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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate : bombarder la Commission européenne, semer le doute

11 Novembre 2015 , Rédigé par Seppi Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Union européenne, #Activisme, #Générations futures

Glyphosate : bombarder la Commission européenne, semer le doute

 

Les dernières manœuvres de la mouvance anti-pesticides

 

 

« VICTOIRE »

 

Le 20 mars 2015, Générations Futures tonitruait [1] :

 

« VICTOIRE: le glyphosate, principe actif du célèbre RoundUp, reconnu cancérigène par le CIRC! »

 

Comme il est de bon ton de se passer la rhubarbe et le séné au sein de la galaxie de la contestation, il fut précisé :

 

« Cette classification valide les études menées notamment sur le sujet par l’équipe de GE Séralini. »

 

En fait, quand on lit la monographie, on s'aperçoit que le groupe de travail qui a procédé à la classification a eu, en bref, deux réactions. D'une part, il a évoqué, sans les retenir, les multiples expériences dans lesquelles on faisait faire trempette à des cellules dans des bains de glyphosate pur ou d'un produit formulé Roundup pour conclure que, décidément, lesdites cellules n'appréciaient pas. D'autre part, il a formellement écarté la fameuse « étude » sur les rats (page 35) :

 

« Le Groupe de travail a conclu que cette étude menée sur une formulation à base de glyphosate était inadéquate pour l'évaluation parce que le nombre d'animaux par groupe était petit, que la description histopathologique des tumeurs était déficiente [poor], et que l'incidence des tumeurs n'avait pas été fournie pour les animaux pris individuellement. »

 

Pour l'association loi 1901, comme du reste pour toutes les « organisations non gouvernementales » du secteur de la contestation, la messe était dite :

 

« Générations Futures se félicite de cette classification qui reconnait la dangerosité avérée du glyphosate. »

 

Et, bien sûr, il fallait que les autorités retirent illico presto le glyphosate du marché – encore que... la formulation était alambiquée :

 

« A l'occasion de la réévaluation du glyphosate par l'EFSA nous demandons le retrait de son autorisation et un retrait tout aussi immédiat des produits vendus en France à base de cette substances actives (cela concerne ne nombreuses spécialités commerciales dont certaines destinées aux jardiniers amateurs!) »

 

Tel est le texte d'une pétition qui aurait recueilli à ce jour quelque 10.300 signatures.

 

Il faut bien prendre la mesure de ce cri de « VICTOIRE » dans le cas de GF : l'objet théorique de l'association, « la défense de l’environnement et de la santé », laisse la place à l'objectif réel : la lutte indistincte contre les pesticides quels qu'ils soient (« bio » excepté, mais chut...).

 

 

« VICTOIRE »... heu...

 

La suite des événements a été bien moins triomphale, comme nous l'avons relaté sur ce site [3]. Le classement a été vivement contesté, pas simplement pour des motifs économiques, mais parce qu'il repose sur des erreurs – il y a même eu un chercheur qui a déclaré que son étude avait été mal interprétée. Il est aussi devenu évident qu'il y a eu des conflits d'intérêts et, en dernière analyse, une tentative d'influer sur le cours de la procédure de ré-homologation du glyphosate au niveau de l'Union européenne.

 

Plus prosaïquement, le CIRC évalue un danger, et non des risques. Il ne s'est pas fondé sur un danger pour les consommateurs, mais pour les applicateurs ; or les risques issus de ce danger peuvent être minimisés, voire éliminés par des mesures de précaution. Il n'y avait là – il n'aurait jamais dû y avoir – de quoi affoler le monde entier.

 

Devant l'agitation médiatique et l'activisme anti-pesticides, l'OMS-siège a produit en juillet 2015 un questions-réponses, « Résidus de pesticides dans l’alimentation et risques sanitaires » [4], qui décrit clairement le processus de décision à double étage, danger-risques.

 

Elle a également constitué un groupe de travail ad hoc sur le diazinon, le glyphosate et le malathion. La mouvance de la contestation a considéré que le rapport de ce groupe [5] apportait de l'eau à son moulin. C'est que :

 

« Le groupe de travail a trouvé que les bases de données du CIRC et de la JMPR pour le glyphosate, le malathion et le diazinon étaient significativement différentes et que beaucoup d'études, principalement de la littérature scientifique publiée après comité de lecture, qui n'avaient pas été évaluées par la JMPR, avaient été à la disposition du groupe de travail des Monographies du CIRC. »

 

Déclaration diplomatique du groupe... il suffit de constater que les travaux du CIRC et de la JMPR (Joint FAO/WHO Meeting on Pesticide Residues, Réunion commune FAO/OMS sur les résidus de pesticides) reposent sur des corpus scientifiques différents, précisément parce que les objectifs sont différents, et que le classement du CIRC a été fondé sur des études relativement anciennes, antérieures aux derniers travaux de la JMPR (2011, selon ce document de l'OMS).

 

C'est donc pure gesticulation de l'activisme !

 

La JMPR s'est réunie du 15 au 24 septembre 2015 [6]. Conclusion en bref : la réunion a recommandé que le diazinon, le glyphosate et le malathion soient réévalués. Sans indication de date ou même d'expression d'un besoin urgent. Business as usual (almost).

 

 

Et vinrent les classements de la viande

 

 

On peut être bref : le 26 octobre 2015, le CIRC a annoncé le classement de la viande transformée en cancérogène (certain) et la viande rouge en cancérogène probable.

 

Tout d'un coup, d'une part, le glyphosate s'est retrouvé dans la même catégorie que la viande rouge et, d'autre part, de nombreux médias se sont employés à relativiser le classement de la viande... ce qui, nécessairement, impliquait aussi une relativisation du classement du glyphosate.

 

Classés en cancérogènes probables/possibles: les aliments frits (orésence d'acrylamide, Aloe vera, maté brulant, fruits (présence de certaines mycotoxines), légumes au vinaigre (condiment asiatique traditionnel), café, etc., etc.

 

 

Fuites à l'EFSA ?

 

Manifestement, la gesticulation et les manœuvres – certaines détestables comme les attaques contre le BfR allemand, chargé de l'établissement du rapport d'évaluation initial de glyphosate – n'ont pas eu les effets escomptés. Certes, Mme Ségolène Royal s'est fait filmer en train de retirer des bidons de Roundup d'une étagère... Mais à Parme, siège de l'EFSA, et à Bruxelles...

 

 

À Bruxelles, du reste, la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire avait rejeté un amendement, proposé par le groupe GUE/NGL, qui aurait imposé le retrait du glyphosate du marché à la fin de 2015 s'il n'était pas ré-homologué d'ici là.

 

L'EFSA a annoncé le 3 novembre 2015 qu'elle publierait l'examen par les pairs effectué à l’EFSA, le 12 novembre 2015.

 

Coïncidence, certes pas parfaite, le 29 octobre 2015, une belle brochette d'entités a écrit à M. Vytenis Andriukaitis, le commissaire européen pour la santé et la sécurité alimentaire – par courriel seulement – pour réclamer une « évaluation scientifique de cancérogénicité solide et crédible » [7].

 

Pourquoi cet empressement à communiquer par courriel seulement ? N'y aurait-il pas eu une fuite de l'EFSA incitant le Stammtisch de la contestation (Greenpeace, HEAL, PAN Europe, dont le président est M. François Veillerette, Corporate Europe Observatory, Friends of the Earth, IFOAM) à se manifester en toute urgence, prendre date et occuper le terrain, cela en recrutant en urgence des cosignataires ?

 

 

Préempter les conclusions de l'EFSA ?

 

Quand les conclusions de l'EFSA auront été publiées – nécessairement alambiquées car ce sera un « committee camel » – les fonctionnaires de Bruxelles le liront à travers le prisme déformant du consortium :

 

« Pour essayer de comprendre les raisons de ces résultats contradictoires, un certain nombre de scientifiques indépendants ont examiné les versions intermédiaires du rapport d’évaluation allemand de décembre 20134 à mars 2015.5 Ils ont ainsi mis à jour un certain nombre de failles importantes de ce rapport, notamment [...] »

 

Des « failles importantes » ? Par exemple :

 

« Le rapport n’a pas évalué un vaste pan d’études examinées par des pairs et publiées qui ont, elles, été prises en compte dans l’étude du CIRC.

 

« Lorsque le rapport prend en compte et évalue certaines études examinées par des pairs publiées, il en écarte un grand nombre qu’il considère non pertinentes, alors que le CIRC les avait jugées pertinentes. »

 

Superbe enfumage ! Avec un argument qui est en fait répétitif. Comme nous l'avons vu, s'agissant des études de cancérogénicité sur l'homme, le CIRC a retenu... trois études. Qu'il en ait étudié des dizaines d'autres que le BfR n'aurait pas pris en compte n'invalide en rien les conclusions de celui-ci.

 

« Le rapport minimise les conclusions d’études publiées sur des animaux de règlementation attestant la cancérogénicité, sans pour autant donner de justification adéquate au rejet de ces conclusions. »

 

Affirmation sans preuve qui, de toute manière, ne vaut rien devant la constatation que le CIRC n'a pas trouvé de preuve de cancérogénicité solide pour l'homme, et aucune preuve pour les consommateurs.

 

« Le rapport ne prend pas en compte dans le champ de son évaluation le stress oxydatif comme mécanisme potentiel de cause de cancer. »

 

Mécanisme potentiel...

 

« Les conclusions du rapport sont très largement fondées sur des études règlementaires non publiées fournies par les entreprises du secteur de la chimie productrices de glyphosate. Ce point est particulièrement préoccupant étant donné les interprétations contradictoires réalisées à partir de preuves publiées. »

 

Le va-tout imparable de la mouvance contestataire... on ne peut se fier aux industriels. Enrobé dans un joli gloubiboulga. Quelles sont les « preuves publiées » ?

 

 

Quand la mouvance contestataire se tire une balle dans le pied...

 

Ces organisations réclament une « évaluation scientifique de cancérogénicité solide et crédible » ?

 

N'est-ce pas admettre – implicitement – que le classement du CIRC et les « études » des membres de l'un des signataires, l'ENSSER (Réseau européen de chercheurs européens engagés pour une responsabilité sociale et environnementale), ne sont ni solides ni crédibles ?

 

 

L'inévitable Portier...

 

La meute anti-glyphosate se prévaut dans une note en bas de page des prises de position de trois « professeurs » lors d'une audience publique au Bundestag, le 28 septembre 2015 [8].

 

L'un d'entre eux est... M. Christopher J. Portier. Nous l'avons vu précédemment, en particulier comme spécialiste invité au sein du Groupe de travail du CIRC qui a classé le glyphosate, alors qu'il était affligé d'un gros conflit d'intérêts.

 

A-t-il indiqué sa véritable affiliation ? Non ! Il est présenté comme expert individuel [9]. Et dans sa présentation il s'est contenté de dire qu'il est presque à la retraite et n'est plus disponible qu'à temps partiel pour de nombreux gouvernements et organisations non gouvernementales [10].

 

On ne peut dès lors que sourire lorsqu'on voit la mouvance écrire :

 

« Enfin, nous insistons sur la nécessité de principe pour des agences telles que l’AESA [EFSA] de ne pas émettre d’opinions scientifiques basées sur des preuves scientifiques non publiées, alors que celles-ci serviront de base à l’action règlementaire. L’intégralité des leurs travaux devrait être transparente et conduite par des chercheurs indépendants exempts de tout conflit d’intérêt. »

 

 

Semer le doute, saper le système

 

 

Que réclament au final les signataires ?

 

N'ayant plus le gros gourdin du classement du glyphosate comme cancérogène (certes, probable seulement, mais la campagne médiatique avait permis de gommer ce qualificatif), il importait pour la mouvance de la contestation de procéder à une occupation temporaire du terrain :

 

« En conséquence, afin de protéger la santé des citoyens Européens, nous vous demandons de bien vouloir :

  • Charger l’Agence Européenne de produits chimiques (ECHA) de mener une étude approfondie de cancérogénicité et sur d’autres « points finaux » pertinents à intégrer dans son évaluation à venir de la classification et de l’étiquetage harmonisés (CLH), en plus des points finaux proposés par l’Allemagne ;

  • Vous assurer du caractère scientifiquement solide et crédible du rapport d’évaluation de renouvellement allemand, et du fait qu’il incorpore le résultat de la classification et de l’étiquetage harmonisés (CLH) ;

  • Interdire immédiatement l’utilisation du glyphosate lorsque celle-ci résulte en une exposition du grand public et des professionnels, soit directement soit par les résidus dans la nourriture. »

 

Chargeons donc une autre agence européenne d'une « étude approfondie » – et surtout aussi longue que possible – et, pendant ce temps, interdisons le glyphosate...

 

___________________

 

[1] http://www.generations-futures.fr/pesticides/victoire-le-glyphosate-cancerigene/

 

[2] http://monographs.iarc.fr/ENG/Monographs/vol112/

 

[3] http://seppi.over-blog.com/tag/glyphosate%20%28roundup%29/

 

[4] http://www.who.int/features/qa/87/fr/

 

[5] http://www.who.int/foodsafety/areas_work/chemical-risks/jmpr/en/

http://www.who.int/foodsafety/areas_work/chemical-risks/main_findings_and_recommendations.pdf?ua=1

 

[6] http://www.who.int/foodsafety/areas_work/chemical-risks/summary_report_JMPR_2015_Final.pdf?ua=1

 

[7] http://www.generations-futures.fr/pan-europe/glyphosate-evaluation-cancer-solide/

http://www.generations-futures.fr/pan-europe/glyphosate-evaluation-cancer-solide/

http://www.generations-futures.fr/pan-europe/glyphosate-evaluation-cancer-solide/

 

[8] http://www.bundestag.de/blob/387784/b62a3d21cdbca4efcb6f5823f182cd77/stellungnahme_portier-data.pdf

 

[9] http://www.bundestag.de/bundestag/ausschuesse18/a10/anhoerungen/anhoerung_glyphosat_28_09_2015/386986

 

[10] http://www.bundestag.de/blob/393172/706b7683283ed8fe3d5924282db0ee76/protokoll_40_sitzung-data.pdf

 

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