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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Ammoniac : pollution atmosphérique... pollution médiatique...

20 Décembre 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information

Ammoniac : pollution atmosphérique... pollution médiatique...

 

À propos d'un article publié dans le Monde Planète

 

 

C'est encore d'un article du Monde Planète qu'il s'agit ici, cette fois sous la plume de M. Stéphane Mandard, qui se présente ainsi sur sa page Twitter : « Journaliste @lemonde.fr. Après avoir traqué la duperie dans le sport, j'élargis à la #Planète. » Le militantisme est proclamé.

 

« ...duperie » ? C'est le cas de son « L’agriculture intensive est responsable d’une pollution "très largement sous-estimée" » du 5 décembre 2018 sur la toile, repris dans le journal papier daté du 7 décembre 2018 sous une forme modifiée et avec un titre plus prudent et moins propagandiste – « L'ammoniac, une pollution sous-estimée ». Mais ce qui n'est pas dans le titre est ici dans le sous-titre : « Une cartographie inédite met en lumière les émissions liées à l'agriculture intensive ».

 

L'occasion de cette mise en cause de l'agriculture « intensive » a été donnée par un article publié le... 5 décembre 2018 dans Nature, « Industrial and agricultural ammonia point sources exposed » (sources ponctuelles d'ammoniac industriel et agricole exposées) de Martin Van Damme, Lieven Clarisse et al., de l'Université libre de Bruxelles (ULB), Service de Chimie Quantique et Photophysique, Atmospheric Spectroscopy.

 

Citons du Monde Planète (version électronique) :

 

« Pour générer cette carte de la répartition (au kilomètre carré près) du NH3 dans l’air, les chercheurs ont exploité les données journalières relevées pendant près de dix ans par un sondeur atmosphérique infrarouge développé par le Centre national d’études spatiales, et embarqué dans un satellite. Ils ont ainsi repéré et catégorisé 248 sources localisées (de diamètre inférieur à 50 kilomètres) de NH3 dont les deux tiers étaient passées sous les radars jusqu’à présent. La plupart de ces « hotspots » – foyers – sont liés à l’agriculture : 83 correspondent à des fermes d’élevage intensif et 130 à des usines d’engrais. »

 

 

 

 

On notera que, selon la version papier,

 

« En analysant des mesures réalisées par satellite entre 2008 et 2016, des chercheurs du CNRS – ma note : il n'y en a qu'une avec une affiliation unique au CNRS, Mme Juliette Hadji-Lazaro – et de l'Université libre de Bruxelles ont élaboré la première cartographie mondiale de l'ammoniac atmosphérique (NH3). »

 

C'est faux ! Une duperie si vous voulez... Le monumental « Ammonia in the atmosphere: a review on emission sources, atmospheric chemistry and deposition on terrestrial bodies » (ammoniac dans l'atmosphère : une revue des sources d'émission, de la chimie atmosphérique et des dépôts sur les corps terrestres), de Sailesh N. Behera et al. (2013), nous en propose une autre. Elle est issue de travaux de, fondamentalement, la même équipe que celle qui vient de publier dans Nature.

 

 

La carte publiée dans Behera et al.

 

 

Mais ce n'est que péché véniel. Les usines d'engrais – plus de la moitié des « hotspots » identifiés (130 sur 248) – produisent des engrais (azotés) pour (presque) toutes les formes d'agriculture, « intensive » ou non – y compris la « vertueuse » agriculture biologique qui les utilise sous une forme « blanchie », passée par l'estomac des animaux élevés en « conventionnel ».

 

Et comment justifier la mise en cause de l'agriculture « intensive » quand le premier « hotspot » est la vallée du Gange ? De la version papier :

 

La région du monde la plus touchée est la vallée du Gange, avec des émissions de NH3 à 475 kilos par seconde. Cette zone, qui inclut le Pakistan et le nord de l’Inde, combine élevage et agriculture intensifs et usines de production d’engrais. Avec 0,81 kg/s, les méga-fermes de Bakersfield et Tulare (Californie) et leurs centaines de milliers de vaches sont la source agricole la plus importante. L’industrie la plus polluante se situe en Ouzbékistan, où le complexe de fabrication d’engrais de la vallée de Ferghana, une région d’agriculture intensive, rejette 0,75 kg/s.

 

De l'élevage intensif dans la vallée du Gange ? Première nouvelle !

 

Mais reprenons le problème à la base. Notre Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME) affirme :

 

« Les émissions d’ammoniac, qui contribuent à la formation de particules fines et à l’eutrophisation des milieux, sont à 94 % dues à l’agriculture.

 

[…]

 

L’ammoniac (NH3) est un composé chimique émis par les déjections des animaux et les engrais azotés utilisés pour la fertilisation des cultures. »

 

C'est toute l'agriculture, et pas seulement l'agriculture « intensive ». Tous les animaux (y compris les humains quand il ne font pas dans l'eau potable...), pas seulement les animaux des « méga-fermes ». Notons aussi que la majeure partie de cet ammoniac retombe sur le sol, où il devient un fertilisant pour la végétation (sauf, evidemment, sur les surfaces que nous avons « artificialisées ») et, pour Madame ADEME, un contributeur à l'eutrophisation, non pas des « milieux », mais des lacs et rivières.

 

L'un des auteurs est cité à l'appui d'un appel à une meilleure gestion des impacts de la pollution par l'ammoniac qui passerait par une « "révision complète" des émissions de ce gaz en y intégrant l'observation spatiale » – lire : son laboratoire. C'est bien fumeux comme raisonnement... Et le masochisme point :

 

« L'enjeu est pourtant de taille. Avec plus de 700 000 tonnes par an, la France est le premier émetteur d'ammoniac de l'Union européenne. »

 

La France est aussi (encore) le premier pays agricole européen, ceci expliquant en grande partie cela...

 

Nous avons donc une solution évidente pour gérer les impacts de la pollution : réduisons notre production agricole... et alimentaire... par une nouvelle taxe qui viendrait s'ajouter à tout ce qui pèse déjà sur elle. C'est en gros ce que suggère M. Stéphane Mandard, à l'insu de son plein gré, dans la version électronique de son article :

 

« Voilà une étude qui pourrait inspirer un nouveau slogan aux "gilets jaunes" : "Taxez le bétail, pas (seulement) les carburants !" Un article, publié mercredi 5 décembre dans la très sérieuse revue scientifique Nature, montre en effet que l’élevage intensif est à l’origine d’une pollution largement sous-estimée à l’échelle de la planète : l’ammoniac. »

 

Il faut croire que quelqu'un s'est rendu compte de l'imbécillité et de l'ignominie d'une telle saillie. Elle n'a pas été reprise dans la version papier... Tout n'est pas encore perdu au Monde Planète.

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M
Stéphane Horel, Stéphane Foucard, Stéphane Mandard, il y a un problème avec les Stéphane au monde planète.
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S
Bonjour (douar)<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Je ne sais pas pour Stéphane Hessel. C'était quand même un autre calibre. Il ne se serait jamais laissé allé à se faire le mercenaire du Corporate Europe Observatory ou des avocats prédateurs états-uniens.
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> S'il n'y avait que les Stéphane...
D
Et le vénérable Stéphane Hessel n'aurait pas dépareillé dans l'équipe.