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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate, Monsanto et le Parlement Européen : l'ordre démocratique bafoué

12 Octobre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Monsanto, #Union européenne, #Politique, #Activisme

Glyphosate, Monsanto et le Parlement Européen : l'ordre démocratique bafoué

 

 

 

 

 

Le 11 octobre 2017 s'est tenue une audition publique au Parlement européen, organisée conjointement par la Commissions de l'Environnement, de la Santé Publique et de la Sécurité Alimentaire (ENVI) et la Commission de l'Agriculture et du Développement Rural (AGRI), sur « Les Monsanto Papers et le glyphosate ». Le programme final est ici (et ci-dessous).

 

 

 

 

Vous pouvez suivre les débats (une demi-journée) ici. Il faut en avoir envie parce que ce n'est pas franchement joyeux. On tourne en rond sur le plan scientifique. Et l'enregistrement ne montre pas les présentations projetées, de sorte qu'il est difficile de savoir de quoi parlent les orateurs – particulièrement les complotistes Carey Gillam (USRTK – le porte-flingue du lobby du biobusiness états-unien) et Martin Pigeon (Corporate Europe Observatory). Les deux ont été très confus... normal, les théories sont bien fumeuses.

 

J'observerai cependant que M. Christopher Portier a été présenté sur le programme comme affilié à l'Université de Maastricht. Quel artiste du quick change ! Il précise tout de même qui a été consultant pour plusieurs cabinets d'avocats aux États-Unis d'Amérique. Mais « aujourd'hui, je suis ici en tant que simple citoyen... » (à 09:14:40 – c'est l'heure qui s'affiche quand on passe le pointeur sur la vidéo). Quel artiste du quick change...

 

Mme Kate Guyton (CIRC) a fait des efforts impressionnants pour répondre à côté des questions et, surtout, pour ne pas mettre le classement du glyphosate en « cancérogène probable » en perspective (voir par exemple la question de Mme Ulrike Müller et la réponse à partir de 10:12:15et l'échange initié par M. John Stuart Agnew à partir de 10:37:15).

 

Quant à M. Pigeon, à propos de la rétention d'informations au sein du CIRC, il a réussi à affirmer sans rougir, en réponse à Mme Julie Girling (à partir de 12:07:30), que : « pour autant que je sache c'est faux et il a été prouvé que c'est faux » (à 12:09:25). Si j'ai bien compris, il semble avoir compris que mettre fin au glyphosate de manière abrupte n'est pas opportun et demande que l'on fixe une date de sortie, ou que l'on prenne une décision intelligente (12:23:08 – l'interprétation en français est lacunaire, et on peut le comprendre). Le langage au Parlement Européen ne semble pas concorder avec les gesticulations publiques...

 

 

 

 

Mais ce n'est pas le sujet du jour.

 

En montant le programme, le Parlement Européen a invité Monsanto, plus précisément son CEO, Hugh Grant, à s'expliquer. Monsanto a refusé fermement et poliment. Sa lettre a été rendue publique et nous la traduisons ci-dessous :

 

« Le 29 août 2017

 

Chère Conférence des Présidents,

 

Je vous écrit en réponse à votre lettre d'invitation adressée au CEO de Monsanto Hugh Grant à participer à une audition publique conjointe du Parlement Européen sur "Les Monsanto Papers et le glyphosate" le 11 octobre 2017. Bien que ce soit toujours un privilège d'être invité à s'adresser aux membres du Parlement Européen, c'est avec regret que ni M. Grant ni Monsanto ne seront en mesure de participer.

 

Ayant examiné soigneusement votre invitation, nous n'estimons pas que la discussion telle que proposée est un forum approprié pour examiner ces questions. Cela étant dit, nous réfutons les allégations faites récemment par des groupes de pression anti-agriculture selon lesquelles Monsanto a influencé de manière inappropriée la recherche scientifique sur la sécurité du glyphosate. La science est toujours un processus collaboratif. La participation de Monsanto dans diverses analyses de la littérature récemment relevée dans les médias était pleinement appropriée et a été entièrement révélée dans les sections des articles portant sur les remerciements, et les articles ont eux-mêmes fait l'objet d'une recension rigoureuse par des pairs avant leur publication.

 

En outre, l'attention que les média ont récemment manifestée porte exclusivement sur des analyses de la littérature et non sur les études réglementaires fondées sur les Bonnes Pratiques de Laboratoire (GLP) qui font l'objet de ces analyses et qui sous-tendent l'autorisation du glyphosate. Donc, pour citer la Commission Européenne dans sa réponse à une Question Parlementaire du 9 août 2017, "L'ECHA1 et l'EFSA2 ont tous deux confirmé que les informations contenues dans les "Monsanto papers" concernant certaines analyses [de la littérature] scientifiques, même si elles étaient vraies, n'auraient pas eu d'impact sur leur évaluation globale du glyphosate. Les analyses scientifiques ont un poids limité dans l'évaluation globale des agences car les experts de l'UE avaient eu accès aux données brutes et ont produit leurs propres conclusions sur la base des études initiales." [Note : notre traduction, la réponse n'existe qu'en anglais et portugais.]

 

Nous relevons dans votre invitation que "l'objectif de l'audition est d'examiner la crédibilité des études scientifiques sous-tendant la décision des agences de régulation des USA d'autoriser le RoundupTM, ainsi que les conclusions des agences d'évaluation des risques de l'UE sur la question du Glyphosate ». Avec tout notre respect, ce n'est pas le rôle du Parlement Européen de mettre en question la crédibilité des productions scientifiques tant des agences indépendantes de l'UE que de celles de pays tiers.

 

Nous avons observé avec un souci grandissant la politisation des procédures de l'UE concernant le renouvellement du glyphosate – une procédure qui devrait être strictement scientifique mais qui a été prise en otage à bien des égards par le populisme. En effet, une récente déclaration de l'ECHA a souligné cette préoccupation : "L'ECHA est préoccupée par une tentative de discréditer publiquement l'intégrité des institutions européennes chargées de garantir l'utilisation sûre de substances chimiques au sein de l'UE."

 

C'est pourquoi Monsanto n'est disposé à participer à aucun forum dont le résultat sera vraisemblablement de saper, de mettre en doute ou de contester encore davantage l'intégrité et l'indépendance des procédures d'évaluation scientifique de l'UE et de ces agences.

 

En outre, nous notons que l'ordre du jour proposé pour l'audition conjointe du Parlement Européen a cherché a offrir une plate-forme à un certain nombre d'ONG et d'activistes de l'Europe et des USA. Compte tenu de l'objectif déclaré, scientifique, de l'audition, il est curieux que des occasions similaires n'aient pas été offertes à divers chercheurs tiers qui ont étudié le glyphosate et ont été récemment attaqués publiquement par l'ONG maintenant invitée à s'adresser au Parlement.

 

Dans cette perspective, l'audition commune peut être considérée comme la tentative la plus récente de ceux qui s'opposent aux pratiques modernes d'influencer les procédures scientifiques et réglementaires de l'UE et de les mettre en échec pour faire aboutir leurs propres objectifs.

 

Cependant, en accord avec l'objectif affiché de l'audition, nous espérons que les membres du Parlement Européen examineront également pourquoi le classement du CIRC est une anomalie par rapport à la conclusion de toutes les agences de régulation à travers le monde, compte tenu en particulier des allégations récentes selon lesquelles le président du groupe de travail du CIRC qui a examiné le glyphosate a fait de la rétention d'information concernant des études scientifiques qui sapent le résultat de la classification par le groupe de travail du CIRC ; et selon lesquelles l'analyse la plus complète de la cancérogénicité chez l'animal a été complètement ignorée par le groupe de travail du CIRC. Le glyphosate a répondu avec succès à toutes les évaluations réglementaires dans l'UE et au niveau mondial, et a probablement été évalué à ce jour bien plus étroitement que toute autre matière active.

 

Le glyphosate remplit ou dépasse toutes les exigences pour un renouvellement plein et entier en vertu du droit européen. Nonobstant ce qui précède, nous vous souhaitons plein succès dans l'organisation de l'événement.

 

Salutations,

Philip W. Miller, PhD

Vice-président, Affaires commerciales

Monsanto Company

 

1 https://echa.europa.eu/documents/10162/22431146/echa_statement_regarding_assessment_of_glyphosate-en.pdf/2d4acbad-37e1-a6cf-7fef-f78711768b75

2 https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/170523-efsa-statement-glyphosate.pdf

 

 

 

 

Manifestement, Monsanto n'a pas mâché ses mots et a donné une véritable leçon de bienséance politique et démocratique.

 

Que fit le Parlement Européen – en l'occurrence la conférence des présidents de groupes qui s'est fait sèchement mais poliment rappeler à l'ordre ? Et, si nous avons bien compris, à l'initiative du Groupe des Verts|Alliance Libre Européenne ?

 

Il a décidé le 28 septembre 2017 d'interdire jusqu’à nouvel ordre l’accès au Parlement Européen pour les employés de Monsanto.

 

 

 

 

Voici la déclaration de M. Philippe Lamberts, Président du groupe Verts|ALE :

 

« Nous nous félicitons de cette décision ferme de la Conférence des Présidents à l’égard de Monsanto et de ses employés.

 

En dépit de la gravité des pratiques révélées, notamment, par les Monsanto Papers et que l’on pourrait assimiler à celle de la mafia, la firme agrochimique semble poursuivre une stratégie de non-collaboration et de mépris des institutions. »

 

Comment interpréter cela ? Comme une condamnation déjà prononcée !

 

La décision se fonderait sur l'article 116 bis, Accès au Parlement, du Règlement Intérieur du Parlement Européen :

 

« 3.  [...]

 

Sans préjudice de l'applicabilité des règles générales régissant le retrait ou la désactivation temporaire des titres d'accès de longue durée, et à moins que des raisons importantes ne s'y opposent, le secrétaire général, avec l'autorisation des questeurs, retire ou désactive un titre d'accès de longue durée lorsque son détenteur a été radié du registre de transparence à la suite d'une infraction au code de conduite des personnes enregistrées, s'est rendu coupable d'une violation grave des obligations prévues au présent paragraphe, ou a refusé de donner suite à une convocation officielle à une audition ou à une réunion de commission ou de coopérer avec une commission d'enquête, sans fournir de justification suffisante. »

 

Il ne nous semble pas qu'il y ait eu une « convocation officielle » (voir l'ouverture de la lettre de réponse). Et, en tout cas, Monsanto a manifestement fourni une justification suffisante pour décliner l'invitation. Mais vous pouvez juger vous-mêmes ci-dessus.

 

La décision est donc illégale. Mais ce n'est que le moindre des problèmes.

 

Me dira-t-on que ne sont que des représailles du niveau de la cour de récréation ? Outre qu'elle alimente le discours anti-Monsanto (le glyphosate, l'agriculture et la gestion environnementale des territoires étant des victimes collatérales), cette décision stupide marque une dérive inquiétante vers ce qu'il faut bien appeler un totalitarisme ; et il se trouve des gens pour applaudir !

 

Elle signale en effet que le Parlement Européen – la décision de sa conférence des présidents engage sa responsabilité – fait fi des principes démocratiques les plus élémentaires – ici la liberté d'une entreprise de décider souverainement d'accepter ou non une invitation.

 

 

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