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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La viande de culture peut-elle répondre aux attentes ?

9 Décembre 2022 Publié dans #Alimentation, #Elevage, #Biotechnologies

La viande de culture peut-elle répondre aux attentes ?

 

Jane Caldwell*

 

 

Image : Clker-Free-Vector-Images de Pixabay

 

En raison des préoccupations de consommateurs quant à l'impact de la production animale commerciale sur le changement climatique, le développement durable et le bien-être des animaux, des entreprises de biotechnologie se lancent dans la production de viande en dehors de la filière de l'élevage. La viande de culture (VdeC), produite artificiellement dans un bioréacteur pour la consommation humaine ou animale, est à la fois la nouvelle frontière alimentaire commerciale et la coqueluche des investisseurs en capital-risque. Les entreprises de biotechnologie peuvent-elles tenir leurs promesses, ou sont-elles en train de jeter de la poudre aux yeux de leurs investisseurs et d'induire le public en erreur ?

 

 

Voici le battage médiatique

 

Dans un article que j'ai écrit pour Food Technology, publié en août 2021, j'ai décrit plusieurs idées fausses défendues par les investisseurs/marketeurs de la VdeC et diffusées par des journalistes naïfs.

 

 

Affirmations non fondées ou contre-vérités sur la VdeC :

 

  • Suppression de l'abattage des animaux, amélioration du bien-être animal ;

     

  • Élimination des antibiotiques ;

     

  • Respect de l'environnement, réduction des gaz à effet de serre, amélioration de la durabilité ;

     

  • Amélioration de la nutrition humaine, de la santé et de la sécurité alimentaire.

 

Voici quelques-uns des faits « sales » que le battage médiatique a occultés :

 

 

Souffrance animale

 

Le bien-être des animaux n'a pas été abordé honnêtement. Certains ingrédients nécessaires à la culture de cellules animales in vitro proviennent d'animaux abattus ou sont prélevés sur des animaux vivants. C'est le cas du sérum bovin fœtal (SBF), qui sert de facteur de croissance aux cellules animales cultivées dans une boîte de Pétri. Le SBF est dérivé du sang d'un veau non encore né, prélevé dans l'utérus de la vache au moment de l'abattage. D'autres éléments inavouables, comme le sérum de cheval, les facteurs de croissance, les hormones provenant de bactéries E. coli génétiquement modifiées et l'hydrolysat de cyanobactéries (une enzyme), peuvent être nécessaires pour assurer la survie et la croissance des cellules dans de nombreux bioréacteurs.

 

Pour fournir un approvisionnement continu en cellules bovines, les veaux donneurs doivent être biopsiés. Selon un protocole publié, l'animal doit être immobilisé et mis sous sédatif.

 

« Comme l'opération est stressante, de nombreuses biopsies seraient effectuées en même temps pour optimiser la procédure. »

 

L'association People for the Ethical Treatment of Animals (PETA – Pour une Éthique dans le Traitement des Animaux en France) soutiendra-t-elle cette partie du processus de la VdeC lorsqu'elle sera révélée ? Le bétail ne sera pas éliminé, mais simplement réaffecté. Qui élèvera et entretiendra ces animaux, et dans quelles conditions ? Les entreprises de biotechnologie de la VdeC doivent indiquer clairement que les animaux font toujours partie de la chaîne d'approvisionnement, à moins que de nouvelles sources non animales puissent être trouvées.

 

 

Utilisation d'antibiotiques

 

La VdeC devra être produite dans des conditions aseptiques pour éviter la contamination par des bactéries, des levures et des moisissures. La contamination étant un problème majeur dans les cultures cellulaires, des antibiotiques et des inhibiteurs de moisissures sont régulièrement utilisés à titre prophylactique dans les milieux de culture cellulaire pour inhiber la croissance des microbes. Le maintien de conditions exemptes de germes est coûteux et nécessite un personnel qualifié et un équipement spécialisé.

 

 

Durabilité et impacts environnementaux

 

Les affirmations selon lesquelles l'impact sur l'environnement et la durabilité sont moindres ne sont, au mieux, que des paroles en l'air. Il est vrai que l'agriculture animale utilise des ressources telles que l'eau et la terre, qui sont en quantité limitée. Les animaux produisent également des gaz à effet de serre tels que le méthane. La VdeC est une nourriture « ultra-transformée », dont la production nécessite de grandes quantités d'énergie pour alimenter des installations dont l'empreinte environnementale est énorme. Les équipements nécessaires comprennent des incubateurs, des congélateurs à basse température, des hottes, des unités de filtration d'air HEPA, des lampes UV, des couveuses et des bioréacteurs... et les nombreux ordinateurs qui les font fonctionner et les contrôlent. Ces installations auront également besoin d'applications quotidiennes de composés chimiques pour nettoyer et désinfecter les surfaces et les équipements. Les VdeC cultivées dans des bioréacteurs produisent des flux d'eaux usées contenant de l'ammoniac et des acides aminés non consommés, qui sont difficiles à éliminer. Dans les médias populaires et les efforts de marketing, les partisans de la VdeC, en général, ont écologisé le processus en minimisant ces coûts lors des comparaisons avec l'agriculture animale.

 

 

Santé humaine et nutrition

 

Les allégations concernant la nutrition humaine, la sécurité alimentaire et la santé humaine sont essentiellement théoriques. Il n'existe pas de données cliniques publiées et évaluées par des pairs sur les effets à court ou à long terme de la consommation de VdeC, que ce soit chez l'Homme ou chez l'animal. Très peu de travaux ont été publiés sur les normes de sécurité chimique ou microbiologique des VdeC. La plupart des informations accessibles au public proviennent d'articles de synthèse qui spéculent ou extrapolent en fonction des connaissances actuelles sur d'autres aliments protéinés. L'une des raisons de ce manque d'informations est que la plupart des travaux sur la VdeC ont été réalisés dans le secteur privé, où il n'y a pas de partage des données. Cette situation n'est pas inhabituelle. Les entreprises protègent leurs secrets industriels afin de mieux s'implanter sur le marché que leurs concurrents.

 

 

La situation critique des agriculteurs

 

L'industrie de la VdeC a détourné le regard et n'a pas tenu compte des ramifications sociales et économiques pour les petits agriculteurs. Les exploitations familiales représentent 98 % de toutes les exploitations agricoles des États-Unis. Les petites exploitations produisent la plupart de nos volailles et de nos œufs, même si elles sont généralement intégrées verticalement avec les grands transformateurs. La production de bovins de boucherie est une autre source de revenus à faible intensité de main-d'œuvre pour les agriculteurs qui ont besoin de travailler la terre pour payer leurs factures. Qu'advient-il des familles rurales dont le revenu dépend de l'élevage ? Que ferons-nous des terres marginales qui ne peuvent pas accueillir de cultures mais qui peuvent accueillir des herbivores tels que des moutons ou des chèvres ?

 

 

Un appel à l'action

 

Un commentaire récent paru dans Nature, rédigé principalement par des employés de New Harvest, un institut de recherche à but non lucratif qui soutient la recherche ouverte et publique sur la VdeC, a appelé les pionniers de l'industrie de la VdeC à améliorer la transparence. Ils ont demandé des collaborations ouvertes afin de créer des solutions sans abattage, de quantifier les paramètres de santé et de sécurité, d'aborder la question de la durabilité et de créer une mise à l'échelle rentable de la production afin de la rendre compétitive par rapport à la transformation conventionnelle de la viande. Ils ont établi une feuille de route en matière de sécurité pour la viande de culture et encouragent les autres acteurs de ce secteur en plein essor à contribuer à l'établissement des normes de sécurité minimales nécessaires pour accéder au marché.

 

 

La lenteur est plus rapide

 

Les substituts de viande d'origine végétale (SVOV) sont de proches cousins de la VdeC, car ils partagent le même objectif : créer des protéines à partir de sources non animales. Elles n'ont pas perturbé le marché comme prévu. Un grand producteur de SVOV a récemment licencié 19 % de ses effectifs et revu à la baisse ses prévisions de ventes pour l'ensemble de l'année, une réduction qu'il attribue à l'inflation alimentaire induite par la pandémie. Un nombre croissant de start-ups de la VdeC ont raté leurs dates de lancement en raison de leur précipitation et d'un mépris pour la science solide.

 

La VdeC, comme les SVOV, pourrait décevoir les investisseurs et les consommateurs lorsqu'elle arrivera enfin sur le marché. La VdeC, en tant qu'alternative à la viande, a le potentiel de faire tout ce que les spécialistes du marketing et les investisseurs ont annoncé. Afin d'augmenter le potentiel de la VdeC et d'empêcher les produits de qualité inférieure de nuire à l'ensemble de la communauté, les auteurs de la page de commentaires de Nature ont imploré l'industrie de la VdeC de changer d'orientation : courir vers la mission et non vers le marché. Parfois, la lenteur est plus rapide.

 

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Jane Caldwell, Ph.D., est une rédactrice scientifique indépendante spécialisée dans la sécurité et la qualité des aliments. Elle est la fondatrice et la principale consultante de Caldwell Food Safety LLC et contribue à la rédaction du Food Technology Magazine. Jane publie une lettre d'information hebdomadaire destinée aux gourmets, intitulée SPICY.

 

Source : Can Cultured Meat Meet Its Hype? | American Council on Science and Health (acsh.org)

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