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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Science&Vie et les OGM : quand l'idéologie résiste aux faits... l'humanité et la planète souffrent

4 Février 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #critique de l'information

Science&Vie et les OGM  : quand l'idéologie résiste aux faits... l'humanité et la planète souffrent

 

 

Le 22 novembre 2019, Science&Vie a mis en ligne « Les OGM ont-ils tenu leurs promesses ? »

 

La réponse est négative. En bref :

 

« C'est loin d'être le cas. Des rendements décevants, des mauvaises herbes devenues résistantes aux pesticides, des gains de temps et d'argent incertains... La technologie OGM ne s'avère finalement pas à la hauteur des attentes qu'elle a fait naître. »

 

C'est un sophisme que de prétendre que les résultats ne sont pas à la hauteur des « attentes » (suggérées mais non explicitées). Ce qui importe, ce sont les apports des différents OGM (des combinaisons espèce cultivée-trait (ou événement) déclinées en variétés différentes) par rapport aux variétés « conventionnelles ».

 

L'analyse qui nous est présentée est en contradiction flagrante avec les faits, largement documentés, et surtout le bon sens.

 

Quelque 17 millions d'agriculteurs, en majorité de pays en développement et ne bénéficiant pas des technologies les plus modernes, ont semé 191,7 millions d'hectares d'OGM (plus de dix fois la surface de terres arables françaises) en 2018 (infographie). Se seraient-ils trompés dans leur évaluation des avantages des OGM ?

 

 

 

 

Dans les pays - comme l'Argentine, le Brésil, le Canada, les États-Unis d'Amérique et l'Inde – qui les ont adoptés pour la plantation maintenant de longue date, les OGM approchent le taux d'adoption de 100 % pour des espèces telles que la betterave à sucre, le canola (colza), le cotonnier, le maïs et le soja. Ne serait-ce pas parce qu'ils répondent mieux aux besoins et attentes que les variétés « conventionnelles » ?

 

Du temps où le gouvernement du Brésil tergiversait sur l'autorisation des OGM, il s'était développé un important trafic de contrebande en provenance d'Argentine (le « soja Maradona »). Un trafic similaire s'était instauré entre l'Inde et le Pakistan pour le cotonnier Bt et est en cours entre le Bangladesh et l'Inde pour le brinjal (aubergine) Bt ; dans ce dernier pays, des agriculteurs défient aussi le gouvernement en semant du cotonnier cumulant les traits de résistance à des insectes (Bt) et de tolérance au glyphosate (HT). A-t-on vu de la contrebande pour des produits qui ne seraient pas recherchés ?

 

 

(Source)

 

 

Les avantages de l'un ou l'autre OGM – chaque configuration doit être étudiée à part – peuvent s'illustrer par le cas du brinjal Bt, en cours de généralisation au Bangladesh. Selon une étude d'ampleur menée par des chercheurs locaux. Voir MA Rashid, MK Hasan et MA Matin, Socio-economic performance of Bt eggplant cultivation in Bangladesh (performance socio-économique de la culture de l'aubergine Bt au Bangladesh – résumé en français et petit commentaire ici) :

 

« Les produits nets [returns] par hectare étaient de Tk. 179.602/ha pour les aubergines Bt par rapport à Tk. 29.841/ha pour les aubergines non Bt.

 

Les pesticides ont été appliqués 11 fois sur les aubergines Bt contre 41 fois sur les aubergines non Bt pour lutter contre les insectes suceurs. Les producteurs d’aubergines Bt ont économisé 61 % du coût des pesticides par rapport aux producteurs d’aubergines non Bt, n’ont subi aucune perte en raison du foreur des fruits et des pousses et ont obtenu des rendements nets plus élevés. »

 

Mais plutôt que d'éplucher des études et des rapports, on peut visionner sur Vimeo « Well fed » (recension avec captures d'écran ici), un excellent documentaire néerlandais qu'on ne verra pas de sitôt sur les chaînes françaises tout acquises à l'hostilité envers les OGM. Ou encore lire les témoignages d'agriculteurs sur les sites de l'Alliance Cornell pour la Science (qui promeut activement les plantes transgéniques) et du Réseau Mondial d'Agriculteurs (nombreuses traductions sur ce blog).

 

En effet, les meilleurs témoins des formidables bénéfices tirés des OGM – il va de soi adaptés à leurs besoins et correctement utilisés – sont ces agriculteurs qui se sont hissés grâce à eux au-dessus de la pauvreté et ont pu offrir à leur famille une vie meilleure.

 

Quant aux États-Unis d'Amérique, le rapport publié en 2016 par l'Académie américaine des sciences (NAS) a fait l'objet de citations sélectives à contre-emploi dans Science&Vie. Le Monde, peu suspect d'amour immodéré pour les OGM, a écrit en titre qu'il était « favorable aux OGM ».

 

D'une manière générale, les OGM actuellement cultivés ont permis une augmentation de la productivité agricole, contribué à la préservation de la biodiversité et à un meilleur environnement, réduit les émissions de CO2 et contribué à la lutte contre la pauvreté et la faim.

 

Les rendements seraient décevants selon l'article de Science&Vie ? La grande majorité des OGM actuellement cultivés n'ont pas été conçus pour augmenter la productivité intrinsèque. Selon le résumé du rapport de la NAS,

 

« Dans le maïs et le cotonnier, le Bt a contribué entre 1996 et 2015 à une réduction des pertes de récolte (réduisant l'écart entre le rendement réel et le rendement potentiel) dans des situations dans lesquelles les insectes nuisibles ciblés causaient des dommages importants aux non-Bt. »

 

Ainsi, en Inde, les rendements en coton qui plafonnaient aux environs de 300 kg/ha avant l'introduction du cotonnier Bt se situent actuellement aux environs de 500 kg/ha, le caractère Bt étant un des éléments contributeurs de cette évolution.

 

 

 

 

L'article de Science&Vie ne manque pas d'évoquer les mauvaises herbes devenues résistantes « aux pesticides », en fait au glyphosate.

 

Ce phénomène naturel n'est pas lié au caractère HT ou non-HT de la plante cultivée. Mais l'emploi répété d'un même herbicide augmente les (mal)chances de sélectionner des adventices résistantes. Une ivraie raide (Lolium rigidum) et une vergerette blanchâtre (Conyza sumatrensis) résistantes sont ainsi apparues en France, dans des vignes, en 2005 et 2010, respectivement. C'est en tout cas un problème auquel on peut faire face par une gestion intégrée de la lutte contre les adventices.

 

Enfin, on ne peut qu'approuver l'article de Science&Vie quand il déclare que « [l]a technologie OGM ne s'avère finalement pas à la hauteur des attentes qu'elle a fait naître ».

 

Mais ce n'est pour les raisons évoquées – dont beaucoup mériteraient aussi une réfutation :citer par exemple Charles Benbrook, un scientifique à gages au service de l'activisme anti-OGM et anti-pesticides, et du biobusiness ; ou encore citer l'évolution des surfaces en OGM jusqu'àen s'arrêtant à 2014 pour exploiter une baisse fortuite des emblavements.

 

En effet, de nombreux agriculteurs dans le monde attendent avec impatience le feu vert pour la mise en culture d'OGM déjà largement cultivés dans les grands pays agricoles, ou encore en Afrique du Sud, et d'OGM prêts à l'emploi susceptibles d'apporter des réponses à des problèmes pressants et urgents : insuffisance de la production et insécurité alimentaire, voire disettes ; carences et déséquilibres nutritionnels et « faim cachée » ; parasites et maladies, certains ne pouvant être contrôlés efficacement que par la voie transgénique ; réponse aux changements climatiques.

 

Le problème ? Au-delà de la pusillanimité des décideurs politiques locaux, il y a la pression exercée par les pouvoirs politiques européens, notamment français, que ce soit de manière explicite ou implicite (par exemple par la menace de fermer les frontières à des produits d'importation), ainsi que par les milieux activistes. Tout compte fait, cet article de Science&Vie contribue à ces manœuvres et tend à écarter la transgénèse de la boîte à outils des généticiens et sélectionneurs de plantes qui doivent contribuer à relever les immenses défis d'aujourd'hui et de demain.

 

Science&Vie nous a habitués à mieux.

 

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M
Les mensonges du CRIIGEN continue en tous cas de faire des dégâts en Afrique.<br /> https://benin24tv.com/organismes-genetiquement-modifies-ogm-un-potentiel-poison-dans-les-assiettes-de-lhumanite/
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S
@ max (email) le mercredi 05 février 2020 à 21:50<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Un grand merci pour cette alerte.<br /> <br /> C'est indigent. "How dare you" CRIIGEN?
P
Quelle dommage ce qu'est devenue Sciences et vie. Il fut un temps ou ils dénonçaient les BLURGS (Balivernes lamentables a usage réservé au gogo). Effectivement, ils ont fait un virage à 180 degrés.<br /> Ils ont également endossé sans réserve l'histoire de réchauffement climatique dans une seule direction.<br /> Je me souviens aussi d'un article dans les années 80 ,ou il était question des manipulations génétiques qui pourrait être probable pour les années 2000.
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S
@ PierreL. (email) le mardi 04 février 2020 à 15:44<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> J'ai le souvenir d'un formidable article de Mme Marie-Laure Moinet, maintenant chargée des relations avec la presse à l'Académie des Sciences. On était encore à l'époque où le ciel ne nous tombait pas encore sur la tête...<br />
I
Plusieurs journalistes de Science et vie ont vendu leur âme à la cause Biotausaurus, d'ailleurs, cette revue avait déjà était épinglée par l'AFIS pour des articles anti-OGM. Cela dit l'auteur semble avoir de bons espoirs dans les nouveaux OGM comme les CRISPR, Donc tout n'est pas encore perdu.
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S
@ Il est là le mardi 04 février 2020 à 12:55<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> "Je suis anti-OGM, mais comme je ne veux pas paraître trop négatif, je dis des bonnes choses sur la nouvelle technologie CRISPR"... Technique connue du camouflage. Attendez de voir un produit issu de CRISPR et regardez ce qu'il dira...