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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La pomme de terre génétiquement modifiée permettra de réduire l'utilisation de pesticides et d'arrondir les poches des agriculteurs ougandais

6 Février 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Afrique, #Agronomie, #Santé publique

La pomme de terre génétiquement modifiée permettra de réduire l'utilisation de pesticides et d'arrondir les poches des agriculteurs ougandais

 

Isaac Ongu*

 

 

Hélas... voir article précédent...

 

La récolte de Friday Herbert est catastrophique malgré l'utilisation de fongicides. Photo Isaac Ongu.

 

La population urbaine en pleine expansion de l'Ouganda a développé un goût pour les frites, ce qui a fait grimper la demande de pommes de terre et fait de ce légume la cinquième culture la plus importante du pays après les bananes, le manioc, le maïs et la patate douce.

 

Mais la plupart des Ougandais qui avalent des pommes de terre frites n'ont aucune idée du fait que les producteurs de pommes de terre du pays traitent leurs champs avec des produits chimiques jusqu'à six fois par campagne afin de combattre le mildiou. La maladie dévastatrice des plantes, causée par le pathogène Phytophthora infestans, est le principal facteur limitant la production nationale de pommes de terre. À moins de traiter avec des fongicides chimiques, les agriculteurs risquent d'obtenir des rendements nuls, ce qui signifie que les Ougandais urbains devraient se passer de leur nouvelle nourriture de rue favorite.

 

Mais le manque de frites est de la petite bière comparé aux effets de tous ces traitements sur les agriculteurs de subsistance qui produisent des pommes de terre en Ouganda. Ils consacrent les deux tiers de leurs investissements en intrants aux produits chimiques – de l'argent qui pourrait être utilisé autrement, pour des engrais ou des plants de qualité. Il y a aussi le problème de la santé humaine et environnementale. Une étude de 2015 publiée dans Biomed Research International Journal a montré qu'en raison des faibles niveaux d'alphabétisation, 91 % des agriculteurs ne comprennent pas les étiquettes d'information sur la toxicité de leurs emballages de produits chimiques.

 

 

Solution trouvée

 

Heureusement, une solution peut être à portée de main. Des scientifiques de l'Organisation Nationale de Recherche Agricole (NARO) et du Centre International de la Pomme de Terre (CIP) ont mis au point une nouvelle variété potentielle nommée 3R Vict 1. Cette nouvelle pomme de terre a été obtenue à partir de Victoria, une des variétés préférées des agriculteurs, mais qui est aussi la plus sensible au mildiou.

 

La 3R Vict 1 est le résultat de l'isolation de trois gènes de résistance au mildiou dans une espèce de pomme de terre sauvage et de leur transfert dans la pomme de terre Victoria par génie génétique. Selon le Dr Alex Barekye, un scientifique chevronné de la NARO, les gènes ont été trouvés dans une pomme de terre sauvage étroitement apparentée à la pomme de terre cultivée et auraient pu être transférés par sélection conventionnelle. Mais cela prend du temps.

 

« Nous avons choisi le génie génétique plutôt que la sélection conventionnelle en raison de sa précision et de sa capacité à conserver intactes les qualités des variété préférées des agriculteurs », a déclaré M. Barekye. « Il faudrait très longtemps, plus de 20 ans, pour produire une variété résistante au mildiou par des moyens conventionnels. »

 

Les premiers résultats ont été prometteurs.

 

« Pendant trois campagnes d'essais en champ confiné à l'Institut zonal de recherche agricole et de développement Kachwekano à Kabale, 3R Vict 1 a montré une résistance complète au mildiou et n'a eu besoin d'aucune goutte de fongicide », a déclaréAndrew Kiggundu, chercheur principal de la NARO sur le projet pomme de terre.

 

 

Une nouvelle variété suscite les espoirs des agriculteurs...

 

Friday Herbert est un producteur de pommes de terre qui a participé aux essais dans le village de Kachwekano. Il trouve la promesse d'une pomme de terre qui n'a pas besoin d'être traitée captivante.

 

« Nous traitons toujours nos champs avec des pesticides si nous voulons avoir une production », a-t-il déclaré. « Les produits chimiques sont chers ; parfois, nous ne pouvons nous permettre de traiter qu'une ou deux fois. Nous attendons avec impatience que cette variété soit mise à notre disposition. »

 

Dans le carré de pommes de terre d'Herbert, des taches de feuilles atteintes étaient clairement visibles, même après avoir été traitées. Les preuves de la culture des traitements des agriculteurs locaux sont visibles dans la vétusté de son pulvérisateur à dos et dans les sachets vides de fongicide chimique qui jonchent les abords de son habitation.

 

Bien qu'il n'ait pas encore accès à cette nouvelle variété, Herbert sait déjà comment il dépensera l'argent qu'il utilise actuellement pour les produits chimiques.

 

« L'argent que j'épargnerai sur la dépense chimique quand je commencerai à cultiver cette nouvelle variété de pomme de terre m'aidera à acheter plus de terres pour augmenter ma production de pommes de terre, acheter des vaches et payer les frais de scolarité de mes quatre enfants ».

 

 

...mais n'inquiète pas les vendeurs de produits chimiques

 

Mais les gains potentiels pour les agriculteurs comme Herbert pourraient signifier une perte pour les vendeurs de produits chimiques comme Alex Masaba, qui vend des fongicides aux producteurs de pommes de terre et de tomates. Masaba, cependant, ne semble pas s'inquiéter à la perspective qu'une nouvelle variété de pomme de terre puisse le mettre en faillite.

 

« Tant que l'agriculture continuera à empiéter sur les habitats des insectes et autres micro-organismes, les ravageurs viendront aux cultures et des produits chimiques seront vendus », a-t-il dit.

 

Masaba a déclaré que de nombreux agriculteurs sont aussi réticents à changer leurs habitudes, soulignant le fait qu'il vend deux variétés de tomates différentes dans son magasin – une qui est résistante à un certain type de flétrissement et l'autre qui ne l'est pas.

 

« Les agriculteurs viennent ici et ils demandent l'une des variétés ou les deux. Même lorsque les scientifiques lanceront la nouvelle pomme de terre résistante au mildiou, je vendrai quand même mes produits chimiques parce que certains agriculteurs continueront à planter des variétés sensibles pour quelque raison que ce soit », a-t-il dit.

 

Masaba pourrait être en mesure de savoir si sa théorie est exacte déjà en 2020, lorsque les essais de la 3R Vict 1 seront terminés et analysés. En plus des tests supplémentaires pour la résistance au mildiou, les scientifiques sont tenus de fournir des données sur les performances comparées de la Vict 1 et de la variété Victoria classique. Abel Arinaitwe, qui supervise les essais, a expliqué qu'une partie du processus consiste à traiter à la fois la pomme de terre résistante au mildiou et la variété sensible avec des fongicides.

 

« Nous sommes intéressés par une comparaison entre les rendements des deux et elle ne peut être précise que si nous les soumettons à des traitements similaires », a déclaré Arinaitwe, ajoutant que certains fongicides sont des stimulateurs de croissance qui rendraient difficile la comparaison des données des deux variétés si une seule était traitée. D'autres parcelles ne seront pas traitées pour montrer les réponses des deux variétés à une attaque de mildiou.

 

Les agriculteurs locaux participent à un essai sur le terrain de la pomme de terre GM à Rwebitaba. Photo Isaac Ongu.

 

Réguler la science

 

Les essais sur la pomme de terre sont menés en Ouganda sous l'œil vigilant du Comité National de Biosécurité (NBC) dont le président, le Dr Charles Mugoya, a déclaré que l'agence sert de « chien de garde pour s'assurer que chaque processus est strictement respecté conformément aux procédures établies. »

 

M. Mugoya a déclaré que l'Ouganda, avec 20 ans d'expérience des processus de recherche liés aux OGM et son projet de loi sur la biosécurité récemment adopté, est prêt à voir ses premières cultures GM dans les champs des agriculteurs.

 

« [Le projet de loi sur la biosécurité] aidera à faire en sorte que les consommateurs obtiennent un produit qui permettra non seulement de résoudre le problème qu'il vise, mais aussi un produit sûr pour nous et l'environnement », a-t-il déclaré.

 

Sur le site du troisième essai, à Bunginyanya, Arthur Wasukira surveille les facteurs environnementaux en plus des caractéristiques phénologiques telles que le nombre de jours entre la plantation et la germination, la précocité, le nombre d'insectes et le nombre de tubercules. Les données générées ici feront partie d'un dossier visant à obtenir l'homologation de la variété à des fins commerciales.

 

« Quand il s'agit d'OGM, les gens ont tendance à se concentrer davantage sur les dommages qu'ils peuvent causer à l'environnement, pas sur la façon dont ils peuvent l'améliorer », a déclaré Wasukira.

 

Alors que le processus de réglementation se déroule, les agriculteurs attendent une variété de pommes de terre dont le Dr Eric Magembe, un biologiste moléculaire du CIP qui a participé aux essais à Rwebitaba, affirme qu'elle leur sera très bénéfique.

 

« Nos principaux bénéficiaires sont les agriculteurs pauvres en Ouganda et ailleurs en Afrique où la pomme de terre est cultivée comme source de nourriture et de revenus », a-t-il déclaré. « Au CIP, nous cherchons à réduire la pauvreté et à assurer la sécurité alimentaire de manière durable dans les pays en développement comme l'Ouganda à travers la recherche scientifique. »

 

Friday Herbert, l'agriculteur de subsistance du village de Kachwekano, espère que d'ici 2020, il plantera pour la première fois dans sa vie de planteur de pommes de terre une variété qui n'a pas besoin d'être traitée.

 

Il se voit à la lisière de son champ de pommes de terre bien vertes, admirant le spectacle des fleurs violettes dans sa parcelle de 1,6 hectare près du Lac Bunyonyi, une destination touristique populaire. Quand il dominera du regard un champ sans traces de brûlure, il le fera aussi sans avoir l'odeur des produits chimiques et avec de l'argent supplémentaire épargné en toute sécurité dans sa poche.

 

___________

 

* Isaac Ongu est un journaliste basé en Ouganda qui se spécialise dans l'agriculture.

 

Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/gmo-potato-will-cut-pesticide-use-and-keep-more-cash-pockets-uganda%E2%80%99s-farmers

 

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A
j'aime me promener sur votre blog. un bel univers très intéressant. mon blog sur pseudo. à bientôt.
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