Candidature de Mme Catherine Geslain-Lanéelle à la direction de la FAO : information ou tentative de dézingage par le Monde Planète ?
Et deux conditionnels, deux... Relevons aussi que Mme Catherine Geslain-Lanéelle se serait ainsi engagée par pur opportunisme (Source)
Les États membres de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) éliront le/la successeur du directeur général José Graziano da Silva lors de la 41e session de la Conférence de la FAO qui se tiendra du 22 au 29 juin 2019 à Rome.
Quatre candidats sont en lice après le retrait de M. Médi Moungui (Cameroun) sur, dit-on, l'« aimable invitation » de la Chine – l'effacement d'une dette du pays d'environ 70 millions de dollars : M. Qu Dongyu (Chine), Mme Catherine Geslain-Lanéelle (France, soutenue par l'Union Européenne), M. Davit Kirvalidze (Géorgie) et M. Ramesh Chand (Inde).
Bien évidemment, les candidats font campagne, avec le soutien de leur gouvernement et de leur corps diplomatique. Selon Terre-Net du 12 avril 2019, Mme Catherine Geslain-Lanéelle – qui fut directrice exécutive de l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) de juillet 2006 à août 2013 et prit ensuite de hautes fonctions dans l'Administration française (CV ici ; programme officiel ici) – avait rencontré les représentants de 150 pays et effectué plus de 60 déplacements.
Une ou plusieurs visites à Washington s'imposaient évidemment.
(Source)
Et c'est là que notre histoire commence...
Ils se sont mis à deux, au Monde, M. Stéphane Foucart et Mme Marie Bourreau, pour produire « Favorite pour la présidence de la FAO, la candidate française serait favorable aux OGM et aux biotechnologies », avec en chapô :
« Catherine Geslain-Lanéelle se serait engagée à défendre les intérêts des Etats-Unis pour s’assurer de leur soutien à la tête de l’organisation onusienne pour l’agriculture et l’alimentation. »
Un conditionnel dès le titre... On progresse au Monde Planète ! Le titre, le chapô... et le texte :
« ...la candidate française Catherine Geslain-Lanéelle s’est vue bousculée par la révélation, le 3 juin, par le Guardian, d’un mémo du gouvernement américain détaillant une série de garanties qu’elle apporterait aux Etats-Unis.
Libération en avait produit une le 27 février 2019... (Source)
Le Guardian – homologue britannique du Monde pour la promotion de la « vertitude » – a donc bénéficié d'une fuite pour laquelle il n'y a que deux hypothèses possibles : une faute professionnelle d'un agent de l'administration états-unienne, ou une sorte de dépêche d'Ems de la part du gouvernement états-unien, dont on dit qu'il soutient la candidature du géorgien Davit Kirvalidze.
Il n'y a pas de blé génétiquement modifié dans le commerce et en culture !
Pour ces gens du Guardian et du Monde, Mme Cathrine Geslain-Lanéelle est une renégate. Pensez donc...
« Selon le mémo cité par le quotidien britannique, elle s’est engagée à "ne pas défendre les positions européennes sur la question des biotechnologies et des OGM".
"Elle défendra un projet mondial incluant les intérêts américains", précise le mémo, cité par le Guardian, qui ajoute que la délégation américaine s’est aussi inquiétée de la volonté européenne "d’interdire le glyphosate et de réduire l’usage des herbicides". »
En fait, le Guardian donne plus de détails... et cela permet de vérifier l'honnêteté de l'information du Monde :
« "Elle est fière d’être européenne, de qui elle est et d’où elle vient. Cependant, elle promouvra la FAO dans une perspective mondiale plutôt qu'avec les vues de l'Union européenne ou de la France", a déclaré un mémo interne du gouvernement américain.
"Elle ne défendra pas la position de l'UE sur la biotechnologie et les organismes génétiquement modifiés. Ce n'est pas ce dont l'agriculture a besoin. Elle défendra le projet mondial qui inclut les intérêts américains." »
Plus loin :
« McKinney [sous-secrétaire pour les affaires agricoles commerciales et étrangères] a déclaré à Geslain-Lanéelle que "les choses sont terriblement faussées dans la mauvaise direction" contre la biotechnologie.
"Nous sommes préoccupés par les pressions européennes visant à interdire le glyphosate et à supprimer les herbicides", a-t-il déclaré. […]
Selon le mémo américain, Geslain-Lanéelle a répondu en disant que la diversité des solutions était nécessaire et qu'il était important qu'elles reposent sur des bases scientifiques.
[…]
Lors de la réunion avec des responsables américains, Mme Geslain-Lanéelle a déclaré qu'elle avait adopté la même position en public devant l'UE et qu'elle "réitère son engagement public". »
Le Monde – comme le Guardian – évoque la 161e session du Conseil de la FAO (8-12 avril 2019) dans le cadre de laquelle a été organisée une audition des candidats, le 11 avril.
Pour le Monde, le seul point retenu est que « les auditions des candidats en séance plénière ont mis en évidence une forte tension entre le représentant américain et le candidat chinois », avec un rappel de l'infortune de M. Meng Hongwei, l'ancien président d'Interpol.
Le Guardian, pour sa part, rappelle brièvement les propos tenus par Mme Catherine Geslain-Lanéelle lors du « concours de beauté » :
« La biotechnologie est également très utile [...]. Je soutiendrai les biotechnologies, bien sûr, y compris les OGM et l’édition de gènes. Je pense que c'est important. »
Résumons : ce qui semble être, à la lecture de l'article du Monde, une trahison opportuniste est selon l'article du Guardian une position mûrement réfléchie, constante, clairement annoncée au niveau européen et, pour la partie OGM et biotechnologies en général, énoncée lors de l'audition du 11 avril 2019 (en réponse à M. Gastón Lasarte, Uruguay, qui parlait au nom du groupe des pays de l'Amérique Latine et des Caraïbes – voir ci-dessous).
On peut avoir un immense plaisir en lisant, encore et encore, que Mme Catherine Geslain-Lanéelle a l'intention de faire prévaloir la science et les preuves.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle le confirme du reste au Monde (elle avait fait, précédemment, une déclaration à l'AFP à la suite de l'article du Guardian) :
« "Je ne m'en suis jamais caché : je ne souhaite pas devenir directrice générale de la FAO pour défendre les intérêts d'un Etat quel qu'il soit, ou d'un groupe d'Etats. [...] Je n'ai pas pour ambition d'accaparer la FAO au profit d'intérêts particuliers." Quant à sa position sur les biotechnologies, elle la revendique haut et fort, de même qu'une approche pragmatique. "Je ne crois pas qu'il ait une solution. Il y a beaucoup de solutions, et ce qui compte pour moi, c'est que cette organisation soit le lieu de débats sur les différentes solutions, à partir des faits et de la science. Et qu'évidemment on soit respectueux de la santé et de l'environnement !" "Il ne faut pas nécessairement appliquer au reste du monde ce qui a été fait en Europe. […] Nous avons de nombreux exemples de modèles vertueux développés localement et qu'il faut aider à passer à une plus grande échelle." »
Ce qui n'a pas empêché le Monde d'écrire en chapô de la version papier :
« La candidate française serait prête à endosser les positions des Etats-Unis sur les OGM et les biotechnologies »
et, en encadré, un extrait du mémo interne de l'administration américaine, sans mise en contexte :
« Mme Geslain-Lanéelle défendra un projet mondial incluant les intérêts américains ».
La confrontation des deux textes est du reste édifiante : « endosser les positions des Etats-Unis » ne paraît guère compatible avec « un projet mondial incluant les intérêts américains ».
Dans le Guardian, le texte cité se lit :
« She will defend a global project that includes US interests. »
Pas d'article avant « US interests » ? C'est normalement une forme partitive, « incluant des intérêts américains ».
Mais l'essentiel n'était-il pas de semer le doute sur la candidature de Mme Catherine Lanéelle ?
« Mais, dans certaines chancelleries européennes, on s'étonne des positions de Mme Geslain-Lanéelle, vécues comme un désaveu pour "l'une des politiques agricoles les plus importantes pour Bruxelles ». Signe des divisions sur cette candidature européenne unique portée par la Commission, les pays de l'Est, l'Italie et le Royaume-Uni seraient aussi peu enclins à soutenir la Française. »
Sources ? Et du propos, et de la citation ?
Il n'y a rien dans le Guardian, qui a pourtant servi de base pour l'article du Monde.
Terminons sur une citation de M. Olivier De Schutter, anciennement rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, co-organisateur de la mascarade du « Tribunal International Monsanto » et maintenant président d'IPES-Food (panel international sur les systèmes alimentaires durables – ce n'est pas une organisation intergouvernementale comme le choix de l'acronyme pourrait le faire croire) :
« Nous pensons qu'il faut miser sur l'agroécoloqie. ce qui est très loin de l'approche technologique prônée par l'administration américaine, qui souhaite une industrialisation croissante de l'agriculture. Miser sur la science, sur l'innovation : tout le monde sait ce que ces mots veulent dire. »
Le Guardian a aussi sollicité son avis :
« Olivier De Schutter [...] a déclaré que la note fuitée reflétait la lutte entre la vision américaine de l'agriculture et celle de l'agriculture européenne. "C’est une bataille pour le contrôle de la nourriture dans le monde. Les entreprises américaines restent dominantes dans le secteur de la biotechnologie, qui promeut un modèle d'agriculture industrialisée, et les États-Unis défendent leurs entreprises de produits agrochimiques et de semences. En Europe, l’opinion publique est de plus en plus favorable à une agriculture différente moins dépendante des intrants agrochimiques". »
Nous n'analyserons pas ces gloubi-boulgas... trop déprimant...
(Source)