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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate et Parlement Européen : qui est le meilleur ennemi de l'Europe ?

31 Octobre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Activisme, #Union européenne

Glyphosate et Parlement Européen : qui est le meilleur ennemi de l'Europe ?

 

 

 

 

Une information de qualité ?

 

Le 24 octobre 2017 (date sur la toile) à 13 h 27, le Monde – avec AFP – avait titré : « Pesticides : le Parlement européen vote en faveur de la disparition du glyphosate d’ici à 2022 », avec en chapô :

 

« La résolution, non contraignante, vise à mettre la pression sur la Commission européenne, qui veut renouveler pour quinze ans la licence de l’herbicide. »

 

C'est juste, s'agissant de la pression et faux, s'agissant de la durée de la nouvelle autorisation et de l'instance visée. À cette date, la Commission Européenne avait formellement proposé une durée de 10 ans, et à cette heure, elle avait déjà annoncé qu'elle allait proposer cinq à sept ans. Foi de 20 Minutes – aussi avec AFP – qui a publié la nouvelle à 13 h 14 ; mais admettons qu'il y ait des lourdeurs dans les procédures de mise en ligne au Monde. Quant à l'instance, il s'agit des États membres, et non de la Commission.

 

Nous avons une information de qualité ! Notons que le Monde nous aura gratifié de quatre articles ce jour là. Il y a, en plus :

 

 

Laissons le Monde (et les autres médias) sans aborder le mélange des genres, information-désinformation. Qu'ont adopté les membres du Parlement Européen ?

 

 

Le résolution du Parlement Européen

 

Nous n'avons pas trouvé sur le site du Parlement européen le texte adopté de la résolution « sur le projet de règlement d’exécution de la Commission portant renouvellement de l’approbation de la substance active glyphosate, conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 ». Voici donc la partie opérationnelle de la proposition, avec les amendements adoptés en séance :

 

« 1. est d’avis que le projet de règlement d’exécution de la Commission ne permet pas de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, n’applique pas le principe de précaution et excède les compétences d’exécution prévues par le règlement (CE) n° 1107/2009;

 

2. demande à la Commission de retirer son projet de règlement d’exécution et d’en présenter un nouveau qui soit conforme aux exigences énoncées par le règlement (CE) n° 1107/2009 [du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil], c’est-à-dire qui tienne compte non seulement de l’avis de l’EFSA, mais aussi d’autres facteurs légitimes et du principe de précaution;

 

3. demande à la Commission et aux États membres de n’autoriser l’utilisation du glyphosate ni à des fins non professionnelles, ni dans ou à proximité de parcs publics, d’aires de jeux publiques ou de jardins publics au-delà du 15 décembre 2017;

 

4. demande en particulier à la Commission et aux États membres de ne pas approuver une quelconque utilisation du glyphosate dans l'agriculture après le 15 décembre 2017 lorsque les systèmes intégrés de lutte contre les organismes nuisibles suffisent pour les opérations nécessaires de désherbage;

 

4 bis. demande à la Commission et aux États membres de ne pas approuver l'utilisation du glyphosate à des fins de dessiccation préalable à la récolte, avec effet au 16 décembre 2017;

 

5. demande à la Commission d’adopter les mesures nécessaires à l’élimination progressive de la substance active glyphosate dans l’Union européenne d’ici au 15 décembre 2020 [2022 selon un amendement adopté en séance] au plus tard et de s’assurer que toute utilisation du glyphosate est interdite à partir de cette date, ce délai incluant d’éventuelles périodes de renouvellement d'extension et les périodes visées à l’article 32 du règlement (CE) n° 1107/2009;

 

6. salue la proposition d’interdire l'utilisation de POE-tallowamine dans les produits phytosanitaires contenant du glyphosate; invite la Commission et les États membres à accélérer leurs travaux sur la liste des coformulants non autorisés dans les produits phytopharmaceutiques;

 

7. demande à la Commission et aux États membres de s’assurer que l'évaluation scientifique des pesticides aux fins d’une approbation réglementaire au niveau de l’Union s’appuie uniquement sur des études publiées indépendantes, ayant fait l'objet d'un examen par des pairs et commandées par les autorités publiques compétentes; estime que la procédure REFIT du règlement (CE) n° 1107/2009 pourrait être employée à cette fin; est par ailleurs d’avis que l’EFSA et l’ECHA devraient être dotées de ressources suffisantes pour accroître leur capacité, de sorte que des études scientifiques indépendantes puissent être commandées et que soient garantis tant le respect des normes scientifiques les plus strictes que la protection de la santé et de la sécurité des citoyens européens;

 

8. invite la Commission et les États membres à faire en sorte que des analyses et une surveillance suffisantes des résidus de glyphosate dans l’alimentation animale, les denrées alimentaires et les boissons produites ou importées dans l’Union soient menées afin de remédier au manque de données actuel mis en lumière par l’EFSA;

 

9. prie la Commission et les États membres de financer la recherche et l'innovation pour trouver des solutions viables et rentables en matière de pesticides, afin de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale, ainsi que de l'environnement;

 

10. demande à la Commission et aux États membres de proposer des mesures transitoires adaptées au secteur agricole et de publier un document d’orientation présentant toutes les solutions de remplacement plus sûres et à faible risque, de sorte à soutenir le secteur agricole pendant la période d’élimination progressive de la substance active glyphosate, et toutes les ressources se trouvant déjà à la disposition des agriculteurs dans le cadre de la PAC actuelle;

 

11. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres. »

 

 

L'anti-commissionisme primaire

 

L'économie générale de cette résolution repose à notre sens sur deux piliers.

 

Le premier pilier – que l'on trouve dans nombre d'autres textes présentés et souvent adoptés au Parlement Européen – est l'animosité, pour ne pas dire l'hostilité, envers la Commission Européenne.

 

Le Parlement Européen reproche souvent à la Commission, en bref, d'avoir mal fait son travail et, implicitement, de céder à des motivations et des intérêts qui vont à l'encontre des intérêts de la population européenne.

 

 

Plus démago, tu meurs...

 

 

Cela conforte certainement certains membres du Parlement dans ce qu'ils croient être leur légitimité auprès de leurs mandants (enfin, quand on peut les identifier dans un régime d'élection à la proportionnelle qui fait la part belle au recasage des perdants d'une élection nationale) ; en tout cas dans leur visibilité et leur capacité à se faire remarquer, notamment sur les réseaux sociaux, auprès de leurs groupies.

 

 

Un sondage avec une question parfaitement neutre (ironie)...

 

 

Dans cette politique de populisme exacerbé, l'idée de la construction européenne passe par pertes et profits. Les meilleurs alliés des « eurosceptiques » se recrutent chez les politicards qui, côté cour, se réclament de l'Europe ! Avec, ici, une mention particulière pour les Verts.

 

Nous publions séparément un commentaire de notre amie Susanne Günther (Schillipaeppa), un avis que nous partageons. Oui, l'affaire du glyphosate – les manœuvres politiciennes et les tergiversations – a joué un rôle dans le Brexit en influençant le vote agricole.

 

 

Le néo-luddisme

 

Le deuxième pilier est toujours lié au populisme, et aussi au besoin d'exister par le refus plutôt que par la construction d'un avenir qui ne soit pas la muséification du présent : l'opposition devenue quasi atavique à la technologie agricole reposant sur la chimie et la génétique. Le « principe de précaution » – mal compris – est agité à tout bout de champ, en cocktail avec les peurs de Chicken Little. Cela donne par exemple ceci dans la résolution :

 

« C. considérant que l’ensemble de la population est exposée au glyphosate, essentiellement en raison de la proximité des habitats par rapport aux zones d’épandage de ce produit, en raison de son utilisation domestique et par l’alimentation; considérant que cette exposition augmente parallèlement à la hausse de l’utilisation du glyphosate; que les effets de ce produit et de ses coformulants les plus courants sur la santé humaine doivent être mesurés régulièrement; considérant que la présence de glyphosate et/ou de ses résidus a été constatée dans l'eau, le sol, les denrées alimentaires, les produits non comestibles et le corps humain (notamment dans les urines); »

 

Notez que cela s'applique logiquement à tous les produits phytosanitaires, à nombre de substances pharmaceutiques...

 

Dans le domaine de la génétique, le Parlement européen – un attelage improbable de groupes politiques – adopte avec frénésie des résolutions non contraignantes signalant une opposition contre la mise sur le marché de produits issus de plantes génétiquement modifiées. Le 24 octobre 2017, il y en avait trois : contre le soja 305423 x 40-3-2 (DP-3Ø5423-1 × MON-Ø4Ø32-6) ; contre le colza MON 88302 x Ms8 x Rf3 (MON-883Ø2-9 × ACSBNØØ5-8 × ACS-BNØØ3-6), MON 88302 x Ms8 (MON-883Ø2-9 × ACSBNØØ5-8) et MON 88302 x Rf3 (MON-883Ø2-9 × ACS-BNØØ3-6) ; contre le maïs 1507 (DAS-Ø15Ø7-1).

 

 

Excellente illustration : repassons à la charrue...

 

 

Que ce soit pour la chimie ou la génétique, les notions d'opportunité, de proportionnalité, de rapport coûts-bénéfices sont superbement ignorés.

 

Prenons le cas de la dessiccation (la paragraphe 4bis ci-dessus) : ces gens ont-ils compris son intérêt pour le contrôle des mycotoxines ? Non ! Pour la santé publique ? Encore moins ! Le credo, c'est : « chimie (pesticides de synthèse) = mal). Point-barre.

 

 

L'ardent besoin d'exister

 

Pour exister, ces gens ont besoin de montrer – ou plutôt de faire croire – qu'ils s'occupent de la santé, de la sécurité et du bien-être.

 

Montrer à qui ?

 

Aux électeurs ? Cela fait longtemps que les parlementaires européens n'ont plus d'assise électorale, tout au moins en France.

 

Montrer à qui ?

 

Alors c'est certainement à eux-mêmes pour se prouver qu'ils existent et que, à défaut d'avoir une capacité de construction, ils ont une capacité de démolition et de nuisance.

 

 

 

 

Reprenons le cas du glyphosate et des OGM : quel impact immédiat de la résolution ? Aucun ! Car la proposition de la Commission – établie conformément aux règles en vigueur quoi qu'en ait dit le Parlement Européen – était déjà condamnée par l'incurie des États membres et l'impossibilité de réunir la majorité requise compte tenu de l'abstention de l'Allemagne et du vote de rejet de la France.

 

Abstention, pour raison politicienne, car cela est prévu par l'accord de coalition maintenant agonisant ; vote de rejet, pour raison politicienne, de maintien de la paix intragouvernementale (en attendant que M. Nicolas Hulot fasse son grand spectacle de sortie). Notre Macron national qui se veut un grand défenseur de l'idée européenne s'en fait le fossoyeur par pur opportunisme parisien.

 

 

Le clientélisme

 

Montrer à qui ?

 

Un groupement – le Groupe des Verts/Alliance Libre Européenne – vit une sorte de symbiose avec le monde des « ONG ».

 

Les échanges sont constants. Dans leur forme la plus grotesque, c'est notamment une réunion secrète tenue à Berlin pour coordonner les attaques contre l'industrie chimique et l'agriculture conventionnelle. On pourrait passer des heures à éplucher la littérature des uns et des autres et montrer comment ils alimentent mutuellement leurs fonds de commerce.

 

Il y a aussi des francs-tireurs dans d'autres groupes – dans le cas du glyphosate, les Éric Andrieu, Guillaume Balas, Marc Tarabella et autre Pavel Poc.

 

Bien sûr, les « ONG » se défendent de faire du lobbying ; et les députés européens concernés se drapent dans leur virginité politique alléguée, réfractaire à toute influence.

 

Cet activisme à bénéfice mutuel profite au biobusiness, et nous avons longtemps considéré qu'il s'agissait là d'un autre acteur et bénéficiaire influent. Mais le cas du glyphosate a dévoilé un tour nouveau. Notre ami David Zaruck (Risk-monger) nous conte avec justesse des histoires de Carpetbaggers – de lobbyistes états-uniens profitant de la gabegie et de la précautionite bruxelloises pour marquer des points en Europe et s'en servir à Washington pour y faire avancer leurs projets. Et dans ces projets – stupeur et tremblements – il y a maintenant la tentative de cabinets d'avocats prédateurs d'extorquer des « dommages-intérêts » – en réalité, leurs propres profits – de Monsanto en jouant sur le classement du glyphosate en « cancérogène probable » par le CIRC.

 

L'audition publique du 11 octobre 2017 sur « Les Monsanto Papers et le glyphosate » est une illustration de l'instrumentalisation du Parlement Européen. Outre que cela a flatté quelques ego parlementaires boursouflés, on a offert une tribune au Corporate Europe Observatory et à l'US Right to Know et, par l'intermédiaire de M. Christopher Portier, aux cabinets d'avocats prédateurs états-uniens.

 

 

Les renvois d'ascenseur

 

Ce considérant de la résolution, somme toute pitoyable, est illustratif des influences auxquelles certains membres du Parlement Européen succombent et qu'ils arrivent à faire concrétiser en plénière :

 

« J. considérant que, dans le cadre d’un contentieux aux États-Unis engagé par des plaignants qui affirment avoir développé un lymphome non hodgkinien à la suite d’une exposition au glyphosate, la cour a rendu publics des documents internes à Monsanto, le propriétaire et fabricant du Roundup, un produit dont la substance active est le glyphosate; que la correspondance publiée jette le doute sur la crédibilité de certaines études – qu’elles aient été financées par Monsanto ou menées en principe de manière indépendante – qui figurent parmi les données sur lesquelles se sont appuyées tant l’EFSA que l’ECHA pour leur évaluation de la sûreté du glyphosate; considérant, à cet égard, que la transparence et la mise à disposition publique des études scientifiques, ainsi que des données brutes sur lesquelles ces études sont fondées, revêtent la plus haute importance; »

 

Quel intérêt pour la prise de position du Parlement Européen – sachant que tant l'EFSA que l'EChA ont répondu fermement aux doutes suscités et entretenus par l'altermonde et leurs amis du Parlement ? Aucun. Pour les prédateurs ? Grand.

 

 

Le populisme national

 

La résolution a été adoptée par 355 voix pour, 204 contre et 111 abstentions. Le site VoteWatch dit que la majorité a été formée par les Verts, les socialistes et le groupe ENL, Europe des Nations et des Libertés auquel adhère notre Front National... Majorités improbables au Parlement Européen...

 

En fait, l'analyse nous paraît un peu simpliste. Il nous semble que les socialistes ont attiré une partie de la droite conservatrice (EPP – 75 pour ; 39 contre ; et 80 abstentions selon la consigne de vote) et du centre (ADLE – 24 pour ; 34 contre selon la consigne de vote ; et 0 abstention) en proposant de repousser la sortie du glyphosate de 2020 à 2022... L'art des marchandages au Parlement Européen...

 

Excusez du peu, mais 56 députés français sur 74 ont voté pour la proposition, 7 ont voté contre et 3 se sont abstenus. Combien d'EPP et d'ADLE ont été loyaux ? Deux et zéro, respectivement.

 

 

Des réactions individuelles

 

 

Jamais utilisé de glyphosate, José ?

 

 

Dans ceux qui ont voté contre, il y a notamment MM. José Bové et Guillaume Balas.

 

Le premier s'est exprimé sur Twitter, et aussi Mediapart :

 

« Lorsqu’il y a autant de preuves contre un produit, il est indécent d’accepter qu’il soit vendu cinq ans de plus. C’est pour cela qu’aujourd’hui j’ai voté contre une résolution du Parlement. »

 

Un extrait des délires de cet homme qui prend vraiment les agriculteurs pour des imbéciles :

 

« Le glyphosate impose l’agriculture industrielle, contraignant les paysans à utiliser des pesticides alors que les alternatives techniques existent et qu’elles sont faciles à mettre en œuvre. »

 

 

 

 

Le second écrit sur son site :

 

« Le principe de précaution ne saurait se satisfaire d’un compromis sur le sujet. Il y a urgence à entendre le message des scientifiques, des ONG, des citoyens, des agriculteurs bio et de l’ensemble des personnes qui se battent pour que le poison vendu par Monsanto soit interdit dans les plus brefs délais. »

 

 

 

 

Et voici, pour conclure, ce qu'écrit dans sa dernière lettre M. Patrick Le Hyaric (au Parlement Européen, il siège dans le Groupe Confédéral de la Gauche Unitaire Européenne/Gauche Verte Nordique) :

 

« Semaine de tensions entre l'intérêt général et l'intérêt particulier des puissances industrielles transnationales. C'est le cas avec l'autorisation ou non de la poursuite de l'utilisation du glyphosate. En majorité, le Parlement européen a voté un texte demandant son arrêt d'ici cinq ans.

 

Le Conseil européen, réunissant des représentants de chaque Etat européen, devait décider le lendemain de la reconduction ou non de l'autorisation de l'herbicide. Après avoir proposé un renouvellement de sept ans (au lieu de dix prévus initialement), il a finalement reporté sa réunion sans doute après une ultime pression de Monsanto. »

 

Passons sur la grandiloquence et le manichéisme – la lutte du Bien contre le Mal. M. Le Hyaric a certainement des informations sur l'« ultime pression de Monsanto »

 

Ces gens passeront sous silence le fait qu'une délégation représentant plus de 10 organisations appuyant l'interdiction du glyphosate a rencontré le Commissaire à la Santé Vytenis Andriukaitis le lundi 23 octobre 2017. Ce n'est pas là une « ultime pression », noooon !

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