Règles de sécurité de l'UE: ne polluez pas la législation avec la pseudoscience
La revue Nature a publié en ligne, le 20 juillet 2016, une courte lettre de huit chercheurs européens – quatre allemands et quatre britanniques :
Daniel R. Dietrich, Université de Constance, Allemagne.
Wolfgang Dekant, Université de Würzburg, Allemagne.
Helmut Greim, Université technique de Munich, Freising-Weihenstephan, Allemagne.
Pat Heslop-Harrison, Université de Leicester, Royaume-Uni.
Colin Berry, Queen Mary, Université de Londres, Royaume-Uni.
Alan Boobis, Imperial College, Londres, Royaume-Uni.
Jan G. Hengstler, IfADo — Centre de Recherches Leibniz pour l'Environnement de Travail et les Facteurs Humains, Dortmund, Allemagne.
Richard Sharpe, Université d'Édimbourg, Royaume-Uni.
Les signataires se disent préoccupés par le fait que des processus législatifs et réglementaires sont influencés par l'alarmisme des médias et de la pseudoscience.
« La pseudoscience n'a pas sa place dans de telles décisions, qui devraient être exclusivement fondées sur des preuves bien définies et transparentes. »
Ils citent l'exemple de l'obésité et du diabète de type 2 pour lesquels certains auteurs blâment les perturbateurs endocriniens malgré l'absence de preuves et en dépit des preuves qui incriminent la surconsommation et l'excès de sucre dans l'alimentation.
« En conséquence, les critères de la Commission européenne pour la régulation des composés perturbateurs endocriniens en tant que menaces pour la santé humaine sont fondes sur des des études de corrélations, et non de cause à effet. »
Les auteurs ont été très explicites sur les conflits d'intérêts :
« Les conflits d'intérêts peuvent contribuer au problème, au-delà de la motivation commerciale de l'industrie. Certaines organisations non gouvernementales pourraient avoir besoin d'entretenir les préoccupations du public pour stimuler les dons. Les décideurs pourraient préférer ne pas tenir compte des données fondées sur des preuves qui contredisent un point de vue de précaution. Et certains scientifiques donnent la priorité à l'obtention de fonds de recherche plutôt qu'à l'évaluation objective des preuves ».
Et en se limitant à l'identification des dangers, les alarmistes se dispensent de la charge de la preuve, lorsque les dangers sont simplement présumés. Il en résulte qu'une réglementation qui ignore le faible risque issu notamment de niveaux d'exposition négligeables peut être inutilement restrictive, voire dommageable.
Les signataires, seront-ils entendus par les instances de décision de l'Union européenne ? Nous en douterons : cela fait longtemps que le réalisme et le courage politique ont disparu de la boîte à outils au profit du calcul politicien et du populisme.
Quant aux « [c]ertaines organisations non gouvernementales », leur réaction, si tant est qu'il y en ait une, est parfaitement prévisible : ces auteurs – des scientifiques de haut vol – sont pour la plupart affligés de conflits d'intérêts. Le name and shame (nommer et dénoncer) a du reste déjà eu lieu dans le Monde sous la signature de Mme Stéphane Horel et sous un titre qui fleure bon le parti pris : « Perturbateurs endocriniens : ultimes manœuvres à Bruxelles des scientifiques liés à l’industrie ».
Il est vrai que Mme Horel n'a pas de conflits d'intérêts : on ne peut bien sûr pas en avoir quand on a collaboré avec le Corporate Europe Observatory (voir notamment ici et ici), ce n'est pas « l'industrie ». Et, bien sûr, le Monde ne saurait être taxé de porte-voix de la mouvance alter et anti.