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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Monsanto et le Parisien : aux racines du soupçon, il y a le soupçon, la mauvaise foi et plus encore (3)

30 Avril 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Glyphosate (Roundup), #Monsanto

Monsanto et le Parisien : aux racines du soupçon, il y a le soupçon, la mauvaise foi et plus encore (3)

 

à propos de « Monsanto et ses "trolls" : aux racines du soupçon »

 

 

Le 19 septembre 2012, la revue Food & Chemical Toxicology mettait en ligne un article de Gilles-ÉricSéralini, Emilie Clair, Robin Mesnage, Steeve Gress, Nicolas Defarge, Manuela Malatesta, DidierHennequin, et Joël Spiroux de Vendômois, Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize (toxicité à long terme d'un herbicide Roundup et d'un maïs génétiquement modifié tolérant au Roundup).

 

Le même jour, un membre du forum de discussion privé AgBioChatter, M. Drew L. Kershen, un professeur de droit produit une première analyse fort pertinente de cette étude et conclut que quelqu'un de scientifiquement crédible doit immédiatement réagir (le courriel est reproduit ici). S'il fait allusion à la nécessité de bien choisir l'auteur afin d'éviter les procès en diffamation, il conclut : « Ce n'est pas une attaque ad hominem ; c'est une défense de l'intégrité scientifique. »

 

Notons que, le lendemain, le toxicologue Gérard Pascal conclut dans le Figaro : « Cela ne vaut pas un clou ». C'est le début d'une longue litanie de critiques.

 

La suggestion de M. Drew Kershen est retenue, mais ce sera pour produire une lettre collective avec 23 signatures.

 

 

Le début de la lettre collective à M. A. Wallace Hayes, rédacteur en chef de Food & Chemical Toxicology.

 

 

Comment écrit-on une lettre collective ?

 

Seize lettres critiques avaient été envoyées à l'éditeur de la revue Food & Chemical Toxicology.

 

Le Parisien a décidé de ne s'intéresser qu'à une seule, en faisant l'impasse sur sa substance (et donc sur l'indigence scientifique de l'étude).

 

En accord avec les théories largement répandues de manœuvres de Monsanto, toutes les autres ont été passées sous silence. Car il est tout de même difficile de faire croire que Monsanto aurait « acheté » tous les critiques, par exemple M. Erio Barale-Thomas qui a signé en tant que président du conseil d’administration de la Société Française de Pathologie Toxicologique (SFPT) ou encore M. Frédéric Schorsch, signant en tant que président du comité exécutif de la Société Européenne de Pathologie Toxicologique (ESTP).

 

C'est toujours sous l'angle conspirationniste :

 

« […] À nouveau, les alliés de Monsanto qui se donnent rendez-vous sur AgBioChatter seront plus royalistes que le roi, comme le montrent de nouveaux documents.

 

La contre-offensive passe cette fois par l’envoi de lettres de scientifiques à la revue qui a publié l’étude pour obtenir sa rétractation, un pas en arrière de l’éditeur qui sonnerait comme un désaveu. Des e-mails divulgués l’an dernier montraient qu’à la date du 26 septembre 2012, la multinationale était assurée du soutien de l’un de ses plus indéfectibles alliés, l’universitaire Bruce Chassy, qui a co-signé l’article de Henry Miller de 2012 dans Forbes. Mais le leader des phytos souhaite que son "réseau d’experts" d’AgBioChatter se mouille, plus largement.

 

Sur le groupe Yahoo, les "experts" peaufinent une lettre collective à la revue, dans l’espoir qu’elle renie le papier de Séralini. Réunissant 25 scientifiques, elle sera diffusée le 7 novembre 2012 sur le site de Food and chemical toxicology. Jusqu’ici, les Monsanto Papers montraient que la firme était au courant dès le 28 septembre de cette lettre, mais qu’elle ne souhaitait pas y être publiquement associée. Les nouveaux documents révèlent que le texte a tourné au sein de l’entreprise et que Monsanto a discuté les modalités de sa diffusion, excluant même sa publication dans un grand quotidien français ! »

 

C'est du grand art ! Vocabulaire, guillemets de dénigrement, insinuations...

 

La lettre a-t-elle été lancée et écrite dans le cadre d'AgBioChatter ou avec son concours ? La suggestion première avait été faite dans ce cadre et il aurait été ballot de ne pas utiliser ce forum...

 

Mais « les Monsanto Papers montraient que la firme était au courant dès le 28 septembre de cette lettre » ? Ben oui, puisque le groupe inclut des membres du personnel de Monsanto ! Des scientifiques rédigent une lettre collective, la partagent avec l'entreprise – laquelle dispose d'un personnel scientifique nombreux, de valeur et forcément compétent sur la question – et prennent en considération ses avis ? Franchement, où est le problème ?

 

On tente aussi le sophisme du déshonneur par association, « ...l’universitaire Bruce Chassy, qui a co-signé l’article de Henry Miller de 2012 dans Forbes » ? Le coordonnateur de la lettre semble avoir été M. Val Giddings (voir le libellé de l'URL !). Nous voilà bien à une des « racines du soupçon ».

 

 

 

 

« ...Mais le leader des phytos souhaite que son "réseau d’experts" d’AgBioChatter se mouille, plus largement » ? La seule référence pertinente est un échange entre MM. William Neydens et Eric Sachs, ce dernier plaidant la prudence :

 

« Je ne conteste pas que Monsanto devrait défendre notre science – nous devrions absolument le faire et l'avons fait. Il y a une différence entre la défense de la science et la participation à un processus formel tendant au retrait d’une publication qui remet en cause la sécurité de nos produits.

 

Nous ne devrions pas fournir de munitions à Séralini, aux critiques des OGM et aux médias leur permettant d'accuser Monsanto d’utiliser sa puissance pour obtenir le retrait de ce papier. Les informations que nous avons fournies établissent clairement les lacunes de l’étude telle que rapportée et font valoir que le papier n'aurait pas dû passer avec succès l'examen par les pairs.

 

Nous avons fait notre part. Il est temps que le secteur public, et plus particulièrement notre réseau d’experts, fasse le leur. »

 

Ce courriel étaye-t-il la thèse du Parisien ? À vous de juger.

 

 

 

 

« "Punir" le directeur de la revue » ?

 

C'est l'intertitre sous lequel ont été produits les éléments que nous venons d'analyser. Compte tenu de la teneur générale de l'article, le lecteur est incité à croire que c'est Monsanto qui a/aurait voulu « punir » M. A. Wallace Hayes, le rédacteur-en-chef de F&CT.

 

Il n'en est rien.

 

D'une part, un courriel de M. William Neydens (non exploité par la mouvance alter et anti... et pour cause, pas dans le sens de la théorie) montre qu'il y a eu des contacts – a priori – cordiaux entre Monsanto et M. Wallace Hayes.

 

 

 

 

D'autre part, le Parisien fournit des éléments de ce qui s'est réellement passé. Mais, c'est à nouveau après définition d'un « angle » :

 

« Les nouveaux documents révèlent que le texte a tourné au sein de l’entreprise et que Monsanto a discuté les modalités de sa diffusion, excluant même sa publication dans un grand quotidien français ! »

 

Monsanto a discuté ? M. Eric Sachs a envoyé un courriel le 30 septembre 2012...

 

Des éléments de ce courriel sont reproduits par le Parisien :

 

« Plusieurs sur Chatter (AgBioChatter, ndlr) demandent que la lettre écrite par 25 scientifiques soit partagée publiquement et mise à profit. La suggestion la plus récente est de la traduire et d’essayer de la faire paraître dans Le Monde [ma note : voir ci-dessous] Il y a une petite cohorte sur Chatter qui veut “punir Hayes” mais ça manque de vision. […] J’exhorte le groupe Chatter à être patient. »

 

M. Eric Sachs a-t-il été prescriptif ou directif, au point d'exclure « même sa publication dans un grand quotidien français ! » (notez le point d'exclamation) ? Il y a un paragraphe qui a été opportunément omis par le Parisien :

 

« Je suis partagé. Si diffuser largement la lettre est susceptible de compromettre sa publication dans la revue, alors il serait préférable de s'abstenir. Si, d'un autre côté, elle amènerait Hayes et Elsevier à retirer l'article, alors cela devrait être fait immédiatement.Quel est votre avis ? J'ai demandé à Val [Giddings] d'exhorter BIO à ne pas agir avant que j'aie obtenu des avis. Il est important de faire le bon choix. »

 

 

 

 

 

Cette partie se termine par un commentaire du Parisien :

 

« Stratégie payante : l’article de Séralini sera effectivement retiré. »

 

On peut appeler cela la stratégie du soupçon, voire de l'insinuation. Comme si le retrait de l'article de F&CT avait été motivée par les seuls efforts d'une partie des membres d'AgBioChatter, laquelle est qualifiée en intertitre d'« association de détracteurs » (la ressemblance avec une autre expression étant sans nul doute (ironie) fortuite).

 

« En France, AgriBio "chasse les fake news" »

 

Cette partie honore M. Gaël Lombart, en ce qu'il ne s'est pas limité à exploiter la « littérature » anti-Monsanto et anti-glyphosate.

 

Mais comment cela est-il perçu par les lecteurss non avertis sous le titre général « Monsanto et ses "trolls" : aux racines du soupçon » ? Par volonté délibérée ou manque de jugement, c'est du dénigrement implicite.

 

 

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O
Si je comprends bien, l'expression "réseau d'experts" du courrier de Monsanto se réfère à toutes les agences publiques d'évaluation et le "notre" semble être malheureux. Je suis naïf ou bien le rédacteur du Parisien est léger dans ses accusations.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Je ne suis pas de votre avis. "Notre réseau d'experts" s'entend à mon sens des gens avec lesquels Monsanto était/est habituellement en contact.<br /> <br /> <br /> Dans mes fonctions officielles et syndicales passées, j'avais aussi "mon" "réseau". Quoi de plus naturel ?