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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Pourquoi a-t-il été si difficile de commercialiser les blés hybrides ?

2 Septembre 2023 Publié dans #amélioration des plantes, #Economie

Pourquoi a-t-il été si difficile de commercialiser les blés hybrides ?

 

Jack DeWitt, AGDAILY*

 

 

Image : Aleksandar Mijatovic, Shutterstock

 

 

Votre avenir est-il fait de blé hybride ? L'industrie des semences et les universitaires mènent de nombreuses recherches, mais il semble que le succès – comme la promesse de la fusion nucléaire – soit toujours à quelques années de distance.

 

Le rêve d'une augmentation importante des rendements grâce aux blés hybrides fait l'objet de recherches depuis au moins 100 ans. Les hybrides de maïs ont été introduits dans les années 1930 et ont permis de doubler les rendements. Pourquoi a-t-il été si difficile d'obtenir les mêmes résultats pour les producteurs de blé ? Pour comprendre pourquoi, examinons comment les hybrides de maïs sont produits.

 

La vigueur hybride, c'est-à-dire l'amélioration des performances de la F1 (première génération) qui dépasse les performances de l'un ou l'autre parent après le croisement de deux lignées consanguines, est observée depuis au moins 150 ans. Afin de la capturer pour le producteur de maïs, les semenciers déterminent, de manière expérimentale, quels sont les croisements de lignées endogames qui produisent les meilleures performances. Ils multiplient ensuite les deux lignées endogames. Lorsqu'ils ont suffisamment de semences des deux pour ensemencer un grand champ, ils plantent 4 rangs de la plante femelle prévue et 2 rangs de la plante pollinisatrice (mâle) de chaque côté, en répétant ce schéma sur tout le champ. Pour s'assurer que les plantes femelles ne s'autopollinisent pas, les inflorescences mâles sont enlevées (écimage ou castration). Après la pollinisation, les plantes mâles sont détruites afin que leurs semences ne se mélangent pas aux semences F1 lors du passage de la moissonneuse-batteuse.

 

Comme vous pouvez le constater, la production de semences de maïs hybride est coûteuse, mais les agriculteurs n'utilisent que 10 kilos/hectare ou moins, de sorte que le gain de rendement vaut bien la dépense. Ils ne peuvent pas conserver les graines récoltées et les ressemer, bien sûr, parce que la génération F2 présentera de nombreuses combinaisons de gènes peu productives.

 

Il est facile de séparer la source de pollen (la panicule) de l'épi récepteur d'une plante de maïs, mais pour le blé, les anthères (productrices de pollen) entourent l'ovaire et sont toutes enfermées dans les glumes. La pollinisation se produit derrière des portes fermées, empêchant la pollinisation à partir d'autres sources. Pour créer un hybride [en vue de produire une nouvelle variété], les sélectionneurs de blé doivent enlever les anthères avant qu'elles n'arrivent à maturité, couvrir les fleurs émasculées pour empêcher le pollen étranger d'entrer, puis ajouter le pollen d'une plante sélectionnée lorsque l'ovaire est prêt. Les plantes F1 issues de ce croisement seront uniformes. Lorsque ces graines seront semées, elles produironr la génération F2 qui sera en ségrégation et l'obtenteur pourra commencer le processus de sélection d'une nouvelle variété.

 

 

 

 

Comment ce processus peut-il être mis en œuvre pour produire de grandes quantités de semences F1 à destination des agriculteurs ? Le parent femelle doit être mâle-stérile et capable d'accepter du pollen étranger. Le pollen étranger doit contenir un ou plusieurs gènes qui restaureront la fertilité mâle de la lignée femelle. Les gènes de stérilité mâle et de restauration sont connus, mais ils doivent être insérés dans une lignée parentale femelle et une lignée parentale mâle dont on sait qu'ils produiront des F1 désirables lorsqu'elles seront croisées. Et comment maintenir un stock de semences d'une lignée parentale mâle-stérile ? La réponse est que vous maintenez un stock de semences d'une lignée sœur avec la même génétique (isogénique), mais sans la stérilité mâle. Appelez la lignée stérile « A » et la lignée soeur non stérile « B ». La lignée B est également appelée lignée de maintien.

 

Pour produire et maintenir de grandes quantités de la lignée A, celle-ci est semée en bandes étroites à côté de la lignée B dans un rapport de 4:2. Les lignées A et B doivent avoir des glumes qui ne sont pas étroitement liées à l'ovaire afin que la lignée B puisse « laisser échapper » beaucoup de pollen dans l'atmosphère et que la lignée A puisse le «capter ». Les lignées A et B sont récoltées séparément

 

Une troisième lignée – appelée lignée restauratrice (« R ») – connue pour produire de grandes quantités de pollen et des plantes F1 vigoureuses lorsqu'elle est croisée avec la lignée A, est également maintenue. Pour produire des semences hybrides pour l'agriculteur, les lignées A et R sont mélangées dans un rapport de 95:5 et semées dans un champ. Les graines récoltées seront semées par l'agriculteur pour produire des plantes F1 vigoureuses, ainsi qu'une petite quantité de plantes de la lignée R.

 

 

 

 

Une autre méthode de production d'hybrides, actuellement utilisée, consiste à semer le parent femelle et le parent mâle en bandes alternées dans un champ, puis à appliquer au bon moment un produit chimique sur la lignée femelle qui tue le pollen (un gamétocide). Si le moment est bien choisi (mais le vent ou la pluie peuvent gâcher cette opération), on obtient une lignée femelle qui peut être récoltée séparément de la lignée mâle, produisant des plantes F1 mâles-fertiles chez l'agriculteur la saison suivante. Il y a actuellement des agriculteurs qui cultivent ces hybrides en Europe.

 

La production de semences de blé hybride est donc un processus coûteux, et les agriculteurs doivent encore semer avec une densité de 1 à 2 boisseaux par acre [67 à 135 kg/ha]. Jusqu'à présent, l'augmentation des rendements n'a été que de 10 à 15 %, ce qui n'est pas suffisant pour justifier le coût supplémentaire des semences. Mais je pense que des augmentations significatives de rendement ne sont pas loin dans l'avenir. Et juste à temps pour nourrir une population en expansion.

 

Le mois prochain, nous examinerons les efforts déployés pour mettre au point un blé pérenne.

 

______________

 

Jack DeWitt est un agriculteur-agronome dont l'expérience agricole s'étend sur plusieurs décennies, depuis la fin de l'élevage de chevaux jusqu'à l'âge du GPS et de l'agriculture de précision. Dans son livre « World Food Unlimited », il raconte tout et prédit comment nous pouvons avoir un monde futur avec une nourriture abondante. Une version de cet article a été republiée à partir d'Agri-Times Northwest.

 

Source : Why have hybrid wheats been so difficult to commercialize? | AGDAILY

 

 

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