Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L'agriculture biologique ? Le Sri Lanka paralyse les agriculteurs et provoque une pénurie alimentaire

20 Septembre 2021 Publié dans #Agriculture biologique, #Politique

L'agriculture biologique ? Le Sri Lanka paralyse les agriculteurs et provoque une pénurie alimentaire

 

Cameron English*

 

 

Image : Jürgen Scheffler de Pixabay

 

Au début de l'année, le Sri Lanka a interdit les importations de pesticides et d'engrais de synthèse, dans le cadre de ses efforts pour adopter une agriculture exclusivement biologique. Le projet a laissé les agriculteurs sans accès à des outils vitaux et a fait grimper en flèche les prix des denrées alimentaires.

 

 

Lorsque nous discutons des cultures génétiquement modifiées et des pesticides dans le monde développé, l'issue du débat ne détermine pas si nous souffrirons ou non de la faim. Restreindre et interdire les technologies utilisées par les agriculteurs peut avoir des répercussions très graves, mais nous n'en avons pas encore fait l'expérience ; la plupart d'entre nous vivent à quelques minutes de plusieurs magasins remplies de presque tous les aliments que nous pouvons désirer. Nous avons tellement de choses à manger que même les plus pauvres d'entre nous luttent contre l'obésité. [1]

 

Ce n'est pas le cas dans de nombreux pays du monde. Restreindre l'accès des agriculteurs aux pesticides et aux engrais de synthèse, par exemple, peut limiter leur production et entraîner de graves pénuries alimentaires. Le Sri Lanka en fait actuellement l'expérience, comme l'a fait remarquer Alex Tabarrok, économiste à l'université George Mason, en début de semaine :

 

« Le président du Sri Lanka a brusquement interdit les engrais chimiques au début de l'année dans le but de devenir 100 % biologique. Cette interdiction a entraîné une baisse de la production et une flambée des prix qui, conjuguées au déclin du tourisme et à la pandémie, ont créé une crise économique. »

 

Cette expérience n'est pas unique au Sri Lanka. De nombreux pays ont souffert de pénuries alimentaires en raison de politiques idéalistes favorables à l'agriculture biologique. Mais l'analyse de la situation telle qu'elle se déroule actuellement expose précisément ce qui ne va pas lorsque les gouvernements prennent des décisions fondées sur une mauvaise idéologie et ignorent les preuves.

 

 

Économie 1.01

 

Quoi que l'on puisse dire de l'engouement pour le tout biologique au Sri Lanka, il est clair que les agriculteurs du pays n'ont pas approché le président pour lui demander d'interdire des outils utiles comme les engrais chimiques. Quatre-vingt-dix pour cent de ces cultivateurs utilisent de tels produits et 85 % s'attendent à ce que leurs rendements chutent si on leur en interdit l'accès. La même majorité, en gros, d'agriculteurs a également déclaré ne pas savoir comment se lancer dans l'agriculture biologique, ce qui est assez courant. « En raison des exigences plus élevées en matière de connaissances dans l'agriculture biologique », note une étude récente, « les écarts de rendement actuellement observés entre les méthodes biologiques et conventionnelles pourraient encore s'accroître si un plus grand nombre d'agriculteurs passaient aux pratiques biologiques » [2].

 

C'est là que réside la première conclusion. Si l'agriculture biologique était si clairement supérieure à son homologue conventionnelle, la plupart des agriculteurs l'auraient adoptée depuis longtemps. Il n'est pas nécessaire de forcer les gens à utiliser des méthodes de culture qui augmentent leurs rendements ou réduisent leurs coûts de production. Les intrants exclus de l'agriculture biologique, tels que les semences biotechnologiques, les pesticides de synthèse et les engrais chimiques, sont coûteux mais augmentent la productivité. Le fait que les cultivateurs continuent d'utiliser ces outils, parfois même lorsqu'ils sont interdits, est la preuve la plus évidente que les politiques du Sri Lanka sont rétrogrades.

 

Nous pouvons tirer la même conclusion du point de vue du consommateur. Les prix des aliments courants comme le sucre, les oignons et le riz ont explosé après l'interdiction des importations de produits agrochimiques. Le président a-t-il réévalué sa politique du tout biologique à la lumière de ce résultat ? La théorie économique sensée (et le bon sens) indique qu'il faut annuler une mauvaise politique pour en éviter les conséquences. Naturellement, le gouvernement a laissé l'interdiction en place et a rejeté la responsabilité du problème sur quelqu'un d'autre, sans s'attaquer à la cause première.

 

Le président a nommé un ancien général de l'armée pour servir de « Commissaire général des services essentiels » et confisquer les produits agricoles des « accapareurs ». Le gouvernement a ensuite mis en place un contrôle des prix de ces produits « afin de protéger les consommateurs », ce qui a toujours provoqué et exacerbé les pénuries. Beau travail, commissaire. L'économiste Ludwig von Mises a expliqué comment cela se passe en prenant l'exemple du lait :

 

« D'une part, la baisse du prix du lait augmente la demande de lait ; les personnes qui ne pouvaient pas se permettre d'acheter du lait à un prix plus élevé sont maintenant en mesure de l'acheter au prix inférieur que le gouvernement a décrété. D'autre part, certains producteurs, les producteurs de lait qui produisent au coût le plus élevé – c'est-à-dire les producteurs marginaux – subissent maintenant des pertes, car le prix que le gouvernement a décrété est inférieur à leurs coûts.

 

C'est le point important dans l'économie de marché. L'entrepreneur privé, le producteur privé, ne peut pas subir de pertes à long terme. Et comme il ne peut pas subir de pertes sur le lait, il limite la production de lait pour le marché. »

 

 

L'idéologie qui permet de se sentir bien > la science

 

Ces considérations économiques nous amènent à une autre conclusion essentielle : le gouvernement n'a pas examiné attentivement les preuves des avantages de l'agriculture biologique avant de promulguer cette politique. S'il l'avait fait, les responsables auraient vu les inconvénients évidents d'une politique du tout-biologique, notamment l'augmentation de l'utilisation des terres et des émissions de gaz à effet de serre et, bien sûr, la hausse des prix à la consommation. L'auteur scientifique Steven Novella a exposé ce à quoi mènent réellement ces lacunes :

 

« La science est en fait de plus en plus claire sur ce point – l'agriculture biologique n'est pas bonne pour le climat ou l'écosystème mondial. Cela conduit souvent les défenseurs purs et durs de l'agriculture biologique à affirmer que nous devons réduire la population humaine (là encore, non-sequitur – cela ne justifie pas l'inefficacité), souvent sans dire explicitement qu'ils parlent de famine massive (d'autres personnes, généralement à la peau sombre, bien sûr). »

 

Ces dures réalités peuvent être occultées par des appels à « protéger la santé de la population et l'environnement du pays qui ont été détériorés par les produits agrochimiques ». Mais ce n'est guère plus que la même rhétorique rassurante qui conduit à l'interdiction des pesticides en Occident.

 

Cela ne veut pas dire que l'agriculture biologique n'offre aucun avantage ; elle en offre certainement, mais son utilisation doit être plus ciblée. Selon les économistes agricoles Eva-Marie Meemken et Matin Qaim,

 

La conclusion que l'agriculture biologique n'est pas le schéma global de l'agriculture durable ne signifie pas que les méthodes biologiques ne peuvent pas être utiles dans des situations spécifiques. Dans certaines conditions, l'agriculture biologique peut être clairement positive pour l'environnement [...]

 

L'expérience montre que les agriculteurs peuvent également en tirer profit lorsqu'ils sont liés à des marchés certifiés sur lesquels les consommateurs sont capables et désireux de payer un supplément de prix important pour les aliments issus de l'agriculture biologique. C'est le cas sur certains créneaux à forte valeur ajoutée, mais moins dans les marchés de masse destinés aux segments de population à faible revenu. » (C'est moi qui souligne.)

 

Voilà une analyse équilibrée et savante d'une question complexe. Mais une politique biologique universelle qui interdit des outils agricoles essentiels au nom de la protection de l'environnement n'a pas cette nuance. Le bien-être des agriculteurs et des consommateurs du Sri Lanka semble également avoir été négligé.

 

[1] Le paradoxe pauvreté-obésité est un autre sujet. Mon seul point ici est que la plupart des Américains ne souffrent pas de la faim.

 

[2] Ma note : La plus grande technicité de l'itinéraire biologique est un argument récurrent.

 

D'une part, s'il était valable, ce serait un reproche que l'on devrait faire aux promoteurs du bio. Il est en partie valable : il s'agit d'une autre technicité, celle qui consiste à faire au mieux avec les outils à disposition.

 

D'autre part, c'est un argument bien mince : en rejetant les intrants de synthèse et les outils modernes comme les variétés de dernière génération (GM, GE ou non), l'agriculture biologique se condamne à des rendements inférieurs (et, en outre, se ferme à d'autres progrès comme l'amélioration nutritionnelle des produits).

 

___________

 

Cameron English, directeur de Bioscience

 

Cameron English est auteur, éditeur et co-animateur du podcast Science Facts and Fallacies. Avant de rejoindre l'ACSH, il était rédacteur en chef du Genetic Literacy Project.

 

Source : All-Organic Agriculture? Sri Lanka Cripples Farmers and Sparks Food Shortage | American Council on Science and Health (acsh.org)

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article