Lobbying : le « Groupe de Travail sur les Pesticides Systémiques » à l'assaut du Parlement
Visiblement, il n'apprécie pas nos critiques de leurs démarches militantes et n'a pas d'atomes crochus avec nous (source).
Nous n'avons pas encore tout vu avec cette affaire de loi permettant d'accorder des dérogations pour l'enrobage des semences de betteraves avec des néonicotinoïdes.
Un des récents exploits : une « lettre ouverte » publiée dans Libération le 21 septembre 2020 par le « Groupe de Travail sur les Pesticides Systémiques » (Task Force on Systemic Pesticides) sous le titre : « Réintroduction des néonicotinoïdes : "C'est une grave erreur" »
Libé écrit :
« Dans une lettre adressée à plusieurs ministres, que Libération publie en exclusivité, ces scientifiques du Groupe de travail sur les pesticides systémiques (TFSP), qui regroupe des chercheurs indépendants de plus de 24 pays, pressent le gouvernement de renoncer à ce qui serait une "grave erreur". »
Le groupe est ainsi présenté par le ou les auteurs de la lettre :
« Madame Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, monsieur Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, et monsieur Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, notre groupe de scientifiques rattaché à l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est un rassemblement d’une soixantaine de chercheurs internationaux (24 pays, 4 continents), indépendants et pluridisciplinaires, ayant travaillé de façon holistique sur les pesticides néonicotinoïdes depuis plus de dix ans. »
Un morceau de choix :
« Cette erreur est associée à un modèle d'agriculture intensive qui n'est pas durable et qui n'a pas voulu évoluer. Cette erreur nous oblige à sortir de notre réserve habituelle pour vous réaffirmer les impacts désastreux des néonicotinoïdes, objets d'une réintroduction proposée par votre gouvernement. »
« ... notre réserve habituelle » ? De qui se moquent-ils ?
Nous l'avons rapporté maintes fois sur notre blog : le groupe de travail a été constitué dans le but spécifique d'obtenir l'interdiction des néonicotinoïdes et du fipronil, en produisant une « science » susceptible d'emporter la décision politique. Et, du reste, les liens avec l'UICN sont ambigus.
En filigrane, le groupe était prêt à produire de la « junk science » dont Wikipedia écrit :
« Le terme junk science ("science poubelle" ou "science camelote") est un anglicisme désignant des recherches ou des données qui se prétendent scientifiques mais qui sont corrompues, au niveau de leur méthodologie et/ou de leur objectivité, par négligence, ignorance, ou fraude. Ces données pseudoscientifiques peuvent servir des intérêts idéologiques ou commerciaux. »
Ou encore de la « science malade du militantisme et de l'idéologie », selon la formule de M. Marcel Kuntz.
La preuve formelle – un document qui a fuité – se trouve ici. Voici, une nouvelle fois, un élément du programme d'action traduit en français :
« Nous essaieront de rassembler quelques grands noms du monde scientifique comme auteurs de ce document. Si nous réussissons à faire publier ces deux documents, il y aura un impact énorme, et une campagne menée par le WWF, etc. pourra être lancée immédiatement. Il sera beaucoup plus difficile pour les politiciens d'ignorer un document de recherche et un document de forum des politiques publiés dans Science. La chose la plus urgente est d'obtenir le changement de politique nécessaire et de faire interdire ces pesticides, pas de lancer une campagne. Une base scientifique plus solide devrait se traduire par une campagne plus courte. »
Cette lettre ouverte est scandaleuse à plusieurs titres.
Voilà un groupe de scientifiques qui n'avance aucun argument scientifique pertinent – se rapportant à l'enrobage des semences de betteraves – pour se cantonner dans le sophisme de l'appel à l'autorité (ainsi : « Nous avons [...] beaucoup publié... ») et de l'appel à l'émotion, mâtinée d'appel à l'autorité (ainsi : « Suivant l’avis très clair de la communauté scientifique internationale, la France prenait alors une position exemplaire pour ses citoyens, pour l’Union européenne et pour le monde. »).
Voilà un groupe de scientifiques qui, sans autorité académique, porte un jugement de valeur sur un mode d'agriculture – de surcroît pour un problème de santé des plantes très largement indépendant de l'itinéraire cultural et de son intensité.
Voilà aussi un groupe de scientifiques qui s'immisce dans les affaires de la France – en se prévalant de cette qualité pour une manœuvre de lobbying – alors qu'il se tait sur l'emploi des néonicotinoïdes pour des usages divers dans d'autres pays, que ce soit dans le cadre d'autorisations formelles ou de dérogations.
Ils « pensent » – curieux mot pour des scientifiques se prévalant de leur qualité – « qu’il s’agirait d’une grave erreur, sous le prétexte de raisons mineures ou inexactes, ceci au regard des enjeux immenses dont vous avez aujourd’hui la pleine responsabilité » ? Les principaux pays betteraviers de l'Union Européenne sont d'un autre avis.
Mais il est possible que cette qualité de groupe de scientifiques soit instrumentalisée.
Qu'en pense l'UICN dont se prévaut l'auteur, ou se prévalent les auteurs, de cette lettre ? Cette organisation semi-gouvernementale cautionne-t-elle une intervention dans les affaires gouvernementales et législatives d'un de ses États membres par un groupe se prévalant d'elle ?