités européennes :
« Selon moi, l'évaluation des autorités sanitaires européennes a été entièrement rédigée par les industriels du glyphosate. Les autorités sanitaires européennes n'ont fait que la relire et fait des commentaires en disant "je suis d'accord" ou "je ne suis pas d'accord". »
Difficile de mieux exprimer un parti pris, lequel ne peut que rejaillir négativement sur la crédibilité (enfin, ce qu'il en reste) du CIRC.
Vous avez dit 1000 fois ?
Instrumentalisation d'un pré-rapport
Qui sont les « autorités européennes » qui n'ont pas voulu s'exprimer ? On ne le saura pas.
Mais le reportage montre le pré-rapport du Bundesamt für Risikobewertung (BfR), « fuité » par les bons soins du Corporate Europe Observatory (CEO), et un de ses paragraphes qui a fait le tour du monde par les bons soins de la mouvance anti-pesticides. Plutôt que de citer les documents scientifiques originaux, le BfR, agissant en tant qu'autorité de l'État membre rapporteur, a cité les résumés produits par la Glyphosate Task Force (GTF), en les associant de ses commentaires. Traduisons : plutôt que de ressaisir les documents originaux, il a fait des copier-coller. La mouvance anti-pesticide, Mme Guyton du CIRC incluse, s'est saisie de ce paragraphe avec une mauvaise foi caractérisée pour insinuer que le travail de réévaluation a été fondé uniquement sur les déclarations de l'« industrie ». Or il suffit de poursuivre la lecture sur la même page de ce volumineux volume de 947 pages (excusez du peu...) pour s'apercevoir, d'une part, qu'il s'agit de la description du mode opératoire pour la rédaction et non pour la prise de décision et, d'autre part, que le BfR a pris en compte d'autres documents, y compris un soumis par... la mouvance anti-pesticides :
« Des publications additionnelles citées dans un récent document préparé par l'ONG "Earth Open Source" (Antoniou M, et al., 2011, ASB2011-7202) ont aussi été inclus dans l'analyse de la littérature. »
Par ailleurs, la GTF est le consortium de producteurs de glyphosate qui s'est constitué pour demander collectivement le renouvellement de son autorisation et se partager le travail, qui est de produire un dossier aussi complet que possible. Le BfR s'est fondé essentiellement sur le dossier (en tenant compte d'autres sources) ? Où est le mal ? C'est la procédure.
Les auteurs du reportage ont donc succombé à la désinformation et l'ont propagée sans esprit critique. Était-il si difficile de vérifier ? Même sans s'enquérir auprès de la GTF, il suffisait de quelques clics...
« L'industrie semble donc semble donc être juge et partie de cette évaluation... »
La séquence qui suit avec M. Yann Fichet ressemble à un interrogatoire, certes poli, mais digne de l'Aveu.
« À la fin de l'enquête, il nous semblait que les géants de l'agrochimie étaient intouchables »
Formidable commentaire... qui précède une séquence sur M. Paul François, victime non pas d'un pesticide de Monsanto, le Lasso, mais d'un accident du travail dû – comme il le reconnaît par ailleurs – à une fausse manœuvre, un « accident stupide » de sa part. L'« intouchable » Monsanto condamné... un oxymore. Mais c'est devenu un lieu commun... on ne vérifie plus.
Nous, à la fin de l'« enquête », il nous semble que le téléspectateur contribuable a été grugé.