Agribashing dans le Club d'Arte du 25 octobre 2019 : jusqu'au bout de la connerie
Heureusement, M. Jean Quatremer était là
« Bonsoir à tous. Soyez les bienvenus dans le Club de 20 Minutes où nos journalistes et intellectuels préférés vont analyser les événements marquants de la semaine [...] »
C'était l'introduction de M. Renaud Dély.
À la minute 38:45 débute une séquence de quelque quatre minutes sur la photo de la semaine et la colère des agriculteurs. Les manifestations auraient eu pour but de
« se faire entendre en particulier des urbains qui les rendent coupables de tout selon eux et notamment d'empoisonner leurs assiettes... l'agribashing... est-ce que ça existe vraiment ? [...] ».
La parole est donnée à Mme Judith Bernard, dont Wikipedia nous dit qu'elle « est une enseignante et chroniqueuse française, professeure agrégée de lettres modernes, docteure en études théâtrales et linguistique également comédienne et metteuse en scène au sein de la compagnie ADA-Théâtre ». Arte l'a présentée comme la directrice de la publication du site Hors-Série.
Toutes les qualités requises pour parler en experte du sujet... Elle a déblatéré de manière éhontée.
Le suicide des agriculteurs serait donc
« ...un truc terrible qu'est la tragédie dans laquelle sont enfermés ces agriculteurs, en l'occurrence ceux qui suivent la FNSEA – on est dans une manif appelée par la FNSEA là, c'est-à-dire un modèle d'agriculture en effet productiviste qui veut absolument des pesticides, garder la même ligne sur les phytosanitaires, c'est-à-dire un modèle d'agriculture qui est en effet un modèle sans avenir, c'est un modèle qui est destructeur, donc les... »
M. Renaud Dély l'interrompt :
« C'est de l'agribashing, un peu... »
Et cette dame prétend en réponse que c'est une analyse rationnelle de la situation !
« ...on ne peut pas continuer à soutenir une agriculture qui en effet empoisonne les populations, qui tue les sols et qui n'a pas d'avenir... »
Nouvelle interruption de M. Renaud Dély, et nouvelle envolée :
« ...la question évidemment, c'est pas les agriculteurs individuellement, c'est une tragédie qu'ils se suicident comme si c'était un échec personnel. La question c'est l'échec du modèle dans lequel ils sont enfermés et là j'en appelle à la FNSEA, c'est à elle de sortir de ce modèle... ils continuent d'être contre la conversion par exemple [à l'agriculture biologique], ils veulent pas entendre parler d'agriculture paysanne ancrée sur le teritoire, ils veulent durcir les filières, rester dans une logique industrielle. Donc c'est la FNSEA qui est dans un modèle qui condamne ces agriculteurs en quelque sorte à aller dans le mur et à subir en effet des critiques de la part des populations qui ne veulent pas poursuivre un modèle qui est destructeur pour les sols et les populations. »
Fin de l'agribashing éhonté et du FNSEA-bashing encore plus scandaleux. M. Renaud Dély passe ensuite la parole à M. Jean Quatremer, journaliste spécialisé dans les questions européennes, qui remet en grande partie l'église au milieu du village.
Mme Judith Bernard a bien sûr droit à sa liberté d'expression mais on devrait tout de même attendre d'elle qui a eu l'occasion d'« analyser les événements marquants de la semaine » qu'elle s'informât un peu mieux et fît preuve de plus de modération.
Mme Judith Bernard a bien sûr le droit de faire du jésuitisme. Mais quand on prétend – et sur quel mode – que le « modèle » « empoisonne les populations », on accuse « les agriculteurs individuellement » d'être des empoisonneurs. Si ce n'est pas de l'agribashing...
Peut-être faut-il lui rappeler – et à bien d'autres aussi – que c'est grâce au travail des agriculteurs qu'elle a le privilège de pouvoir mordre les mains qui la nourrissent et cracher sur la FNSEA. Ce sont les agriculteurs qui lui permettent de manger trois fois par jour et, privilège supplémentaire, de choisir ce qu'elle mangera – ou ne mangera pas.
Quant à la FNSEA, il serait temps qu'elle révise sa stratégie de communication – ou plutôt en élabore une à l'adresse des médias, notamment agribasheurs, ainsi que des citoyens-consommateurs abreuvés de désinformation.