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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La catastrophe d'origine humaine au Sri Lanka aurait pu être évitée

6 Août 2022 Publié dans #Sri Lanka

La catastrophe d'origine humaine au Sri Lanka aurait pu être évitée

 

V. Ravichandran*

 

 

 

 

Les images de Sri Lankais agités prenant d'assaut la résidence présidentielle de leur pays en réaction à la mauvaise gestion de la politique agricole par leur gouvernement m'ont laissé une seule pensée : cela aurait pu être évité.

 

Les catastrophes provoquées par l'homme sont les pires. Elles sont totalement inutiles. Pourtant, nous pouvons en tirer des leçons, et ce qui vient de se passer au Sri Lanka nous ouvre les yeux et nous met en garde à propos de la production alimentaire dans le reste du monde – et peut-être plus particulièrement pour mon pays, l'Inde.

 

Lorsque le président sri-lankais, Gotabaya Rajapaksa, a annoncé l'année dernière que son pays rejetterait l'agriculture conventionnelle et passerait immédiatement au tout biologique, de nombreux commentateurs ont prédit une catastrophe. J'étais l'un d'eux, qualifiant cette décision radicale d'« échec massif » qui ferait du tort au pays et à sa population.

 

L'erreur tragique du Sri Lanka a fait l'objet d'une folle expérience de pensée : que se passerait-il si une Nation entière abandonnait les outils de l'agriculture moderne et revenait à la façon dont l'agriculture était pratiquée il y a plus d'un siècle ?

 

Nous n'avons plus besoin de nous interroger sur le résultat. Nous avons les preuves tangibles d'une crise humanitaire et économique qui a englouti une Nation de plus de 21 millions de personnes.

 

Ceux qui s'intéressent sérieusement à l'agriculture savent que l'agriculture biologique ne fonctionnera pas à grande échelle. Elle ne peut tout simplement pas répondre aux besoins de la production alimentaire. Elle peut prospérer lorsqu'elle offre aux consommateurs un choix parmi d'autres sur un marché diversifié. En revanche, obliger tous les agriculteurs d'un pays entier à adopter ses pratiques primitives, comme le rejet des engrais de synthèse et des dispositifs de protection des cultures, est un acte de démence.

 

C'est pourtant ce que de nombreux idéologues insistent à vouloir. Vandana Shiva, une militante indienne influente, a fait l'éloge du Sri Lanka pour ses politiques agricoles ruineuses : « Donnons tous la main au Sri Lanka », a-t-elle tweeté le 11 juin 2021.

 

Et le 12 juillet 2022, à peine 13 mois plus tard, le président du Sri Lanka qui avait suivi sa propagande fausse et malveillante a fui son pays à bord d'un avion militaire et a démissionné de son poste, abandonnant ses citoyens affamés et les laissant dans une grande crise alimentaire, énergétique et économique.

 

Aujourd'hui, le Sri Lanka a un nouveau président : Ranil Wickremesinghe, qui a la tâche peu enviable de nettoyer le désordre laissé par son prédécesseur. Il devra rétablir la croissance et aider les agriculteurs qui, en temps normal, produisent beaucoup de riz ainsi que le meilleur thé du monde. Au cours de l'année dernière, cependant, le Sri Lanka a été contraint d'importer de grandes quantités de riz et a vu ses exportations de thé chuter de 18 % entre novembre 2021 et février 2022, perdant 425 millions de dollars en raison de la réduction des exportations de thé.

 

M. Wickremesinghe peut commencer par s'inspirer d'un exemple positif dans notre région : le Bangladesh a su tirer parti des dernières technologies pour améliorer une culture de base. L'adoption du brinjal Bt (aubergine) a permis d'augmenter la production et de réduire l'utilisation de pesticides, ce qui constitue une victoire pour la durabilité agricole et environnementale.

 

Cela montre ce qui peut arriver lorsque les dirigeants considèrent la technologie comme une solution plutôt que comme un problème. Lorsque les agriculteurs ont accès à la technologie, ils peuvent améliorer leurs propres opérations et en faire profiter les consommateurs et les autres. C'était la grande leçon de Norman Borlaug et de la Révolution Verte – et c'est aussi la leçon de notre époque, alors que des scientifiques responsables libèrent le potentiel de la biotechnologie, de l'édition de gènes, de la protection des cultures, etc.

 

Les activistes comme Shiva ne semblent jamais payer le prix de la promotion de leurs idées néfastes. Elle reste impénitente face au naufrage du Sri Lanka. Alors que le Dr Borlaug a sauvé plus d'un milliard de vies, Vandana Shiva en a ruiné des milliards par ses allégations fictives contre les pratiques agricoles conventionnelles et en semant des peurs sans fondement dans l'esprit des gens.

 

Je n'ai jamais rencontré Shiva, mais je l'ai affrontée en ligne. Lorsque je lui ai posé quelques questions sur les cultures génétiquement modifiées, elle m'a bloqué sur ses réseaux sociaux. C'est sa façon de gérer les critiques. Elle refuse même d'envisager d'autres points de vue. Elle ne veut pas regarder les preuves qui la mettent mal à l'aise.

 

Malheureusement, certains des dirigeants de mon propre pays ont encouragé l'adoption généralisée de l'agriculture biologique, ou de ce qu'ils appellent parfois « l'agriculture naturelle ».

 

Mais ne nous leurrons pas : si l'Inde devait tenter ce que le Sri Lanka vient d'essayer de faire, cela pourrait conduire au pire échec de l'histoire en matière de sécurité alimentaire. Près de 1,4 milliard de personnes vivent ici – nous sommes sur le point de dépasser la Chine en tant que Nation la plus peuplée du monde – et notre calamité serait bien pire que celle du Sri Lanka.

 

Je souhaite que le Sri Lanka et son peuple ne soient pas englués dans la misère, mais tirons au moins les leçons de leur erreur et ne commettons pas une autre catastrophe d'origine humaine, ici ou ailleurs.

 

_____________

 

V. Ravichandran, agriculteur, Tamil Nadu, Inde

 

Sur une ferme de 24 hectares, Ravi cultive du riz, de la canne à sucre, du cotonnier et des légumineuses. Pour utiliser l'eau judicieusement pendant les mois d'été, il utilise des arroseurs et un système de goutte à goutte. A ajouté la mécanisation pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre ; 12 employés. Lauréat du prix Kleckner - 2013.

 

Source : The Man-made Disaster in Sri Lanka Could Have Been Avoided – Global Farmer Network®

 

 

Un excellent clip !

 

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J
entendu d'une oreille distraite sur Arte, un reportage sur cette crise...pas un mot sur le désastre du tout bio, ils n'ont tout de même pas dit: c'est la faute à Poutine <br /> les écolos mentent sur tout tout le temps, y compris par omission
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H
Les écolos font casser les barrages existants au nom de la "continuité écologique des cours d'eau" ou le mythe du retour à des cours d'eau "naturels", ils refusent la construction d'autres barrages, et refusent les bassines, voir viennent les saccager et ensuite glapissent au réchauffement climatique. Idem pour les forêts, ils interdisent de les nettoyer au nom du retour à "la nature", et ensuite reglapissent au réchauffement climatique quand cela brûle. Les écolos refusent pesticides de synthèse efficaces à micro doses et glapissent ensuite devant l'augmentation des tonnages de pesticides en passant sous silence qu'il s'agit d'abord de l'augmentation de pesticides bio, peu efficaces et nécessitant plus de passages et de tonnages, etc........
F
La vidéo finale est effectivement très bien :-) J'y ai découvert que le Sri Lanka n'est pas le premier à tenter l'aventure du 100% bio. L'Etat indien du Sikkim s'y est lancé en 2003, avec une date certification 100% bio en 2016 (ou 2013 selon certains). Il a même reçu pour ça un prix de la FAO en 2018.<br /> <br /> Une étude de 2017 révèlait pourtant que le résultat était plutôt mauvais en termes de rendement.<br /> https://www.downtoearth.org.in/news/agriculture/organic-trial-57517
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A fm06 le samedi 06 août 2022 à 13:17<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Il y a deux-trois articles sur ce blog, l'un de Ludger Wess et un autre en réponse à un "reportage" de Fr2 (de mémoire).