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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Point de vue : Le biochar, qui améliore les sols, devrait être plus accessible aux agriculteurs

31 Janvier 2024 Publié dans #Agronomie, #Climat

Point de vue : Le biochar, qui améliore les sols, devrait être plus accessible aux agriculteurs

 

Jack Dewitt, AGDAILY*

 

 

Image : La Huertina De Toni, Shutterstock

 

 

« Oubliez les technologies révolutionnaires censées résoudre le problème du changement climatique. Une ancienne pratique agricole qui élimine le carbone de l'atmosphère fait l'objet d'une attention nouvelle et reçoit des grandes entreprises des fonds qui changent la donne. »

 

C'est ainsi que commence un article sur le biochar dans le Wall Street Journal du 17 mai 2023. Le biochar fait l'objet de beaucoup d'attention ces jours-ci parce qu'il s'agit d'un produit à forte teneur en carbone qui peut être appliqué au sol avec l'assurance raisonnable que le carbone qu'il contient sera séquestré pendant un siècle. Le problème ? Il coûte trop cher. Mais les choses sont peut-être en train de changer.

 

Qu'est-ce que le biochar et comment est-il fabriqué ? Le biochar (une sorte de charbon de bois) est fabriqué en brûlant des matières organiques (déchets végétaux, fumier, etc.) à des températures élevées avec une restriction d'oxygène (pyrolyse). Alors qu'environ 90 % du carbone contenu dans un déchet retournerait dans l'atmosphère si on le laissait se décomposer naturellement, la combustion à haute température et à faible teneur en oxygène convertit 50 % ou plus du carbone en un produit noir et solide très résistant à la décomposition. Ajouté au sol, il retiendra de grandes quantités d'eau et de nutriments pour les plantes.

 

Dans les opérations de pyrolyse modernes, les déchets sont complètement enfermés et ne brûlent pas réellement. La chaleur décompose la biomasse en gaz combustibles et en biochar. Les gaz les plus lourds sont condensés en biohuile et les plus légers deviennent du gaz de synthèse. Les deux peuvent être brûlés pour chauffer le processus. La combustion de ces huiles et de ces gaz entraîne bien entendu la libération de CO2, mais dans des proportions bien moindres que si l'on laissait la biomasse se décomposer naturellement.

 

 

 

 

Les avantages de l'ajout de biochar au sol sont connus depuis des siècles. Il y a environ 7.000 ans, les Aztèques cultivaient des sols de Terra Preta (terre noire) qu'ils avaient créés à dessein (ou par accident). Ils brûlaient leurs déchets organiques provenant des récoltes, de la cuisine et peut-être même des excréments humains. Ces déchets étaient brûlés dans des fosses, probablement couvertes pour retenir la fumée et limiter l'oxygène. Les cendres et le charbon de bois qui en résultaient étaient répandus sur les sols de leurs jardins, produisant au fil du temps une « terre noire » très productive. Ces parcelles de terre noire ont été découvertes dans toute l'Amazonie.

 

Si l'on observe le biochar au microscope, il se présente sous la forme d'un amas de minuscules tubes empilés. Il est extrêmement poreux et sa surface peut atteindre 1.000 mètres carrés par gramme (0,35 oz). Il absorbe cinq fois son poids en eau. Il possède également une capacité d'échange cationique (CEC) très élevée, ce qui lui permet de fixer de grandes quantités d'ions chargés positivement, tels que l'ammoniaque. Il est préchargé en phosphore, en potassium et en soufre, car ces éléments sont préservés par la pyrolyse, mais les sources d'azote doivent être ajoutées. Une fois entièrement chargé, le biochar résiste au lessivage de ces nutriments. La CEC élevée rend le biochar très précieux pour les sols tropicaux qui perdent rapidement leurs nutriments à cause de la pluie. Et pour les terres agricoles arides, sa capacité à stocker l'eau est très précieuse.

 

La matière première et la température de pyrolyse influencent les paramètres du biochar obtenu. Les températures inférieures à 400 degrés Celsius produisent généralement des biochars acides, tandis que les températures supérieures à 400 degrés produisent des biochars alcalins. La pyrolyse à basse température donne des quantités plus importantes de biochar et moins de gaz. Pour les grandes quantités de gaz et de pétrole, on utilise la pyrolyse à 1.800 degrés.

 

Le Dr Stephen Machado, qui travaille au Columbia Basin Agricultural Research Center (CBARC), a mené des recherches approfondies sur l'ajout de biochars aux sols arides et semi-arides. Des données provenant de petites parcelles du centre sur lesquelles il a appliqué 5 à 10 tonnes de biochar de sapin de Douglas cuit à 700 °C ont permis d'observer des augmentations de rendement du blé de 12 à 33 % et des augmentations de rendement des pois de 15 à 20 %. [Ma note : Je suppose que c'est des short tons par acre, donc 11,2 à 22,4 tonnes/hectare]. Les parcelles d'agriculteurs où 2,5 tons [5,6 t/ha] ont été appliquées n'ont pas donné lieu à des augmentations significatives. Il est prévu d'appliquer à l'avenir des doses de cinq tons sur les parcelles des agriculteurs.

 

 

 

 

Qu'en est-il du prix ? Difficile à déterminer. La plupart des devis sont exprimés en dollars par yard cube. Or, le poids par yard cube peut varier considérablement. Le mieux que je puisse faire est d'estimer entre 400 et 500 dollars par ton pour les chargements complets [440 à 550 dollars/tonne]. Lorsque le prix descendra à 100 dollars la ton, ce sera à la portée d'au moins quelques agriculteurs. Ils n'auraient pas à traiter l'ensemble de leur exploitation en une année.

 

Certaines entreprises investissent dans des technologies, telles que la collecte du CO2 à la cheminée et le pompage dans un stockage souterrain, qui coûtent plus de 600 dollars la tonne de CO2 collectée. Il est temps que les entreprises investissent dans la production de biochar et le vendent aux agriculteurs à un prix abordable. Ils pourraient le donner et cela leur coûterait moins cher que de le pomper dans le sol.

 

Une entreprise a vendu à American Airlines une nouvelle technologie que je trouve un peu stupide. Graphyte, une jeune entreprise, a l'intention de collecter les déchets agricoles et forestiers, de les comprimer en blocs de la taille d'une boîte à chaussures et de les sceller avec une barrière spéciale (probablement en plastique) pour empêcher la décomposition (pour toujours ?). Elle facture à American 100 dollars par tonne métrique de CO2 séquestré. À mon avis, ce n'est pas très écologique.

 

Le sol et les forêts ont besoin du carbone et des nutriments qu'ils prévoient de séquestrer pour toujours. Faites payer les compagnies aériennes un peu plus cher et transformez les déchets en biochar pour le vendre aux agriculteurs à un prix raisonnable. Cela contribuerait à rajeunir nos sols, au lieu de bloquer des nutriments importants dont nos sols ont besoin. Bill Gates est un investisseur. Envoyez-lui une lettre.

 

______________

 

Jack DeWitt est un agriculteur-agronome dont l'expérience s'étend sur plusieurs décennies, depuis la fin de l'agriculture attelée jusqu'à l'ère du GPS et de l'agriculture de précision. Dans son livre « World Food Unlimited », il raconte tout cela et prédit comment nous pourrons avoir un monde futur où la nourriture sera abondante. Une version de cet article a été publiée à l'origine dans Agri-Times Northwest.

 

Source : Soil-boosting biochar should be more accessible to farmers | AGDAILY

 

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J
1800°C... avoir de telles températures n'est pas "gratuit" en CO2
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H
Le gaz carbonique N'EXISTE PLUS à une température supérieure à 30,9°C. (c'est un gaz froid et lourd - 1,8 gr/litre).
Répondre
M
C'est l'inverse, 31°C c'est la température critique c'est à dire que au-delà de cette température on ne peut plus avoir de CO2 sous forme liquide. Cependant si on le comprime au-delà de sa pression critique (73 bar) on obtient un fluide supercritique càd un truc bizarre qui a des propriétés entre gaz et liquide et qu'on utilise comme solvant dans certaines industries. Donc le CO2 à l'état gazeux existe bien au-delà de 31° en particulier à la pression atmosphérique.