Les avantages du glyphosate sur le plan de la durabilité : une étude ontarienne montre une augmentation des rendements et une réduction de l’utilisation des herbicides de 39 à 70 %
Robert Saik et Christopher Dufault*
De nos jours, nous sommes exposés à de nombreuses informations négatives, unilatérales et inexactes dans les médias et en ligne sur un herbicide appelé glyphosate, souvent vendu sous le nom commercial de Roundup.
Nous interagissons régulièrement avec les agriculteurs et les organisations agricoles. Nous comprenons leurs préoccupations concernant la durabilité économique et leur intérêt pour la gestion de l'environnement. Et nous comprenons la précieuse contribution des progrès technologiques à l’amélioration de la durabilité de l’agriculture. Désormais, les groupes ayant un agenda cherchent à retirer l’une des technologies les plus utiles à l’agriculture, le glyphosate, et à mettre un terme à son utilisation par le biais de campagnes de désinformation alarmistes bien orchestrées.
Mais que nous disent les enquêtes gouvernementales et les décisions réglementaires ? Pour comprendre la véritable histoire, nous nous tournerons vers un excellent ensemble de données du Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires Rurales de l’Ontario (MAAARO), au Canada, sur les tendances au fil du temps de l’utilisation des pesticides et sur les dangers et les risques liés aux pesticides. Ces données, collectées selon une méthodologie stable, nous permettent d’en apprendre davantage sur l’impact de l’évolution des pratiques agricoles sur l’environnement et sur les personnes travaillant dans l’agriculture.
Dans cet article, nous traiterons de :
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Réduction globale de la quantité d'herbicide utilisée en Ontario dans la production de maïs et de soja ;
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Utilisation accrue du glyphosate et ses avantages par rapport aux autres herbicides remplacés par le glyphosate ;
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Réduction des dangers et des risques liés à l’utilisation du glyphosate, sur la base d’indicateurs appelés respectivement quotient d’impact sur l’environnement (QIE) et impact sur l’environnement (IE) ; et
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Réévaluations positives de la sécurité du glyphosate par les principaux régulateurs de pesticides dans le monde.
Au cours des dernières décennies, l’Ontario a mené tous les cinq ans une enquête auprès des agriculteurs sur leur utilisation de pesticides, notamment des herbicides, des insecticides et des fongicides. L'enquête la plus récente date de 2013-2014. Aujourd'hui, nous nous concentrerons sur ce que cette enquête nous dit sur les tendances dans l'utilisation des herbicides pour le maïs et le soja en Ontario.
Entre 1983 et 2013, la quantité totale d'herbicides utilisée pour le maïs-grain en Ontario a diminué de 39 % (figure 1). Cette réduction est principalement due à l'utilisation accrue du glyphosate, qui est appliqué à un taux inférieur de matière active (ma) par acre par rapport aux herbicides qu'il a remplacés, passant de 1 % à 54 % de la quantité de tous les herbicides utilisés pour le maïs-grain au cours de cette période. En outre, la diminution de la quantité totale d'herbicides utilisée s'est produite malgré une augmentation de 11 % de la superficie consacrée au maïs-grain (figure 1).
Figure 1. Quantité d'herbicides utilisée pour le maïs-grain et superficie cultivée en Ontario de 1983 à 2013. Tiré des données du MAAARO par Dufault et Saik. [1 acre = 0,4047 hectare].
Au cours de cette même période de 30 ans, le rendement par hectare de maïs-grain a augmenté de 74 % (figure 2). Et en raison de la combinaison de la quantité réduite d'herbicide utilisée par acre et de l'augmentation du rendement, la quantité de matières actives de tous les herbicides utilisés, ramenée au boisseau produit, a diminué de 70 % (figure 2).
Figure 2. Rendement du maïs-grain et quantité d'herbicides utilisée par 10.000 boisseaux en Ontario de 1983 à 2013. Tiré des données du MAAARO par Dufault et Saik. [1 bu/ac = 62,77 kg/ha ; 10.000 bu = 2.540 quintaux].
Pour le soja, il y a aussi une bonne nouvelle. Entre 1983 et 2013, malgré une augmentation massive de 188 % de la superficie consacrée au soja en Ontario, la quantité totale d'herbicides utilisée n'a augmenté que de 47 % (figure 3). Comme dans le cas du maïs-grain, cela est dû en grande partie au remplacement, par le glyphosate, d’autres herbicides utilisés à des doses plus élevées ; l'utilisation du glyphosate est passée de 2 % à 82 % de tous les herbicides utilisés pendant cette période (figure 3).
Au cours de cette même période de 30 ans, le rendement du soja a augmenté de 53 % (figure 4). Et la quantité de matières actives de tous les herbicides utilisés par boisseau produit a diminué de 67 % (figure 4).
Figure 3. Quantité d'herbicides utilisée pour le soja et superficie cultivée en Ontario de 1983 à 2013. Tiré des données du MAAARO par Dufault et Saik.
Figure 4. Rendement du soja et quantité d'herbicides utilisée par 1.000 boisseaux en Ontario de 1983 à 2013. Tiré des données du MAAARO par Dufault et Saik. [1 bu/ac = 67,25 kg/ha ; 1.000 bu = 272,2 quintaux]
D'un point de vue agronomique, le glyphosate a été qualifié d'herbicide « du siècle ». Étant un herbicide à large spectre, il contrôle pratiquement toutes les espèces de mauvaises herbes et a été utilisé principalement en association avec des cultures tolérantes à cet herbicide depuis leur première apparition au milieu des années 1990. Le glyphosate élimine également en grande partie la nécessité d'appliquer à plusieurs reprises de multiples matières actives herbicides à spectre limité qui seraient autrement nécessaires pour contrôler toutes les espèces de mauvaises herbes présentes. Non seulement ces autres herbicides ont généralement des profils de danger/risque plus défavorables (voir ci-dessous), mais ils sont souvent plus phytotoxiques. Les dommages aux cultures qui en résultent réduisent les rendements, contrairement au glyphosate utilisé dans les cultures tolérantes à cet herbicide. Des économistes ont estimé que si le monde cessait de produire des cultures génétiquement modifiées tolérantes à des herbicides en l'absence de glyphosate, la perte annuelle de revenu agricole serait de 6,76 milliards de dollars et la production de soja, de maïs et de canola diminuerait considérablement.
L'adoption généralisée du glyphosate a également entraîné une diminution du travail du sol, les agriculteurs ayant adopté des systèmes sans labour ou des techniques culturales simplifiées. Cela a de profondes implications car la réduction du travail du sol signifie une réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant à la fois de la réduction de l'utilisation de carburants fossiles et de la réduction de la décomposition de la matière organique du sol. En outre, cela se traduit par une amélioration de l'état physique du sol qui permet d’améliorer la capacité de rétention de l’eau et d’améliorer la santé des sols.
D'après les données qui viennent d'être citées, il est évident que la quantité d'herbicides utilisée pour produire du maïs-grain et du soja a diminué en Ontario en raison de la substitution du glyphosate à d'autres herbicides importants utilisés à des doses plus élevées.
Mais un taux d’application plus faible se traduit-il également par une réduction des risques ?
Parallèlement aux résultats de l'enquête sur l'utilisation des pesticides, l'Ontario a également publié un rapport sur le risque environnemental associé à l'utilisation de pesticides. Ce rapport utilisait un quotient d'impact environnemental (QIE) pour estimer le danger associé à l'utilisation de chaque pesticide relevé dans l'enquête. Essentiellement, le QIE est un indicateur du potentiel d'un pesticide à causer des dommages. Les QIE pour différents pesticides peuvent être comparés et plus leur valeur est élevée, plus les dommages éventuels sont importants pour les travailleurs agricoles, les consommateurs et les écosystèmes.
On trouve différentes manières de calculer un QIE dans la littérature. Le QIE particulier utilisé par l'Ontario dans cette étude est calculé à partir de valeurs portant sur 12 facteurs différents tirés des tests de sécurité menés sur les pesticides en laboratoire et sur le terrain. En bref, ils comprennent des mesures de toxicité à court et à long terme chez les animaux de laboratoire, la demi-vie, le caractère systémique ou non chez les plantes (tendance à circuler dans les tissus végétaux), le lessivage et le ruissellement, et la toxicité chez plusieurs espèces non cibles animales.
Le QIE rapporté pour le glyphosate a été calculé à tout juste 15,3, ce qui représente le dixième plus petit QIE de toutes les matières actives de pesticides de l'enquête [ma note : le QIE le plus bas est à 8,0 (kaolin et sels/bicarbonate de potassium) ; le plus élevé cité dans cette étude est le parathion à 69,6 ; le sulfate de cuivre n'est pas loin, à 61,9]. De plus, le glyphosate a partiellement remplacé l’utilisation d’herbicides ayant des QIE plus élevés, notamment l’atrazine (QIE = 22,9) pour le maïs et le métolachlore/s-métolachlore (QIE = 22,0) pour le maïs et le soja, ce qui signifie qu’il est moins dangereux que ces herbicides. Ce faible QIE du glyphosate n’est pas surprenant, car il a « une toxicité aiguë inférieure à celle de produits chimiques courants tels que le chlorure de sodium (sel de cuisine) ou l’aspirine ».
Alors, qu'en est-il du risque ? Cela peut être appelé impact sur l'environnement (IE) et est essentiellement un risque (QIE) multiplié par l'exposition (c'est-à-dire la quantité utilisée). Non seulement le glyphosate a un QIE inférieur à celui des principaux herbicides mentionnés ci-dessus, mais il est également recommandé en Ontario à un taux d'utilisation par acre inférieur à celui des autres herbicides lorsqu'ils sont appliqués seuls. L’étude ontarienne a calculé les IE pour l’utilisation du glyphosate dans l’ensemble de la province ; nous l’avons fait par acre. La combinaison des facteurs – faible QIE et doses inférieures – signifie que l'IE pour le glyphosate par acre de maïs-grain, par exemple, est inférieur d'environ 60 % à celui des principaux herbicides qu'il remplace (figure 5).
Figure 5. Impact environnemental (c'est-à-dire risque) par acre du glyphosate et de deux autres herbicides pour le maïs-grain en Ontario. Données de base : QIE du MAAARO x doses recommandées en Ontario de ces herbicides appliqués seuls. Établi par Dufault et Saik. [Les proportions sont les mêmes si on calcule en hectares.]
Donc, tout ce qui précède est une bonne nouvelle pour les producteurs et l'environnement. Mais les critiques, dont certains pourraient reconnaître les avantages du glyphosate sur le plan de la durabilité, soulignent le tristement célèbre rapport de 2015 du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui a classé le glyphosate « probablement cancérogène pour l'homme » – une évaluation de danger plutôt que des risques ; quasiment isolé dans la communauté scientifique internationale, le classement suggère que l'herbicide présente des risques pour l'homme lorsqu'il est utilisé de manière appropriée.
Ce rapport a suscité beaucoup de controverses, comme en témoignent les nombreux points de vue divergents que l'on peut trouver dans la communauté scientifique. Nous dirons simplement ceci :
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Le rapport du CIRC ne tenait compte que des données publiées sur la toxicité du glyphosate.
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Le rapport du CIRC est une évaluation du danger et ne s'étendait pas à une évaluation des risques pour la santé qui tiendrait compte de la façon dont le glyphosate est utilisé. N'oubliez pas : danger x exposition = risque.
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Les régulateurs de pesticides de chaque pays dans lequel le glyphosate est enregistré ont accès à des ensembles de données beaucoup plus substantiels et pertinents que le CIRC. Par exemple, en plus d’examiner et de valider les données publiées, ces organisations examinent également le vaste corpus d’études toxicologiques effectuées par les entités demandant une autorisation de mise en marché, en utilisant des protocoles validés au niveau international. Ces études doivent également respecter les directives rigoureuses sur les bonnes pratiques de laboratoire (BPL) telles que celles de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE).
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Les organismes de réglementation mettent à jour leurs évaluations de tous les pesticides enregistrés à intervalles réguliers ; le Canada et les États-Unis le font tous les 15 ans. Et pratiquement tous les organismes de réglementation des pesticides dans le monde, qui ont récemment mis à jour leurs études sur le glyphosate, ont confirmé son innocuité et ont renouvelé son homologation, ce qui contraste avec l’évaluation du CIRC selon laquelle le glyphosate est « probablement cancérogène pour l'homme ».
Voici un petit échantillon de ce que certains de ces organismes de réglementation ont publié :
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En mars 2017, l'Agence Européenne des Produits Chimiques a annoncé sa conclusion que le glyphosate n'était pas classé comme cancérogène.
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Dans son projet de document « Revised Glyphosate Issue Paper: Evaluation of Carcinogenic Potential » (document de travail révisé sur le glyphosate : évaluation du potentiel cancérogène) du 12 décembre 2017, l'Agence Américaine de Protection de l'Environnement a déclaré avoir examiné près de 170 études épidémiologiques, de cancérogénicité chez l'animal et de génotoxicité, et que les données disponibles n'étayent pas un processus cancérigène pour le glyphosate.
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Le 28 avril 2017, l'Agence de Réglementation de la Lutte Antiparasitaire (ARLA) du Canada a indiqué qu'il est « peu probable qu’il présente un risque de cancer pour les humains ». En expliquant pourquoi ses conclusions différaient de celles du CIRC, l'ARLA a déclaré que « le niveau d’exposition humaine, qui détermine le risque réel, n’a pas été pris en compte par le CIRC ». L'ARLA a renouvelé l'homologation du glyphosate au Canada avec seulement des modifications mineures à apporter aux étiquettes.
Bien que la superficie et le rendement du maïs et du soja aient augmenté en Ontario depuis 1983, l’impact environnemental global de l’utilisation d’herbicides par acre a diminué en grande partie parce que le glyphosate a remplacé d’autres produits chimiques majeurs plus nocifs.
Cette réduction du risque est due au fait 1) que le glyphosate est moins dangereux, sur la base du QIE, par rapport à ces autres herbicides, et 2) que le glyphosate est utilisé à une dose inférieure. Les principaux organismes de réglementation, comme l’ARLA du Canada, ont récemment reconfirmé l’innocuité du glyphosate et ont renouvelé son homologation.
Le glyphosate a joué un rôle clé en permettant à de nombreux agriculteurs de parvenir à un excellent contrôle des mauvaises herbes dans les cultures tolérantes à cet herbicide tout en adoptant le sans-labour ou des techniques culturales simplifiées. Cette réduction du travail du sol a des incidences positives sur l'environnement en termes de santé du sol, de capacité de rétention de l'eau et de bilan des gaz à effet de serre.
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* Christopher P. Dufault est un agronome professionnel et ancien chef de la Section de la Réévaluation et de l'Analyse de l'Utilisation de l'Agence de Réglementation de la Lutte Antiparasitaire du Canada. À l'heure actuelle, il est coach principal chez Agri-Trend et directeur de Christopher P. Dufault & Associates Inc., basé à Ottawa, en Ontario, au Canada. Vous pouvez lui écrire à Christopher.dufault@cantab.net
Robert Saik, agronome professionnel et consultant agricole agréé, est le fondateur d'Agri-Trend et le directeur de Saik Management Group Inc., basé à Olds, en Alberta, au Canada. Vous pouvez lui écrire à Rob@RobertSAIK.com. Suivez-le sur Twitter @Rsaik
Ni l'un ni l'autre n'ont travaillé pour un fabricant de glyphosate.