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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Comment gérer le stupide : partie 6/10 – La dénormalisation de l'industrie

19 Février 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Risk-monger, #critique de l'information, #Activisme

Comment gérer le stupide  : partie 6/10 – La dénormalisation de l'industrie

 

Risk-monger*

 

 

 

 

Ces douze dernières années, j'ai donné des cours sur la communication et les relations publiques des entreprises, essentiellement à des étudiants en droit. Vers la fin du cours, après avoir suivi les activités de communication d'une entreprise sur trois mois environ, je sonde mes étudiants sur le forum de la classe, en leur demandant s'ils peuvent imaginer de travailler pour la société choisie. Environ 90% rejettent l'idée purement et simplement, en citant souvent comme base de leur raisonnement la cupidité des entreprises, la destruction de l'environnement ou le lobbying contraire à l'éthique. Ces sentiments ne sont pas issus des supports de cours, ce qui me conduit à poser une question : comment se fait-il qu'autant de jeunes si bien formés, au début de leur carrière, développent une telle impression négative de l'industrie ? Quand l'industrie est-elle devenue « dénormalisé » ?

 

La dénormalisation de l'industrie est la sixième partie de la série sur la façon de gérer le stupide qui a commencé avec une définition du stupide comme un système de croyance autonome fondé sur un paradigme erroné, mais qui, par la manipulation sur les réseaux sociaux, a créé une ferveur religieuse qui permet à ses principes de résister à la logique et au discours rationnel. Le stupide est servi par des consultants habiles qui ont conçu un manuel de l'activiste qui domine les débats politiques en utilisant la banalisation des idées, la fabrication d'une perception que nous sommes tous d'accord avec leurs positions.

 

 

En dehors des normes normales

 

La dénormalisation, comme le terme l'indique, est la mise à l'écart de la société d'une entité – une sorte d'excommunication par les acteurs dominants du récit sociétal. En tant que processus d'exclusion, elle implique que l'entité (entreprise, personne, race, groupe linguistique) n'est pas la bienvenue, et cette discrimination est justifiée par la recherche du plus grand bien. L'intertitre est un jeu de mots, «normes » et«normales » impliquant un jugement éthique ou normatif.

 

 

L'année dernière, j'ai forgé le terme « contrepreneur » pour décrire le militant activiste qui est contre les technologies innovantes, contre les approches entrepreneuriales pour la solution des problèmes auxquels les humains sont confrontés, contre la promotion du progrès et contre les développements technologiques. Pour le contrepreneur : l'homme est la source du problème plutôt que de la solution, et l'industrie est son arme. Ainsi, l'objectif logique du contrepreneur est de contrôler, limiter et finalement éliminer l'industrie... la première étape étant de la dénormaliser.

 

 

Je suis tombé sur le terme « dénormalisation » en 2012 dans – lieu insolite – une publication de l'OMS sur les cigarettes électroniques. L'Organisation Mondiale de la Santé rejetait les avantages possibles des cigarettes électroniques dans la réduction des méfaits du tabac parce qu'elles « pourraient donc nuire à la dénormalisation du tabagisme promue par l'OMS ». Quiconque ignore la nature militante de l'OMS sous Margaret Chan pourrait s'alarmer devant le fait qu'un organisme mondial rejette une technologie bénéfique par dépit ; mais cela correspond parfaitement à leur rhétorique anti-industrie, que l'on a aussi vue à l'œuvre dans leur posture d'opposition à l'industrie pharmaceutique au cours de la crise d'Ebola ou dans toutes les études du CIRC sur les produits de l'industrie. Sur le tabac, l'OMS a isolé l'industrie, refusant de tenir compte de ses recherches, de dialoguer avec ses représentants, et même de leur permettre d'assister aux réunions. Bien qu'ils reconnaissent que les entreprises du tabac sont toujours légalement autorisées à vendre leurs produits, celles-ci sont exclues de tout rôle normal dans la société – ce sont des parias... qui paient des impôts.

 

Cette discrimination sélective au niveau réglementaire me trouble. Elle légitime l'exclusion subjective, les décisions politiques aléatoires et la science médiocre. Je ne vais pas défendre les actions – parfois douteuses – de l'industrie du tabac, mais si une industrie, et une pratique, est vilipendée, alors il faut la rendre illégale. Sinon, il faut la réguler, mais sans faire de discrimination. Si je traitais mes étudiants au gré d'une méchanceté erratique, comme celle qui a cours à l'OMS, je serais viré, et à juste titre.

 

L'OMS a créé un précédent pour la dénormalisation des autres industries, légitimant un récit anti-industrie qui fait la promotion d'une culture du stupide et de la paresse intellectuelle aux plus hauts niveaux de la prise de décision. Ce récit culturel de Luddites attaque les industries axées sur la recherche qui procurent de grands avantages à la société sous la forme de produits pharmaceutiques, de produits de la pétrochimie, ou encore de produits pour la protection des végétaux. Voici quelques exemples :

 

  • CoP-21 : L'industrie n'est pas la bienvenue ! La COP-21, la Conférence de Paris sur le climat, était censée réunir les parties prenantes pour qu'elles s'engagent pour un avenir à faibles émissions de carbone ; mais lorsque les dirigeants de l'industrie sont arrivés et ont annoncé qu'ils pouvaient et allaient s'adapter (voir, par exemple, la vache propre de DSM), il semble qu'ils n'avaient pas lu le script de l'activiste : l'industrie, supposée être la cause de la crise climatique, n'était pas la bienvenue à la table des solutions climatiques. Les ONG ont fait courir le bruit que les lobbyistes des entreprises étaient là pour tenter de saboter l'accord, et qu'il fallait les interdire de Paris. Cet alarmisme est aussi fatiguant que ridicule, car cela faisait longtemps que les climato-sceptiques ont abandonné le processus de la COP, considéré comme une perte de temps.

 

 

Mais la stratégie était habile : le stupide voulait écarter l'industrie du débat (tuer le dialogue) car elle aurait interféré avec le message de dénormalisation (avec un scénario écrit par Naomi Klein – une incarnation du stupide) selon lequel la seule façon de sauver le monde était de se débarrasser du capitalisme. En essayant de dépeindre un monde capable de résoudre le problème du changement climatique sans l'industrie (première partie de leur plan), on ne pouvait évidemment qu'affaiblir tout accord susceptible d'être produit à Paris. Le stupide s'est même manifesté dans un événement parrainé par l'industrie à Paris, en provoquant intentionnellement le désordre ; quand les perturbateurs ont été sortis de la salle de conférence, leurs équipes de tournage ont jailli pour enregistrer les reines de théâtre clamant que l'industrie tentait de cacher la vérité au monde. Le stupide à son meilleur niveau, en produisant un message habile qui a pris au dépourvu les gens de l'industrie (venus à Paris avec un message positif), mais qui a finalement tué le processus de la COP. Je me demande à qui ils en attribueront la faute ! C'est triste, parce que l'ONU a réalisé après Copenhague qu'elle ne pouvait pas travailler avec les gouvernements, de sorte que l'industrie a intensifié sa présence, et les activistes ont essayé de la mettre à l'écart. Les activistes ne perturbent pas les problèmes, ils perturbent les solutions.

 

  • Monsanto : Si jamais le stupide veut motiver ses troupes, il sort le mot M. Monsanto n'est pas une entreprise, mais un symbole de l'impossibilité de faire confiance à l'industrie et de la raison pour laquelle elle doit être éradiquée dans le but de protéger la santé humaine de l'extinction de masse. Le nombre de films apocalyptiques avec Monsanto dans le titre, le nombre de campagnes ou de marches contre l'entreprise, le montant des financements récoltés pour la recherche destinée à mettre ses produits en cause... tout cela a donné naissance à une industrie en quelque sorte familiale de l'activisme. Ce que Monsanto représente est devenu tellement vil que les activistes n'ont aucun scrupule à mentir, à utiliser des enfants comme Rachel Parent ou à propager des rumeurs infondées pour essayer de priver la société de tout droit à participer au débat. Même des scientifiques ont agi de façon irresponsable ou présenté des données de manière trompeuse pour s'attaquer à Monsanto, de Gilles-Éric Séralini à Christopher Portier. Dans la narration de la dénormalisation de l'industrie, l'entreprise n'a aucun droit et les détracteurs n'ont donc pas de problème de conscience. Elle a créé une atmosphère où ce serait politiquement pur suicide pour un régulateur de choisir d'agir en fonction des faits (en accord avec la science qui tient compte de la recherche de Monsanto) plutôt que de la rhétorique. Le stupide, encore une fois, a montré qu'il était très rusé.

 

 

  • Pharmageddon : Ce qui me dérange le plus est de savoir comment l'industrie pharmaceutique a été boutée hors du paysage par « Homo paléo-sophisticus ». Les anti-vaccins déclarent que Big Pharma ne fait qu'empoisonner les enfants pour pouvoir vendre plus de médicaments pour traiter l'autisme que cette industrie a créé ; les chimiophobes affirment que l'industrie du cancer nous cache les remèdes simples pour arrondir leur pelote ; et même ceux qui se prétendent sensés minent la confiance dans la recherche pharmaceutique. Il est vrai que le modèle de l'entreprise axée sur le profit n'est pas naturellement en adéquation avec les objectifs de santé publique (c'est pourquoi nous avons besoin de réglementation), mais les entreprises innovantes ont pour mission de résoudre les problèmes (comme les gens qui meurent jeunes ou ont une mauvaise qualité de vie). Il est devenu facile d'attaquer l'industrie pharmaceutique au motif qu'elle ne nous servirait pas la santé gratuitement sur un plateau (en cette ère de droits sans devoirs, nous avons oublié que nous sommes, nous-mêmes, responsables de notre santé par de petites choses comme faire de l'exercice ou avoir un régime alimentaire sain) ; il est devenu facile d'élever des criminels comme Martin Shkreli au rang de modèle caricatural de la gestion pharmaceutique. Mais qu'adviendrait-il à notre monde si les tenants de la terre plate plate réussissaient à dénormaliser l'industrie pharmaceutique ? Je leur souhaite de rester en bonne santé – je suis quelqu'un qui prend trois pilules par jour pour gérer une maladie vasculaire rare, et je sais pour ma part que je serais dans une boîte aujourd'hui si l'industrie n'avait pas fait son chemin.

 

 

L'utopie de la communauté hippie

 

Depuis que les mouvements anti-industrie et altermondialistes, opposés à l'OMC et au G7 (8, 20...), ont trouvé leur voix lors des émeutes de Seattle contre l'OMC, il y a eu une stratégie claire de limiter le rôle de l'industrie et des multinationales dans la société ; elle réunit un Mötley Crüe d'anarchistes, d'écologistes, de communistes et de syndicalistes, chacun défendant son bout de gras et manifestant un délicieux esprit d'ouverture pour admettre les contradictions. Les campagnes contre la prochaine vague de négociations commerciales (TTP, TTIP) sont construites sur cette poussée révolutionnaire de dénormalisation des multinationales et du commerce mondial. Des groupes comme SourceWatch, PIRG, Center for Public Integrity, Corporate Europe Observatory et le groupe géniteur, Transnational Institute, ont trouvé leur voix entre Seattle et le mouvement Occupy Wall Street, lequel a fourni l'occasion à une grande population de victimes de se trouver des boucs émissaires.

 

 

Ces groupes partagent tous la même stratégie – limiter le dialogue et la réflexion honnête, ouverte, tout en utilisant le récit de la transparence pour exposer, discréditer et dénormaliser l'industrie afin de parvenir à une vision du monde différente. Les gauchistes, anarchistes, intellectuels d'extrême droite et écologistes radicaux ont rejoint le mouvement pour articuler une vision du monde fondée sur la méfiance, où l'autorité doit être centrée sur l'individu dans une petite communauté (un peu comme la mentalité de la communauté hippie de leurs parents). Le modèle de l'entreprise et l''industrie dans son ensemble ne sont pas les bienvenus dans cette utopie

 

 

Jeremy Rifkin pontifie sur son idéal futuriste de petites communautés indépendantes de « prosommateurs », tous produisant et partageant librement les récoltes de leurs jardinières et l'énergie produite par leurs panneaux solaires, et fabriquant des produits sur leurs imprimantes 3D. Il n'est pas très précis sur qui produit ces panneaux et ces imprimantes, mais l'idéalisme anti-industrie de Rifkin (ce qu'il appelle la « troisième révolution industrielle ») est simplement une extravagance de la philosophie de l'économie de partage, une perception bienveillante de l'humanité qui a été rêvée depuis 1848 (mais jamais effectivement réalisée). Vous pouvez lire la sagesse de ce gourou hippie sur notre disposition à bientôt tout partager librement (disponible sur Amazon pour la modique somme de 24 euros !). Malgré cette certitude absolue, qui va à l'encontre de sa propre hypocrisie, tout ce que Rifkin a prévu dans ce livre sur la troisième révolution industrielle (prix du pétrole crevant le plafond, un second effondrement du marché immobilier, une inflation galopante) s'est révélé spectaculairement faux. Mais c'est un point de détail pour des gourous qui prétendent tout savoir et peuvent encore exiger des honoraires de conférencier exorbitants pour dire aux autres ce qu'il faut faire.

 

 

Y a-t-il une stratégie de dénormalisation ?

 

Je suis récemment tombé sur un document illustrant une stratégie militante dont l'objectif manifeste est de discréditer et dénormalise l'industrie des énergies fossiles – en utilisant la même approche que celle qui avait finalement mis Big Tobacco à terre : les procès à répétition. Le modèle est clair et, de manière obsédante, contraire à l'éthique dans sa ruse et sa cruauté. En 2012, il y a eu une série d'ateliers de travail aux États-Unis, organisés par l'Union of Concerned Scientists, le Climate Accountability Institute et Naomi Oreskes dans lesquels des universitaires, des activistes d'ONG et des avocats ont initié une action pour traîner l'industrie des énergies fossiles en justice et la bouter dehors (suivant la même stratégie juridique/sociale que celle utilisée contre l'industrie du tabac). En lisant le rapport, on se rend compte que les participants aux ateliers exprimaient une motivation dévoyée pour essayer de trouver une stratégie permettant d'accroître l'indignation du public contre l'industrie et d'assurer le succès de la stratégie de harcèlement juridique.

 

Je pense que c'est de la folie que de s'attaquer aux industries que tout un chacun utilise à son avantage sur la base de leur responsabilité alléguée en matière de climat (pourquoi ne pas traîner en justice l'industrie de la viande en responsabilité pour les changements climatiques ?), et aussi une illustration de la stratégie globale des contrepreneurs visant à nier à l'industrie le droit d'exister ; mais on trouve là une preuve de la stratégie claire de dénormalisation de l'industrie des énergies fossiles. Cela implique également que les désaccords scientifiques peuvent avoir des ramifications juridiques – parlons de la politisation de la science !

 

Il ne faut donc pas s'étonner qu'en novembre 2015, le procureur général de l'État de New York ait ouvert une enquête sur ExxonMobil et d'autres entreprises au motif qu'elles n'auraient pas divulgué les risques financiers du changement climatique (par hypothèse incombant aux investisseurs). Est-ce là un coup à la Al Capone par les chasseurs de sorcières du climat  ? Si nous ne pouvons pas empêcher ces entreprises de produire des combustibles fossiles (que, j'imagine, le procureur général utilise tous les jours), alors nous pouvons les attraper pour ne pas avoir divulgué le risque d'entreprise pour les investisseurs... Jusqu'où est allé le malveillant rapport Oreskes dans la hiérarchie juridique américaine ?

 

Eh bien, très haut, semble-t-il. Dans le rapport de l'atelier de stratégie, c'est clair :

 

Une percée importante dans l'action publique et juridique de la lutte antitabac a été réalisée quand des documents internes ont été révélés, montrant que l'industrie du tabac avait sciemment trompé le public. Des documents similaires peuvent bien exister dans les coffres de l'industrie des énergies fossiles, de leurs associations professionnelles et des groupes de façade, et il y a de nombreuses approches possibles pour les dénicher. […] Les procureurs généraux d'État peuvent également exiger la production de documents, ce qui fait qu'il suffirait d'un seul procureur général d'État sympathique à la cause pour obtenir un succès considérable par la mise à jour de documents internes clés.

 

La stratégie visant à faire enquêter la justice sur Exxon semble avoir été développée à partir de l'atelier activiste de 2012 dirigé par Oreskes. Le procureur général de l'État de New York est-il de mèche avec Naomi ? Malheureusement, ils trouveront certainement des documents dans les « caves » d'Exxon car toute entreprise digne de ce nom fait des études sur tous les scénarios possibles, et élabore des mesures de préparation aux crises et de sauvegarde de l'entreprise. Cela ne signifie pas que les entreprises mentent à leurs actionnaires – elles sont juste responsables et se préparent à toute éventualité. A l'avenir, je suppose que, pour éviter ce genre de situation, les entreprises ne feront pas faire des scénarios de crise... pas vraiment une bonne idée pour nombre d'entre elles.

 

 

Donc, la prochaine étape dans le processus de dénormalisation est en plein essor. La stratégie est de continuer à attaquer les énergies fossiles jusqu'à ce que les grandes sociétés pétrolières et charbonnières abandonnent tout simplement. Dans le même temps, les activistes continueront à forcer les investisseurs comme Bill Gates à sortir du pétrole et du charbon suite à une stratégie de croisade morale de boycott. Ces punks activistes se réjouissent ouvertement lorsque le marché des actions est en baisse, lorsque des milliards sortent de l'économie et des grandes entreprises, sans se rendre compte que cela affecte tout le monde. Le Guardian britannique, qui fut un journal jusqu'à ce que ses dirigeants découvrent que la mise en œuvre de campagnes militantes payait mieux le loyer, a pris la tête d'une campagne de désinvestissement, Keep it in the Ground (laissez-le dans le sol), avec une petite ONG pour stimuler l'indignation publique... tout semble aller comme prévu.

 

Certains diront que ces stratèges sont nobles dans leur mission de débarrasser le monde d'une industrie qui contribue grandement au changement climatique. Que, dans un sens machiavélique, interdire big oil est une obligation pour garantir nos moyens de survie sur la planète. Cette morale autoproclamée est une des raisons pour lesquelles l'écologisme radical ne pourra jamais s'intégrer dans la société comme une composante majoritaire. Leur hypocrisie est ahurissante : pourquoi ne pas interdire les voitures ou réduire les industries de l'élevage (beaucoup plus émettrices de gaz à effet de serre) ? Cela, bien sûr, nuirait aux membres de ces ONG et à leurs généreux donateurs. Un film, Cowspiracy, a souligné l'hypocrisie du mouvement des ONG dans toute la splendeur de leur stupidité.

 

 

Ce qui me sidère, et parfois m'exaspère au plus haut point, c'est de ne pouvoir échapper à la vue de bonnes industries, avec de bonnes gens, faisant de bonnes choses pour la société, qui sont ostracisées par une bande hétéroclite de punks en marge de la société, d'anarchistes, d'élitistes chichiteux, de mamans blogueuses stupides, d'intégristes inemployables, tous dotés de bonnes compétences en matière de réseaux sociaux qui leur permettent de manipuler les perceptions du public. Ça, c'est la face hideuse du stupide. Ils manipulent une classe de bureaucrates professionnels qui gèrent par la vertu de l'opportunisme et n'ont jamais dirigé une entreprise ; leur activisme, aussi incessant qu'inutile, met hors circuit les innovateurs, les scientifiques, les ingénieurs, les créateurs d'emplois et de richesses et la classe de la compétence technologique toute entière et les pousse hors de la société. Nous perdons des innovations dans l'agriculture (et notre capacité à contribuer à nourrir le monde), de nouvelles substances chimiques qui peuvent améliorer notre bien-être et notre consommation d'énergie, de nouveaux produits qui peuvent améliorer la santé humaine et nous protéger des maladies et des pandémies. Cette classe privilégiée n'a rien compris aux aspirations et aux problèmes, mais la conséquence de leur lobbying est que l'intelligence est en train de se délocaliser et que la stupidité s'érige en paradigme dans la société occidentale. Cela me fait peur et je me sens offensé par leur arrogance et leur hypocrisie.

 

 

La science médiocre

 

La recherche contre la fumée passive était, pour le moins, assez douteuse (rappelez-vous les affirmations selon lesquelles la fumée passive était plus dangereuse que l'inhalation directe), mais, étant donné le parti pris anti-tabac des régulateurs, cela suffisait pour agir contre l'industrie. Dans une situation de dénormalisation, il semble acceptable de rejeter une position de l'industrie sans données crédibles, et de légiférer sur la base de résultats de recherche fragiles. Qui, après tout, se lèverait pour l'industrie du tabac ? Comme leurs scientifiques n'ont pas été autorisés à participer aux discussions, il n'y avait vraiment pas besoin d'une évaluation juste et équitable de la recherche.

 

 

Tel a aussi été le cas des mesures de précaution de la Commission européenne sur les néonicotinoïdes. La Commission européenne a adopté une approche très discutable de la gestion des données pertinentes sur les effets de cette classe de pesticides sur les populations d'abeilles ; et, dans le même temps, elle n'avait absolument aucun problème avec l'insuffisance des données sur une situation qui est acceptée sur le plan normatif (l'utilisation de pesticides en grande partie non testés en agriculture biologique). C'est un exemple de la stupidité institutionnalisée. Si les décideurs politiques de la DG Santé et de l'EFSA étaient dotés d'intégrité, ils appliqueraient le document d'orientation sur les abeilles sans discrimination (et seraient alors conduits à interdire aussi tous les pesticides utilisés par les agriculteurs biologiques), ou bien ils admettraient que ce document a été élaboré avec une intention discriminatoire à l'égard de l'industrie des pesticides par suite des campagnes de dénormalisation de certains activistes se posant en juges souverains. La science médiocre va malheureusement avec les politiques partiales et discriminatoires, et cette histoire est une tache sombre sur la réputation scientifique de la Commission européenne.

 

On peut mesurer la polarisation qui interfère dans les questions susceptibles de faire intervenir la précaution par le niveau de l'aversion (du dégoût normatif) manifestée par certains régulateurs envers une industrie. J'ai souvent évoqué la propension à l'exclusion anti-industrie de ceux qui appellent à la précaution, un concept institutionnalisé dans l'Union européenne par David Gee, un directeur des Amis de la Terre en détachement à l'Agence européenne pour l'environnement (à qui on a, comble d'ironie, confié le poste de conseiller principal pour la science). Quand une industrie est sous la menace de dénormalisation, le principe de précaution fournit les clous (le doute durable) pour son cercueil.

 

Le stupide a indéniablement réussi à marginaliser l'industrie, et comme il se nourrit de chaque campagne, il se renforce et devient de plus en plus arrogant dans sa tentative de débarrasser le monde de toute l'industrie – les prochaines cibles : la biotechnologie, les produits chimiques, l'alcool et, oui, les produits pharmaceutiques. Les scientifiques et experts de ces industries se sont déjà vu accorder le statut de parias – de parias qui paient des impôts.

 

Malheureusement, le seul espoir que je vois pour la continuation de la technologie et de l'innovation est que les entreprises chinoises continuent à acheter des industries occidentales à des prix fortement réduits et deviennent les gardiens de la flamme. Nous avons vu ça cette semaine, avec Syngenta acheté par ChemChina.

 

 

Conflits d'intérêts ou conflits d'influence

 

L'ironie du processus de dénormalisation réside dans le fait que, dans les années 1990, lorsque l'industrie et les gouvernements ont commencé à examiner la question de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), de la durabilité et du dialogue avec les parties prenantes, ils ont sorti les groupes de la société civile du néant et leur ont donné une place à la table. Il n'a pas fallu longtemps pour que les ONG se sentent à l'aise et jettent l'industrie dehors dans le froid. Leur argument est que l'industrie, des entités à but lucratif, aurait un conflit d'intérêts et ne devrait pas être impliquée dans le processus de prise de décision. Ainsi, les seules personnes autorisées à la table de la politique devinrent les ONG et les universitaires (au moins ceux qui ont pactisé avec elles – ceux qui menaçaient les positions des ONG avaient probablement reçu de l'argent de l'industrie pour participer aux conférences et ont été rapidement mis à la porte). En dénormalisant les experts de l'industrie et en supprimant la voix des autres parties prenantes, le stupide commande à la table et dirige le processus politique.

 

Mais le conflit d'intérêts ne porte pas seulement sur les bénéfices des sociétés. Les ONG, en cas de succès, accroissent leurs cercles de donateurs et font croître leur entreprise. Certaines, comme Greenpeace, le WWF et les groupes de conservation, attirent et brassent des centaines de millions de dollars, et, suivant le modèle de l'entreprise, doivent assurer la prospérité de la leur. Ces ONG ont un modèle d'entreprise – leur produit, c'est l'influence.

 

 

Plutôt que d'isoler l'industrie, ses recherches et ses experts en raison de certains conflits d'intérêts limités, nous devrions chercher à réglementer les conflits potentiels d'influence. Un activiste d'une ONG comme Christopher Portier, un scientifique employé par l'Environmental Defense Fund, a manifestement un conflit d'influence quand il se fraye un chemin dans le groupe de travail du CIRC sur le glyphosate en tant que seul expert externe. Portier n'avait pas non plus été transparent sur ses affiliations quand il avait conseillé au CIRC l'année précédente de faire une étude sur le glyphosate. Il a amené son parti pris dans le groupe de travail et exercé une énorme influence sur son résultat. Il utilise maintenant cette réputation de participant au processus du CIRC pour parcourir le monde et faire campagne pour faire interdire le glyphosate. Si quelqu'un avait lu ses publications pro-Séralini, anti-Monsanto, on lui aurait barré l'accès au groupe de travail du CIRC en raison de son conflit d'influence.

 

Dans une correspondance privée, j'ai un jour confronté un dirigeant du Corporate Europe Observatory à leur propre hypocrisie. Le Risk-monger n'a pas travaillé pour l'industrie depuis plus d'une décennie, il n'a donc clairement pas de conflit d'intérêts. Imaginez que la Commission européenne mette en place un groupe de travail pour réévaluer le registre de transparence et que mon nom soit mis en avant. Il est clair que, comme le CEO, j'ai un conflit d'influence, et il est manifeste que le CEO essaierait de bloquer ma participation. Le problème de l'évaluation des conflits d'influence est que nous n'avons aucun problème avec eux du moment que nous sommes d'accord avec les vues de la personne en cause, mais opposés à ceux que nous ne voulons pas. Telle est l'essence hypocrite de la politique dans un monde qui favorise la polarisation et la dénormalisation... En d'autres termes, à l'âge de la stupidité, c'est OK pour l'influence quand elle s'accorde à notre biais ; dans le cas contraire, nous la dénormalisons.

 

Une partie du processus de dénormalisation consiste à remplacer la recherche de l'industrie exclue, qui utilise les mêmes techniques, mêmes pratiques et mêmes outils que les établissements scientifiques, par une nouvelle forme de science – une science du peuple. Une science que le stupide peut utiliser. Une science post-normale. Ce sera l'objet du prochain chapitre de cette série.

 

 

Table des matières

 

1. Définir le stupide

2. Les réseaux sociaux : où le stupide apprend à voler

3. La nouvelle religion : les éco-intégristes et leur biais du naturel

4. Le manuel de l'activiste : comprendre comment le stupide peut être astucieux

5. Banalisation des idées reçues : comment le stupide devient crédible

6. Le dénormalisation de l'industrie : le défi de l'idéalisme éco-topique

7. La science post-normale : inviter le stupide à la table de la politique

8. Coup de pouce : les dangers d'une architecture de choix moralisatrice

9. Les passivistes : réveiller la majorité non impliquée

10. Comment gérer le stupide

 

Auteur  : David Zaruk

 

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* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur la page Facebook de Risk-Monger : www.facebook.com/riskmonger.

 

Source  : https ://risk-monger.blogactiv.eu/2016/02/05/how-to-deal-with-stupid-part-610-the-denormalisation-of-industry/

 

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