« Cause animale » : la délinquance cautionnée dans une tribune dans le Monde – et par le Monde
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Il faut se pincer pour le croire !
Enfin pour ceux qui ont eu, par le passé, des cours d'instruction civique et n'ont pas succombé à une sorte de vision postmoderne du droit, de la légalité et du vivre ensemble.
Le 13 décembre 2019, M. Christophe Castaner, Ministre de l'Intérieur, s'est déplacé dans le Finistère pour y présenter les dispositifs mis en place fin octobre pour lutter contre la délinquance dont sont victimes les agriculteurs, notamment la « cellule Demeter » de la gendarmerie nationale.
À cette occasion, une convention de partenariat a aussi été signée entre le Ministère de l'Intérieur et la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. Un de ses volets consiste à faciliter le partage d'informations pour orienter le travail de la gendarmerie sur le terrain et concevoir de nouveaux modes d'action. Elle fait suite à une convention similaire signée en 2014 (voir par exemple ici).
En l'espace d'un an, 14.500 faits délictueux ont été commis (sans compter ceux qui n'ont pas été dénoncés...) contre des agriculteurs. Cela va du vandalisme et des déprédations aux incendies de bâtiments agricoles (avec mort de bétail) en passant par les vols de matériel (tracteurs, GPS...), ainsi que les agressions verbales et physiques. La filière agroalimentaire, notamment les abattoirs et boucheries, n'est pas non plus épargnée.
Les médias se focalisent sur le volet intrusions dans les élevages
Également en ligne de mire, les intrusions illégales dans les exploitations agricoles. C'est cet aspct qui a surtout retenu l'attention des médias, cornaqués, il est vrai, par une dépêche de l'AFP singulièrement partielle et partiale. L'Obs titre ainsi : « Castaner présente une cellule contre les intrusions dans les élevages », en accord avec la première phrase de la dépêche.
En tout cas, M. Christophe Castaner a déclaré (voir la vidéo du gazouillis reproduit ci-dessus) :
« ...Je suis venu aussi affirmer que nous ne devons pas, nous, Ministère de l'Intérieur, laisser passer ces actions de gens qui considèrent que leur opinion serait la loi et qu'ils pourraient l'imposer à tous. »
Ou encore, selon la dépêche :
« Il y a cette prétention à être des Robins des bois qui s'affranchit de la loi au nom du respect de sa propre volonté [...] Oui, on peut être végétarien, mais on n'a pas le droit d'imposer à quiconque son propre choix »
Avec « L214 dans le viseur de Christophe Castaner ? », l'Obs a choisi de tendre le micro à M. Sébastien Arsac et Mme Brigitte Gothière, fondateurs de l’association L214. L'article est derrière un péage mais il ne doit guère différer quant au fond de l'argumentaire développé sur le site de l'organisation.
C'est « Cellule "Demeter" : le gouvernement veut intimider les associations de défense des animaux », avec en sous-titre, « La FNSEA à la manoeuvre pour maintenir un modèle agricole effroyable ». Il leur est facile de jouer la victimisation par l'amalgame de leurs activités, censées éthiques, avec la criminalité et la délinquance « ordinaire », puisque le ministère a communiqué sur les deux – tout en jouant avec une rhétorique bien rodée sur les autres ressorts émotionnels puissants comme la dénonciation de l'élevage « intensif » ou « industriel » et le FNSEA-bashing.
Le ministère de l'intérieur n'écrit-il pas dans son dossier de presse :
« La nécessité d’appréhender la globalité du phénomène des atteintes au milieu agricole implique que le périmètre de compétence de la Cellule DEMETER englobe la prévention et le suivi :
– des actes crapuleux, qu’il s’agisse d’une délinquance de proximité et d’opportunité (ex : vol isolé de gasoil ou d’outillage, etc.) ou d’une criminalité organisée voire internationale (ex : filière de vol de GPS agricole, etc.) ;
– des actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou physiques. »
Le Monde franchit un pas de plus. Nous écrivons bien « le Monde » car c'est lui qui a décidé – souverainement – de publier une tribune, « "Le gouvernement entend museler les lanceurs d’alerte sur la question animale" », et d'écrire en chapô :
« Défenseurs de la cause animale, l’astrophysicien Aurélien Barrau, la philosophe Florence Burgat et l’écrivain Jean-Baptiste Del Amo estiment dans une tribune que la cellule mise en place par le ministère de l’intérieur pour lutter contre les "atteintes au monde agricole" revient à criminaliser une contestation pacifique et légitime. »
Oui, vous avez bien lu : « contestation pacifique et légitime »... Faut-il ouvrir le catalogue des actions délictuelles ou criminelles dont on sait ou soupçonne qu'elles sont, pour reprendre les termes du Ministère de l'Intérieur, « de nature idéologique » ?
Les trois auteurs écrivent :
« Soigneusement dissimulée derrière les murs des abattoirs et des bâtiments d'élevage intensif, masquée sous une imagerie publicitaire trompeuse et les discours lénifiants de la FNSEA, cette réalité est le plus souvent inaccessible au consommateur. Il n'existe alors nulle autre solution, pour les militants de la défense des droits des animaux, qu'une désobéissance civile consistant à s'introduire dans ces exploitations pour y filmer les pratiques et les manquements à la loi passés sous silence, dont politiques et éleveurs s'accommodent si bien. »
Passons sur la rhétorique infâme et, somme toute, infamante des hyperboles, des insinuations mensongères et de l'attaque de la FNSEA : s'introduire dans des propriétés privées devient pour ces penseurs de génie une « désobéissance civile »...
Pour faire pleurer dans les chaumières, les auteurs nous « expliquent » aussi qu'« aucun de ces militants n'entre par plaisir dans un élevage ou un abattoir pour filmer des animaux en souffrance », qu'ils le font « par pur devoir » et qu'ils en sortent traumatisés par leur expérience.
Si l'on comprend bien, ces entités incorporées sous forme d'associations ne répugnent pas à infliger des traumatismes à des militants pour produire des films et images, largement diffusés par des médias complaisants et sur les réseaux sociaux, ce qui a pour effet de faire affluer les dons... business is business... Est-il éthique de traumatiser des militants, souvent pour des opérations qui restent sans suite judiciaire pour cause d'absence de cause ? C'est là une question intéressante pour une philosophe, n'est-ce pas Mme Florence Burgat (directrice de recherche à l'INRA...) ?
On nous explique aussi que « la FNSEA et le ministre de l'intérieur » – dans cet ordre – « tentent en réalité de justifier la mise en place d'un arsenal répressif sans précédent » et que :
« La menace de sanctions pénales lourdes (peines d'emprisonnement) n'a pas d'autre objectif que de museler les lanceurs d'alerte et de faire taire durablement le débat sur la question du droit des animaux qui ne cesse de prendre de l'ampleur dans notre société et remet profondément en question les modes d'élevage et de production. »
La démocratie française serait donc tombée dans le totalitarisme... faire taire un débat... rien que ça... alors que le Monde et d'autres journaux ouvrent complaisamment et régulièrement leurs colonnes aux thèses animalistes. Il existe même un Parti Animaliste...
Peut-on rappeler aussi que dans un État de droit – ce qu'est encore la France –, les sanctions pénales, lourdes ou pas, sont prononcées par la justice sur la base d'un Code Pénal dont la rédaction, jusqu'à plus ample informé, relève du pouvoir législatif ?
Hâtons nous vers l'envolée lyrique de la conclusion :
« Plus que jamais, les lanceurs d'alerte sont menacés. C'est pourquoi il nous semble nécessaire de reconnaître leur statut afin que rien ne puisse faire entrave à l'accès à l'information, droit élémentaire du citoyen. Il en va de la liberté d'expression dont la légitimité concernant la défense des animaux est reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme comme une question d'intérêt général. »
« ...rien ne puisse faire entrave... » ? Au secours ! 1984 ! Le meilleur des mondes !... Les Gardes Rouges...
Ajoutons encore que le recours à la Cour Européenne des Droits de l'Homme est doublement inopérant pour qui ne se laisse pas abuser. D'une part, ce qui est en cause n'est pas la liberté d'expression, mais des agissements délictueux, voire criminels, dont la sanction est déjà prévue par le Code Pénal. D'autre part, la jurisprudence de la Cour est plus nuancée sur la liberté d'expression, qu'elle concerne ou non « la défense des animaux ».
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