Intrusion dans les élevages : DxE-Red Pill condamné en appel
À en croire notre moteur de recherche favori, le buzz médiatique n'a pas été à la hauteur pour l'équipée nocturne de mai 2019 d'activistes de l'association DxE rebaptisée Red Pill – selon toutes les apparences une petite entreprise quasi familiale – dans une exploitation porcine des Côtes d'Armor.
Ils s'étaient pourtant assurés des services de M. Bastien Lachaud, député La France Insoumise – une formation politique dont nous ne répéterons jamais assez que sa dénomination est une insulte à la démocratie et au vivre ensemble. Pourtant... un député qui contribue à un acte – l'intrusion dans une propriété privée – que les citoyens lambdas associent généralement à de la délinquance... Un député – ancien professeur d'histoire, ce qui lui confère toutes les qualifications nécessaires pour disserter sur l'élevage de porcs – mis en scène dans une vidéo...
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Au-delà de l'élevage, ils avaient aussi mis en cause l'entreprise Fleury Michon. Relevons incidemment que la réponse de l'entreprise laisse à désirer à notre sens. Face à une telle agression, on ne fait pas de concession – il faut, selon elle « organiser une mutation majeure de notre système alimentaire », une tâche dans laquelle le groupe est « engagé depuis les années 1970 » (rapporté par la France Agricole)...
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Et que dire d'une « réponse » sous la forme d'une vidéo aseptisée avec des porcs bien propres et une insistance sur le « sans OGM » et « sans antibiotiques » ?
Bonjour, c’est assez singulier d’être pointé du doigt comme ça alors que nous invitons publiquement tous ceux qui le souhaitent à venir visiter les élevages de nos partenaires depuis 2015. Voici les vidéos que nous avons faites sur le sujet : https://t.co/7u5AyhsACI 1/3
— Fleury Michon (@FleuryMichon) May 24, 2019
On trouve un article de l'Express, « L'intrusion d'un député LFI dans un élevage porcin suscite l'indignation du monde agricole ». Il est fondé sur une dépêche de l'AFP du style journalistique classique – « He said, she said » (il a dit, elle a dit). Mais le titre de l'Express résume bien le parti qu'a pris l'hebdomadaire. 20 Minutes, toujours sur la base de la dépêche, titre : « Un député LFI se filme dans un élevage porcin, la FNSEA dénonce une "volonté de faire le buzz" ».
L'éleveur a porté plainte pour atteinte à la réglementation sanitaire, violation du droit de propriété et de domicile, atteinte à la vie privée et prises de vues aériennes non autorisées.
Le 3 octobre, le tribunal de Saint-Brieuc a rejeté sa demande de manière doublement surprenante. En effet, l'ordonnance de référé est allée à contre-courant de deux arrêts en appel de 2014 qui avaient été favorables aux victimes d'intrusion, en l'occurrence par des activistes de L214. Et la motivation avait de quoi laisser pantois.
S'agissant de la violation de domicile le juge a considéré que « les prises de vues ne portent pas atteinte à la vie privée du demandeur puisque la personne physique n’est pas identifiable sur les images exploitées et que la personne morale (en l’espèce une EARL), elle aussi non identifiée, ne peut se prévaloir d’une atteinte à la vie privée. »
Quant au respect des règles sanitaires, selon le juge « elles s’appliquent aux détenteurs de suidés, professionnels de la filière porcine, et vétérinaires intervenant sur les exploitations ». Lire : les professionnels doivent veiller à ne pas propager, par exemple, la peste porcine, les activistes sont dispensés de cette obligation....
L’éleveur a même été condamné à verser 3.000 euros à l’association DxE-Red Pill pour procédure abusive !
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Réussir a apporté d'autres précisions dans « Intrusion dans les élevages : "Il faut taper plus fort", selon David Le Blanc, spécialiste en droit rural » (texte bancal corrigé) :
« J’ai assisté à toute l’audience et c’était extrêmement instructif. Dans cet exemple, on a des droits qui se confrontent : le droit à l’information, le droit à la propriété, le droit aux dispositions sanitaires. Les avocats de l’Association DxE considèrent que la façon d’agir des militants n’est pas tout à fait légale mais que la cause est noble. Ils pensent que les méthodes d’élevage sont conformes à la réglementation mais elles doivent être dénoncées car elles ne sont pas supportables. Je considère pour ma part que le simple fait de considérer sa cause juste et légitime n’autorise pas de telles exactions, ou alors on n’est plus du tout dans un état de droit. Cela me paraît invraisemblable. »
L'information nous a été livrée par la France Agricole dans « La cour d’appel rend justice à l’éleveur contre DxE », ainsi que par Mme Emmanuelle Ducros, dans l'Opinion, dans « Intrusion dans un élevage: l’association antispéciste DxE-RedPill condamnée ».
Selon l'avocat de l'éleveur, dans son arrêt du 17 mars 2020,
« la cour d’appel dit que rien ne peut justifier cette violation de propriété, parce qu’aujourd’hui locaux professionnels ou locaux privés bénéficient bien de la même protection ».
Et, s'agissant des règles sanitaires, l'avocat a dit :
« C’était un élément que l’on avait également invoqué auprès du tribunal de Saint-Brieuc, mais qui n’avait pas été retenu. C’est désormais chose faite : en agissant ainsi, cette association a mis en péril la sécurité sanitaire de l’exploitation. »
Mme Emmanuelle Ducros précise que DxE a été condamné à retirer la vidéo issue de l’intrusion de son site internet, ainsi que de l’ensemble des réseaux sociaux et des plate-formes de vidéos en ligne ; à publier la condamnation en haut de la première page de son site et dans trois quotidiens nationaux, dans les 15 jours suivant le prononcé et à ses frais ; à payer un euro symbolique à l’éleveur en réparation du préjudice ; à verser à l'éleveur 3.000 euros pour les frais de justice.
Le président de DxE, M. William Burckhard a annoncé son intention d'aller en cassation... Faites donc... Nous entendrons alors la voix de la juridiction suprême.
Reste la question du député Bastien Lachaud. Il fait l’objet d’une plainte séparée, avec, évidemment, demande de levée de son immunité parlementaire.
Rien n'a (encore) été publié sur le site de DxE-Red Pill, ni dans les journaux nationaux. Des juristes avertis nous diront peut-être si l'injonction court à partir de la notification du jugement et si le pourvoi en cassation est suspensif.
Le haut de la page d'accueil. Le bombement de torse suit.