Une agriculture qui s'adapte pendant une pandémie

Une agriculture qui s'adapte pendant une pandémie

Daniel Kelley*

À l'heure où des millions d'Américains perdent leur emploi, de nombreux agriculteurs se sentent privilégiés d'avoir du travail. Mais cela ne veut pas dire que le coronavirus ne nous a pas fait de mal.

Les prix que nous recevons pour ce que nous produisons avaient déjà considérablement baissé au cours des dernières années, et maintenant la pandémie rend l'année 2020 encore plus difficile financièrement. Nous avons perdu des marchés à cause des guerres commerciales, des droits de douane et des maladies. La peste porcine africaine a décimé les troupeaux de porcs en Chine et en Asie du Sud, réduisant le besoin d'aliments pour animaux comme le soja que leurs producteurs se procuraient aux États-Unis. La baisse des coûts du carburant nous aide lorsque nous remplissons nos réservoirs, mais nous comptons également sur l'industrie de l'éthanol comme client. L'éthanol est produit à partir du maïs et son utilisation a considérablement diminué en raison de l'affaiblissement de la demande, résultat de la guerre du pétrole actuelle et du fait que tout le monde reste chez soi.

À plus long terme, nous avons d'autres préoccupations, du sort des programmes de repas scolaires – pour lesquels nous fournissons de la nourriture – à la façon dont le Covid-19 a ralenti la transformation de la viande depuis que tant de travailleurs tombent malades. L'ensemble de l'industrie se réorganise. Ces dernières années, les Américains en sont progressivement venus à dépenser plus d'argent pour manger en dehors du foyer que pour manger dans leur propre cuisine. Aujourd'hui, la situation a radicalement changé, ce qui a des répercussions considérables sur la production, car la chaîne d'approvisionnement alimentaire doit transformer ses conditionnements et ses modes de livraison. Le lait qui était conditionné dans de petites briques pour les repas scolaires est maintenant nécessaire dans des conteneurs de plusieurs litres qu'une famille consommera ensemble à la maison. Au fur et à mesure que la chaîne d'approvisionnement est modifiée, l'approvisionnement alimentaire est renforcé et, dans le cas du lait, certains producteurs ont été contraints de le jeter et ont vu leur situation financière s'effondrer.

Alors que de plus en plus d'agriculteurs sont confrontés à des difficultés financières croissantes, il est à craindre que les faillites agricoles continuent d'augmenter.

Certains agriculteurs ayant des employés ont profité du programme de protection des salaires pour les aider à combler une partie des manques à gagner auxquels ils sont confrontés. Le plan de relance de 3.000 milliards de dollars récemment mis en place comprend une aide spéciale pour les producteurs laitiers et les producteurs de cultures spécialisées comme les fruits et légumes, ainsi que 16 milliards de dollars supplémentaires sous forme de paiements directs aux agriculteurs. Alors que le plafond s'élève à 250.000 dollars, la plupart des producteurs de céréales recevront beaucoup moins. Pour les producteurs de maïs et de soja, les peiements sont basés soit sur les stocks de grains non tarifés au 15 janvier 2020, soit sur la moitié de votre production moyenne sur dix ans. Selon mes premières estimations, je recevrai environ 15.000 dollars.

Même s'il est adopté, ce nouveau projet de loi ne résoudra pas les problèmes financiers auxquels sont confrontés les producteurs de denrées alimentaires. Les décisions d'exécution et de contrôle des bureaucrates fédéraux ne peuvent pas remplacer les véritables opportunités offertes par des marchés qui fonctionnent. Le seul point positif dans le tableau économique de l'Amérique rurale est l'achèvement de la première phase de l'accord commercial entre les États-Unis et la Chine, avec la promesse d'une augmentation de la demande chinoise pour les produits américains. Bien que l'on s'inquiète du respect par la Chine de ses engagements d'achat en raison des troubles économiques et des tensions concernant la source du Covid-19 et des mesures de répression à Hong Kong, les récents achats de maïs ont donné un certain espoir.

J'apprécie l'aide du gouvernement fédéral, mais je souhaite qu'elle soit temporaire. Ce dont nous, les producteurs, avons besoin, c'est de marchés fonctionnels et ouverts. Je veux faire pousser mes cultures et vendre ma production à des acheteurs consentants. Je veux faire du commerce.

En ce qui concerne le coronavirus, beaucoup de choses sont hors de mon contrôle. En revanche, ce n'est pas le cas de l'agriculture – et je suis donc dans les champs, en train de faire mon travail au début d'une nouvelle saison qui s'annonce confuse.

L'agriculture est une question d'adaptation. Nous avons adapté nos plans en fonction de l'imprévisibilité du temps et des nouvelles possibilités offertes par la science et l'innovation. Les technologies semencières du XXIe siècle ont rendu nos cultures plus résistantes et plus aptes à affronter l'adversité. Sans les technologies innovantes comme la biotechnologie et les produits phytosanitaires, nous nous trouverions dans une position plus difficile, en amont et en aval de la chaîne alimentaire. Aujourd'hui, nous nous adaptons à un monde soudainement assailli par le nouveau coronavirus.

Peu importe ce à quoi nous sommes confrontés, nous ferons le travail. Si notre économie s'enfonce dans une dépression due à la maladie, nous aurons de quoi nous inquiéter. Mais une source fiable de nourriture ne fera pas partie des soucis, grâce aux agriculteurs qui sont dans les champs aujourd'hui.

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* Daniel Kelley

Agriculteur, Illinois, États-Unis d'Amérique

Daniel cultive du maïs et du soja en partenariat avec ses frères et son fils. Il a une longue expérience des systèmes coopératifs agricoles, et a dirigé GROWMARK et CoBank.

Source : https://globalfarmernetwork.org/2020/05/adaptive-agriculture-during-a-global-pandemic/