La façon dont la pandémie de Covid-19 a débuté est-elle vraiment importante ?
Barbara Pfeffer Billauer*
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Image : Michal Jarmoluk de Pixabay
Tout au long de la pandémie de Covid-19, beaucoup de temps d'antenne et d'espace dans les réseaux sociaux ont été consacrés au différend entre les fuites de laboratoire et les débordements naturels concernant l'origine du SARS-CoV-2. Pour résumer brièvement, la question est de savoir si la pandémie a été causée par une fuite provenant d'un laboratoire de niveau de sécurité biologique (BSL) 4 à Wuhan, en Chine, ou si elle est apparue naturellement à la suite du passage d'un virus d'une chauve-souris à un animal, puis à l'homme.
Étant donné que la « vérité » ne sera probablement jamais connue et qu'elle ne peut certainement pas être prouvée, la question qui se pose est la suivante : est-il important d'envisager sérieusement la théorie de la fuite de laboratoire ?
Selon moi, la réponse est un oui franc et massif, mais pas pour la raison que l'on pourrait croire. La question est importante d'un point de vue prospectif et non rétrospectif. Débattre des origines de la pandémie de Covid-19 est une entreprise insensée. En revanche, il est important de se pencher sur les accidents de laboratoire dans leur ensemble, car ils constituent toujours une menace sérieuse pour la biosécurité internationale.
À l'heure actuelle, au moins 42 laboratoires de niveau de sécurité biologique 4 fonctionnent dans le monde, et 18 autres sont en projet. Ces laboratoires effectuent des recherches sur des « agents létaux et exotiques qui présentent un risque individuel élevé d'infections transmises par aérosol et issues d'un laboratoire et de maladies potentiellement mortelles qui sont souvent fatales ». Aux États-Unis, 15 laboratoires de sécurité biologique de niveau 4 (deux nationaux, 13 régionaux) sont opérationnels (sous l'égide du National Institute of Allergy and Infectious Diseases) ou en projet. D'autres laboratoires de niveau BSL-3, qui effectuent des recherches sur des organismes moins toxiques, mais toujours dangereux, abondent. En général, les échantillons du virus de la Covid-19 sont manipulés dans des laboratoires de niveau BSL-3.
En apparence, l'objectif de ces laboratoires est purement défensif. Ils ont pour mission de mener des recherches fondamentales et de poursuivre le développement de nouveaux vaccins et traitements contre ces agents pathogènes. Dix centres universitaires régionaux américains d'excellence ayant accès à ces agents pathogènes ont également été créés pour « mettre au point des traitements et des stratégies thérapeutiques efficaces à partir des résultats de la recherche fondamentale ».
L'histoire récente pourrait suggérer le contraire. Les laboratoires de niveau de biosécurité 4 qui étudient le virus Ebola, par exemple, sont opérationnels depuis plus de vingt ans. Pourtant, ce n'est qu'à la fin de l'épidémie d'Ebola de 2014-2016 qu'un vaccin a été produit – par un laboratoire privé allemand – sur la base des recherches menées par le ministère de la santé publique du Canada. Comme le rappelle un chercheur, « personne ne s'intéressait à Ebola » jusqu'à un accident de laboratoire survenu en 2009, lorsqu'une chercheuse allemande travaillant sur Ebola dans un laboratoire de niveau de sécurité 4 s'est accidentellement piqué le doigt. En d'autres termes, des recherches ont été menées (qui sait pourquoi), sans qu'il existe de « traitement approuvé ni de prophylaxie post-exposition (PPE) [...] pour la fièvre hémorragique à virus Ebola ».
Cela ne veut pas dire que ces laboratoires développent des armes biologiques. Diverses déclarations, protocoles, conventions et accords internationaux interdisent leur développement et leur conception, le plus complet étant la Convention sur les Armes Biologiques (CABT). Toutefois, la convention ne contient aucune disposition restreignant les activités de recherche biologique. Cette lacune rend son application problématique et les abus préoccupants. En outre, « [a]ucune mesure spécifique n'est énoncée dans la CABT pour vérifier le respect de l'obligation de ne pas mettre au point [...] des agents biologiques ou des toxines à des "fins hostiles"[...] [et] les intentions hostiles, comme toutes les autres intentions, ne peuvent pas être vérifiées ». Le risque d'accidents de laboratoire liés à des activités licites est toutefois plus préoccupant.
Les accidents de laboratoire sont beaucoup plus fréquents qu'on ne l'imagine. Dès 1999, Santé Canada a fait état de plus de 5.000 accidents de laboratoire dans le monde, dont 190 mortels. Au cours de la deuxième décennie de ce siècle, les fuites dans les laboratoires de niveau de biosécurité 3 et 4 aux États-Unis étaient suffisamment fréquentes, même au CDC (où une fuite en 2014 a entraîné l'exposition du personnel à l'anthrax), pour que le Congrès organise des auditions.
Bien que déconcertants, ces faits vont à l'encontre de la théorie selon laquelle une fuite de laboratoire serait l'agent causal de la pandémie de Covid-19. Bien qu'ils ne soient pas rares, le nombre de cas et de décès dus à des accidents de laboratoire est comparativement minuscule. Dans le rapport le plus extrême que j'ai vu, seuls 80 cas et trois décès ont été signalés à la suite de trois incidents distincts de fuites de variole, tous localisés. Dans l'incident du CDC lié à l'anthrax, personne n'est tombé malade. La chercheuse allemande sur le virus Ebola non plus (bien qu'elle ait reçu un prototype de vaccin). Cette situation est difficilement comparable à la pandémie de Covid-19, qui a entraîné des millions de morts et des centaines de millions de cas à l'échelle mondiale. En d'autres termes, le schéma de propagation et de contagion de la Covid ressemble beaucoup plus aux épidémies naturelles passées qu'aux fuites de laboratoire.
Néanmoins, si les éléments de preuve plaident en faveur d'une origine naturelle pour cette épidémie, rien n'exclut qu'un tel désastre se produise à l'avenir. La théorie conventionnelle de la négligence suggère que, puisqu'il est probable qu'une fuite de laboratoire se produise et qu'il est raisonnablement prévisible que des micro-organismes s'échappent (peut-être un micro-organisme conçu pour infecter les humains), des mesures préventives raisonnables s'imposent.
Quelles sont donc ces mesures ?
Des organisations privées, telles que l'Initiative Internationale pour la Biosécurité et la Biosûreté en Science (IBBIS), en collaboration avec l'Initiative sur la Menace Nucléaire (NTI), sont en train d'être créées pour prévenir l'utilisation accidentelle d'agents, notamment en développant de nouveaux outils tels que l'analyse avancée de l'ADN. Néanmoins, les initiatives et les réponses semblent être axées sur l'endiguement rapide après la matérialisation d'une menace.
Bien qu'il existe des recommandations internationales (des « normes » ou des lignes directrices), les protocoles de prévention sont incomplets et facultatifs. Par exemple, il n'existe pas de mesures normalisées concernant la recherche sur le gain de fonction, qui décrit la manipulation de bioagents pour explorer la manière dont ils peuvent infecter les humains. Certains pays et laboratoires ont mis en place des mesures d'autorégulation préventive, qui varient toutefois d'un pays à l'autre. Taïwan s'est engagé avec des partenaires internationaux à réaliser des « évaluations externes conjointes » et a élaboré une législation nationale pour réglementer les laboratoires à haut niveau de confinement. D'autres pays n'ont pas fait preuve de la même diligence.
Je pense qu'une solution consisterait à accorder plus d'attention aux protocoles de prévention – normalisés au niveau international, sur le modèle des exigences en matière d'inspection et de maintenance des réacteurs nucléaires promulguées par l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA), avec des inspections externes obligatoires des laboratoires de niveau de sécurité 3 et 4. Compte tenu des ravages internationaux causés par le virus, il n'est pas improbable que des pays habituellement hostiles aux intérêts américains acceptent des mesures préventives visant à ne pas jeter le blâme. Profitons de cette opportunité.
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* Le Dr Barbara Pfeffer Billauer, JD MA (Occ. Health) Ph.D., est professeur de droit et de bioéthique au sein du Programme International de Bioéthique de l'Université de Porto et professeur de recherche sur l'art politique scientifique à l'Institute of World Politics à Washington DC.
Cet article a été initialement publié sur Harvard Law's Bill of Health – Examining the intersection of health law, biotechnology, and bioethics.