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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate aux USA : trois événements majeurs, deux occultés en France

17 Juillet 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #Glyphosate (Roundup), #critique de l'information, #Activisme

Glyphosate aux USA : trois événements majeurs, deux occultés en France

 

 

L'avocat racketteur, c'est l'homme à la cravate rose. À sa droite, Robert Kennedy Jr., l'antivax notoire (Source)

 

 

Trois événements majeurs ont eu lieu récemment. Les médias se sont précipités – fort normalement – sur l'un, ont fait la fine bouche sur l'autre et ont ignoré le troisième.

 

 

Vers la fin des procès spectacles et des plaintes en flux continu ?

 

Un accord extrajudiciaire en bonne voie

 

Prenons-le du Monde, ce qui a l'avantage de mettre en évidence les méfaits de la précipitation, et peut-être de la Schadenfreude : le 24 juin 2020, dans la soirée, citant l'AFP et Reuters comme sources, il annonce : « Roundup : Bayer annonce un accord d’indemnisation de 10 milliards de dollars avec près de 100 000 plaignants américains ». Le lendemain, à l'aube, c'est « Roundup : Bayer va verser 10 milliards de dollars pour faire cesser les poursuites mais ne reconnaît aucune faute ».

 

Non, il n'est pas question d'indemnisation...

 

Sous la supervision de M. Kenneth Feinberg, un médiateur nommé en avril 2019 par le juge Vince Chhabria, qui supervisait alors quelque 900 affaires au niveau fédéral et avait ordonné aux parties de rechercher un règlement extrajudiciaire, Bayer et les principaux cabinets d'avocats ont mis un terme à quelque... 95.000 affaires (sur quelque 125.000 en cours). Le reste devrait être réglé dans les prochains mois.

 

Pour l'heure, Bayer met (mettrait) entre 10,1 et 10,9 milliards de dollars (9,1 à 9,8 milliards d'euros) sur la table. Une somme de 1,25 milliard de dollars serait mise en réserve pour d'éventuelles actions à venir qui, si le dispositif est approuvé par le juge, seront tributaires de l'avis d'un conseil de cinq experts indépendants. Ceux-ci seront chargés de clarifier scientifiquement et de façon transparente les liens entre le glyphosate et le lymphome non hodgkinien. Et comme il n'y a pas de liens, on peut penser que ce mécanisme sera dissuasif pour les avocats prédateurs...

 

À l'évidence, Bayer ne reconnaît aucune responsabilité et aucune faute. Elle le déclare expressément. L'entreprise continuera du reste à vendre du Roundup aux agriculteurs et aux particuliers aux États-Unis d'Amérique.

 

Parallèlement, Bayer maintient la pression juridique avec ses appels dans les trois affaires dans lesquelles il a été condamné par des tribunaux avec jurys avec, à la clé, des dommages-intérêts extravagants, en millions de dollars.

 

 

Bayer y trouve son compte...

 

Ce règlement représente environ 17 % du prix d'achat de Monsanto. S'y ajoutent deux autres, concernant les PCB dans l'eau et un autre herbicide, le dicamba (des agriculteurs ont porté plainte contre... Bayer parce que leurs voisins agriculteurs avaient utilisé du dicamba et que celui-ci a dérivé et causé des dégâts dans leurs champs). C'est, pour Bayer, le prix à payer pour s'assurer une – relative – tranquillité et sérénité sur le marché états-unien, ainsi que pour éviter des frais de procédure bien supérieurs si les 125.000 cas allaient à procès.

 

 

 

 

...les avocats prédateurs aussi...

 

En face, il y a les avocats prédateurs, les plaignants n'étant pour la plupart que des marionnettes appâtées par des espoirs de gains quasiment sans investissement de leur part. Ils obtiennent ce qu'il faut appeler en langage courant le paiement d'une rançon, acquise dans le cadre d'un système judiciaire dévoyé, et la certitude de ne pas tout perdre par un jugement de la Cour Suprême.

 

Cette somme servira en premier lieu à compenser leurs énormes investissements. Imaginez les sommes dépensées pour faire bondir par des campagnes publicitaires le nombre de plaignants de quelque 50.000 fin février 2020 à quelque 125.000 aujourd'hui... Il s'agit aussi de rémunérer – grassement car il s'agit de capital-risque – les actionnaires des fonds d'investissement créés, souvent par les avocats prédateurs eux-mêmes, pour assurer les mises de fonds de départ. Et, probablement, de lancer la prochaine opération de prédation.

 

 

 

 

...et les plaignants ?

 

Le reste sera partagé entre les plaignants. Combien ? Nous ne le saurons pas. Mme Amanda Zaluckyj, avocate et « agvocate », avait contacté un cabinet d'avocats prédateurs pour en savoir plus : les honoraires conditionnels, prélevés en cas de succès, s'élèveraient en temps normal à 30 à 40 % des gains. Mais ici, il n'y a pas de jury pour articuler une somme, il y a eu des investissements considérables et trois affaires suivent leur cours, dont une au moins devrait aboutir à la Cour Suprême.

 

Partons toutefois des chiffres disponibles: les plaignants devraient toucher de l'ordre de 50.000 dollars en moyenne pour un coup de téléphone à un numéro vert et quelques réponses à des questions.

 

 

 

 

Quel rôle, le CIRC ?

 

Il y a un autre ordre de grandeur intéressant : il y avait en 2017 aux États-Unis d'Amérique près de 720.000 personnes atteintes d'un type ou un autre de lymphome non hodgkinien. Un malade sur 5,75 aura pu faire valoir une utilisation du glyphosate dans les années précédent le diagnostic comme cause de leur maladie...

 

Dit autrement, les cabinets d'avocats prédateurs ont monté des dossiers pour 17 % des malades de LNH états-uniens ! Et le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), duquel toute l'affaire est partie, n'a pu que conclure que le glyphosate était « probablement cancérigène », et ce, après des contorsions et manipulations qui, pour dire le moins, interrogent.

 

Quel a été le rôle exact du CIRC dans cette affaire ? Idiot utile, instrumentalisé ou complice et, dans ce dernier cas, à partir de quand ? Nous ne le saurons probablement jamais.

 

Relevons cependant que M. David Zaruk, s'est plongé dans l'odyssée des évaluations du benzène par le CIRC et qu'il a mis à jour des pressions explicites pour que celui-ci « améliore » le dossier pour les avocats prédateurs (voir nos traductions ici et ici).

 

 

Une ombre plane cependant sur la transaction

Le juge Vince Chhabria a fait savoir qu'il était « tentatively inclined » – qu'il penchait pour un rejet de la partie de la transaction qui concerne les litiges futurs. Selon ce site :

 

« [...] M. Chhabria s'est dit sceptique quant à l'idée de laisser cette décision à des scientifiques alors qu'elle devrait être du ressort des juges et des jurys. Il s'est également demandé s'il était raisonnable de lier tous les futurs plaignants à une seule conclusion alors que la science continue de faire de nouvelles découvertes. »

 

Bayer s'est donc remis au travail – sans nul doute avec l'appui des avocats prédateurs qui ont tout intérêt à voir arriver le cash.

 

Une audience aura lieu le 24 juillet 2020 devant le juge Vince Chhabria.

 

 

L'avocat racketteur, grand ordonnateur d'un procès contre Bayer/Monsanto, finira-t-il au pénitencier ?

 

C'est d'une autre sorte de pressions qu'il s'agit maintenant. Nous n'entrerons pas dans les détails, dont certains sont croustillants et évocateurs des mœurs qui règnent dans le marigot des avocats spécialisés en tort law (le droit de la responsabilité civile et pénale) et class actions.

 

Timothy Litzenburg a été le maître d'œuvre de l'opération « faire les poches de Monsanto/Bayer » au sein du cabinet The Miller Firm LLC. C'est probablement à lui que l'on doit la stratégie de dénigrement et de discréditation de Monsanto avec le soutien d'activistes anti-OGM et antipesticides comme l'US Right to Know (dont une employée, Carey Gillam, a un contentieux personnel avec Monsanto qu'elle accuse d'avoir suscité sa mise à l'écart chez Reuters) et de médias amis, complaisants ou suivistes. Il a contribué à la mascarade du Tribunal International Monsanto dans laquelle quelques personnalités se sont ridiculisées et ont ridiculisé la justice (pour un extrait de sa « déposition », voir ici). Nous ne saurons jamais quel rôle précis il a joué, au-delà de sa participation à titre de « témoin ».

 

En France, le Monde s'en est fait le véhicule avec notamment des articles sur les « Monsanto papers ». Des articles qui ont bien pris soin de ne jamais évoquer objectivement les vrais scandales que sont le CIRC-gate et les « Portier papers » (du nom du « spécialiste invité » du CIRC qui, quelques jours après la décision de classer le glyphosate en « cancérogène probable » signait un juteux contrat de consultance avec Lundy, Lundy, Soleau & South, et indirectement Weitz & Luxenberg – voir par exemple ici).

 

Parti de The Miller Firm dans des conditions qui interrogent, il s'est associé dans Kincheloe, Litzenburg & Pendleton. Avec le premier, il a monté une opération de racket pour soustraire quelque 200 millions de dollars à un fournisseur de Monsanto, le groupe néerlandais Nouryon, ex- Akzo Specialty Chemicals. Celui-ci a fait appel à des services d'enquête officiels, lesquels ont réuni des preuves accablantes.

 

En bref, ou bien Nouryon payait des honoraires de consultance fictifs, ou bien il subirait le même sort médiatique que Bayer/Monsanto.

 

L'affaire est tellement grosse que le Département de la Justice (fédéral) a cru nécessaire de publier un communiqué de presse (traduit ici) le 17 décembre 2019 avec, en annexe, le rapport de l'enquêteur.

 

Timothy Litzenburg et Daniel Kincheloe ont comparu le 19 juin 2020. Ils ont admis l'intégralité des faits ; la sentence sera rendue le 18 septembre 2020. À nouveau, un communiqué de presse a été publié.

 

Cette affaire est soit un fait divers, la chute de deux avocats dans le banditisme – peu plausible au vu de la grossièreté des méthodes employées –, soit le reflet de pratiques courantes dans le milieu des avocats prédateurs – les avocats se considérant du bon côté de la ligne rouge.

 

On aurait pu s'attendre à des articles de nos chasseurs médiatiques de scandales et racleurs de caniveaux, de quoi jeter une lumière nouvelle sur les procès états-uniens contre Bayer/Monsanto. Il faut croire que cette affaire présentait beaucoup moins d'intérêt que les théories hasardeuses et constructions extravagantes des « Monsanto papers ». Il n'y a guère eu que le Point et Mme Géraldine Woessner qui se soient intéressés à la chose (ici et ici), de rares médias leur emboîtant le pas.

 

 

La justice fédérale interdit le « Ce produit est connu de l'État de Californie pour causer le cancer »

 

Il n'y a quasiment pas un article sur le glyphosate qui ne mentionne le classement en « cancérigène probable » par le CIRC (c'est moins que le saucisson, cancérogène certain). Si un article mentionne le fait que l'Agence états-unienne de protection de l'environnement (EPA) tient le glyphosate pour sûr, c'est généralement pour le bémoliser sous le poids de la condamnation par le CIRC.

 

Le 30 avril 2019, par exemple, l'EPA faisait le point de ses travaux et publiait : « EPA Takes Next Step in Review Process for Herbicide Glyphosate, Reaffirms No Risk to Public Health » (l'EPA passe à l'étape suivante de sa procédure de réexamen de l'herbicide glyphosate, réaffirme l'absence de risques pour la santé publique). Sa fiche sur le glyphosate est traduite ici. Sa conclusion a été réaffirmée en janvier 2020. Motus dans les médias français !

 

Le 8 août 2019 – toujours dans le silence assourdissant de la médiacratie française – l'EPA a pris une mesure de plus en annonçant qu'elle « n’approuvera plus les étiquettes de produits affirmant que le glyphosate est cancérigène » (communiqué de presse traduit ici). « Il est irresponsable d'exiger des étiquettes sur des produits qui sont inexactes quand l'EPA sait que le produit ne présente pas de risque de cancer. Nous ne permettrons pas au programme défectueux de la Californie de dicter la politique fédérale », avait alors déclaré Andrew Wheeler, administrateur de l'EPA.

 

La justice fédérale avait aussi été saisie sur cette affaire d'étiquetage fondée sur la proposition 65, qui exige d'émettre des avertissements pour un nombre invraisemblable de produits et services, et ce, par une série d'organisations professionnelles menées par l'Association Nationale des Producteurs de Blé.

 

Le 26 février 2018, le juge William B. Shubb de la Cour de district pour le Distric Est de la Californie – et encore dans le silence étourdissant de la médiacratie française – émettait une injonction préliminaire interdisant aux autorités californiennes, en bref, d'exiger l'étiquetage d'avertissement. Contrepoints s'en était fait l'écho.

 

Le 22 juin 2020, le juge a rendu une ordonnance définitive.

 

Il y a deux ans, le juge William B. Shubb avait constaté que « pratiquement toutes les agences gouvernementales et les organisations de santé qui ont examiné les études sur [le glyphosate] ont constaté qu'il n'y avait aucune preuve qu'il causait le cancer ». Dans son dernier jugement il relève que les développements intervenus depuis lors « ne modifient pas la conclusion de la Cour selon laquelle l'exigence de la Proposition 65 en matière d'avertissement pour le glyphosate est trompeuse » et que, par conséquent, le Premier Amendement interdit à la Californie d'exiger que les produits contenant du glyphosate soient étiquetés de cette manière.

 

L'AFP a produit une dépêche bien léchée que de rares médias ont reproduite – tel Sciences et Avenir avec « La Californie ne peut plus avertir sur le risque cancérigène du Roundup » – ou exploitée.

 

L'information est donnée dans le premier article du Monde, mais sous une forme difficilement compréhensible, le contexte n'étant pas évoqué. Il écrit :

 

« Le juge californien a donné raison à Bayer. Selon lui, "plusieurs organisations", dont l’agence américaine de protection de l’environnement, ont conclu à l’insuffisance de preuves qui montrent que le glyphosate cause le cancer. [...] »

 

Est-ce une information de qualité ?

 

Comparez... Le juge a écrit (cité sans les références) :

 

« En 2015, le CIRC a classé le glyphosate comme "probablement cancérigène" pour l'homme sur la base de "preuves suffisantes" qu'il provoque le cancer chez les animaux de laboratoire et de "preuves limitées" qu'il peut provoquer le cancer chez l'homme. [...]. Cependant, plusieurs autres organisations, dont l'EPA, d'autres agences de l'Organisation mondiale de la santé et des organismes de réglementation gouvernementaux de plusieurs pays, ont conclu qu'il n'y a pas ou pas suffisamment de preuves que le glyphosate cause le cancer. »

 

Le militantisme du Monde impose d'en dire le moins possible. Le gouvernement français devra dire prochainement comment il entend appliquer le caprice présidentiel d'une – désastreuse – « sortie du glyphosate » à la fin de l'année. Quand on sait que le Président Emmanuel Macron a dit accepter 146 des 149 propositions de la Convention – dite – Citoyenne sur le Climat, on peut se dire que l'agriculture et des activités économiques essentielles de la Nation sont mal barrées.

 

 

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E
Mais enfin comment des agriculteurs peuvent porter plainte contre Bayer parce que leurs voisins agriculteurs ont utilisés du Dicamba !!<br /> C'est à mourir de rire cette histoire .<br /> Comme si jamais Bayer était responsable du vent ou de la température .<br /> Pour info le Dicamba c'est un désherbant(hormone pas trop violente) qui s'utilise principalement dans les Maïs pour lutter contre le liseron des haies .<br /> C'est l'ensemble de leur système judiciaire qu'il faut revoir de fond en comble .<br /> Les assurances existent-elles aux States ?<br /> Je me pose la question
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D
https://www.acsh.org/news/2020/06/24/anti-monsanto-lawyer-and-usrtk-carey-gillam-collaborator-possibly-headed-prison-extortion-14865
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G
Et l'Agence science presse canadienne signale aussi un élément passé inaperçu :<br /> "une clause qui pourrait avoir des conséquences beaucoup plus grandes au plan scientifique: les deux parties se sont entendues pour créer un panel d’experts indépendants."<br /> https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2020/06/26/entente-10-milliards-roundup-clause-oubliee
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