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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La lutte contre le changement climatique n'est pas une excuse pour développer l'agriculture biologique

17 Janvier 2022 Publié dans #Agriculture biologique, #Climat

La lutte contre le changement climatique n'est pas une excuse pour développer l'agriculture biologique

 

Cameron English*

 

 

Image : 7089643 / 9691 images via Pixabay

 

Les preuves montrent systématiquement que l'agriculture biologique ne peut pas aider le monde à ralentir le changement climatique. Pourtant, des publications scientifiques qui devraient être mieux informées continuent de promouvoir ce mythe néfaste.

 

 

Les journalistes aiment faire la leçon au public sur l'importance de la science tout en promouvant des idées manifestement non scientifiques lorsque cela les arrange. La pandémie a mis en lumière cette contradiction, car des médias comme CNN, The Guardian et le Washington Post ont défendu les vaccins contre la Covid-19 tout en publiant régulièrement des articles bâclés sur les dangers des pesticides et les bienfaits de la consommation d'aliments biologiques.

 

Cette incohérence n'est pas l'apanage de la presse populaire ; elle est également très courante dans les médias scientifiques. Scientific American est tombé dans ce piège à plusieurs reprises, tout comme The Conversation. Tout en se vantant de sa « rigueur académique » et en réprimandant ceux qui rejettent le consensus scientifique, The Conversation publie des articles trompeurs comme celui-ci, rédigé par Mme Kathleen Merrigan, directrice exécutive du Swette Center for Sustainable Food Systems de l'Arizona State : « Unlike the US, Europe is setting ambitious targets for producing more organic food (contrairement aux États-Unis, l'Europe se fixe des objectifs ambitieux pour produire davantage d'aliments biologiques).

 

« Des sondages récents montrent qu'une majorité d'Américains sont préoccupés par le changement climatique et prêts à modifier leur mode de vie pour y faire face. D'autres enquêtes montrent que de nombreux consommateurs américains s'inquiètent des risques possibles pour la santé liés à la consommation d'aliments produits avec des pesticides, des antibiotiques et des hormones. Une façon de répondre à toutes ces préoccupations est de développer l'agriculture biologique. »

 

 

 

 

Les Américains disent beaucoup de choses aux sondeurs, mais ce qui compte en définitive, ce sont les preuves – et il n'y en a aucune pour justifier l'expansion de l'agriculture biologique. Examinons certaines des affirmations de Mme Merrigan pour voir pourquoi.

 

« La production biologique génère moins d'émissions de gaz à effet de serre que l'agriculture conventionnelle, en grande partie parce qu'elle n'utilise pas d'engrais azotés de synthèse. Elle interdit également l'utilisation de pesticides de synthèse et l'administration d'hormones ou d'antibiotiques au bétail. »

 

Les agriculteurs biologiques utilisent-ils généralement moins de pesticides ? Et alors ? Les quantités infimes de ces produits chimiques que l'on trouve dans les aliments conventionnels ne peuvent pas être nuisibles. Traiter les animaux malades avec des antibiotiques, comme l'a noté le CDC en 2019, est la chose humaine à faire. Les résultats du sondage cités par Mme Merrigan suggèrent, et cette revue récente le confirme, que « le désir de viande produite sans antibiotiques fait partie d'un mouvement plus large des consommateurs vers des sources alimentaires plus "naturelles" et durables », et ne provient pas d'une quelconque menace critique pour la santé humaine. Les hormones sont utilisées en très petites quantités pour produire plus de bœuf à partir de moins de vaches, mais cela ne présente aucun risque pour la santé humaine. Plus important encore pour notre propos, moins de vaches signifie moins de gaz à effet de serre (GES).

 

 

Une solution au changement climatique ?

 

Dans l'ensemble, les recherches montrent que les émissions sont plus faibles en agriculture biologique par unité de terre, mais pas par unité de production. Comme les rendements conventionnels sont plus élevés pour la plupart des cultures (jusqu'à 40 % dans certains cas), il faudrait consacrer beaucoup plus de surface à l'agriculture pour produire la même quantité de nourriture en agriculture biologique. « Augmenter la superficie des terres cultivées de manière biologique signifie soit convertir des exploitations conventionnelles en exploitations biologiques – avec une réduction variable mais certaine du rendement – soit convertir de nouvelles terres à l'agriculture », comme l'a expliqué notre propre Dr Chuck Dinerstein plus tôt cette année.

 

Cela change fondamentalement l'équation du changement climatique, et c'est pourquoi les études utilisées pour justifier l'augmentation de l'agriculture biologique doivent faire des hypothèses irréalistes sur le gaspillage alimentaire, la consommation de viande et l'efficacité des exploitations agricoles – il n'y a pas de réduction significative des émissions de GES sans ces éléments. « Toutes les données que je connais suggèrent que l'agriculture biologique n'est pas la bonne stratégie pour réduire les émissions mondiales de GES », a déclaré l'économiste agricole Matin Qaim au Genetic Literacy Project en mars 2021. « Lorsque les effets du changement d'affectation des terres sont pris en compte, l'agriculture biologique peut même avoir des émissions de GES mondiales plus élevées que les alternatives conventionnelles (ce qui est encore plus vrai si l'on considère le développement et l'utilisation de nouvelles technologies d'amélioration des plantes, qui sont interdites dans l'agriculture biologique). »

 

Mme Merrigan :

 

« La stratégie "de la ferme à la table" de l'Union Européenne [...] fixe des objectifs ambitieux pour 2030 : une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture, une réduction de 50 % de l'utilisation des pesticides et une réduction de 20 % de l'utilisation des engrais. »

 

Les objectifs de l'Europe sont admirables ; ils sont aussi résolument illusoires. Une évaluation récente menée par l'Université de Wageningen aux Pays-Bas a révélé que l'UE pourrait connaître des baisses de rendement de 10 à 30 %, selon la culture, grâce à son programme « Farm-2-Fork ». La réduction de l'utilisation des pesticides et des engrais de synthèse entraîne également une augmentation des dommages causés aux cultures, ce qui contribue également à la baisse des rendements [1].Une baisse de la production en Europe signifie une extension des terres agricoles ailleurs dans le monde, a noté M. Johan Bremmer, co-auteur de l'étude :

 

« Si la demande reste inchangée, l'Europe devra combler l'écart en important davantage. De plus, si l'Europe exporte moins, les pays hors d'Europe devront produire davantage eux-mêmes […] Dans tous les scénarios, ce changement indirect d'utilisation des terres est considérable. »

 

Dans ce contexte, il faut savoir que nous exploitons déjà environ la moitié des terres disponibles sur terre qui conviennent à la production alimentaire, et presque toutes les terres arables de premier choix. Retour à the Conversation :

 

« Les agriculteurs du monde entier produisent déjà suffisamment d'aliments pour nourrir la planète. La question est de savoir pourquoi de nombreuses personnes souffrent encore de la faim alors que la production augmente d'année en année. »

 

La réponse, en bref, est la pauvreté. Les pays pauvres ne disposent pas des ressources nécessaires pour produire et distribuer la nourriture dont ils ont besoin – même si, heureusement, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté continue de diminuer. Mais voici une question tout aussi urgente : que se passe-t-il lorsque les gouvernements imposent l'agriculture biologique à leurs populations ? Réponse : des pénuries alimentaires. Il s'avère que le fait de refuser aux agriculteurs l'accès aux outils d'amélioration de la production tels que les semences biotechnologiques et les pesticides et engrais de synthèse a de graves conséquences. Mme Merrigan qualifie ces observations de « points de discussion américains », ce qu'elle est libre de faire. Mais cela ne les rend pas moins correctes.

 

 

Conclusion

 

Rien de tout cela ne signifie que l'agriculture biologique est intrinsèquement défectueuse. Lorsque les agriculteurs sont disposés à produire des produits biologiques pour les consommateurs qui le souhaitent, tout est comme il se doit. Les problèmes évidents surviennent lorsque les décideurs et les militants décident d'imposer ces pratiques de culture non durables à des millions de personnes qui n'en veulent manifestement pas. Comme l'a fait remarquer Mme Merrigan, les exploitations biologiques représentent moins de 2 % des terres agricoles dans le monde. Que faut-il de plus pour prouver que toute cette entreprise n'est qu'un exercice de vœux pieux ?

 

______________

 

[1] La distinction entre synthétique et naturel est douteuse dans le cas des pesticides. Comme le souligne mon collègue Josh Bloom, elle donne une image fausse de ce que sont réellement les pesticides en établissant une distinction artificielle entre le produit chimique et sa source.

 

Cameron English, directeur de Bioscience

 

Cameron English est auteur, éditeur et co-animateur du podcast Science Facts and Fallacies. Avant de rejoindre l'ACSH, il était rédacteur en chef du Genetic Literacy Project.

 

Source : Fighting Climate Change is No Excuse to Expand Organic Farming | American Council on Science and Health (acsh.org)

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Le développement des TCS ne doit pas être une excuse pour maintenir le glyphosate <br /> Le stockage du carbone dans le sol ne doit pas être une excuse pour développer les TCS <br /> La lutte contre le changement climatique ne doit pas être une excuse pour stocker du carbone dans le sol <br /> <br /> Je ne veux pas d’une science à géométrie variable en fonction des intérêts financiers des uns ou des autres <br /> <br /> Utopie <br /> <br /> La lutte contre le changement climatique ne doit pas servir d’excuse au maintien du nucléaire en France <br /> <br /> Hypocrisie <br /> Corruption <br /> <br /> Si j’analyse les faits de manière objective et rationnelle je suis pour le maintien du glyphosate et le développement du nucléaire parce que la science me l’indique <br /> Tout comme la science m’indique que le climat change sur différents pas de temps et que la Nature n’a cure de ce qui peut être convenable ou pas pour l’Homme
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