Selon un rapport, l'Afrique peut gagner en sécurité alimentaire et en richesse en développant son industrie des semences
Abubakar Ibrahim*
Le secteur agricole africain pourrait générer 25 millions de tonnes supplémentaires de produits alimentaires d’une valeur de 4 milliards de dollars si rien qu'une fraction de ses agriculteurs adoptaient des semences améliorées, a révélé une nouvelle étude.
Ce chiffre équivaut à environ 4 % du produit intérieur brut (PIB) agricole total du continent, qui est actuellement évalué à environ 100 milliards de dollars américains. Et cela pourrait être réalisé si un tiers seulement des agriculteurs dans seulement 15 des 54 pays du continent étaient en mesure d'obtenir des semences améliorées, selon un rapport du Seeds Systems Group (SSG) basé au Kenya.
Le rapport, publié au Ghana ce mois-ci, lors de la plus grande conférence annuelle mondiale sur l'agriculture africaine, le Forum 2019 de l'Alliance pour la Révolution Verte, a exprimé sa préoccupation devant le fait que la non-adoption de semences hybrides améliorées provoque la faim sur le continent.
« Actuellement, la réutilisation traditionnelle de semences des mêmes variétés à faible rendement et souvent atteintes par les maladies empêche les petits exploitants pauvres d’améliorer leurs rendements et la qualité nutritionnelle de leurs cultures », indique le rapport. « Le résultat est un ralentissement de la croissance économique et une faim et une malnutrition généralisées, aggravées par le climat de plus en plus extrême qui sévit dans de nombreuses communautés agricoles. »
Le rapport s'est dit confiant que l'adoption accrue de semences améliorées transformera la production alimentaire et la prospérité économique de certains des pays les plus pauvres du continent.
« Quinze pays africains représentant 315 millions d'habitants et affichant un taux moyen de malnutrition infantile de 38 % pourraient améliorer considérablement la sécurité alimentaire et la nutrition en développant leur industrie semencière », a fait observer l'étude.
M. Namanga Ngongi, président du conseil d'administration de SSG, a appelé les pays africains à « accélérer le développement de leurs systèmes de semences afin d'apporter à leurs agriculteurs des semences de qualité qui produisent davantage et qui résistent au changement climatique. Des semences améliorées améliorent les vies. »
M. Joseph DeVries, président de SSG, a déclaré que « sans semences de haute qualité, les agriculteurs ne peuvent jamais espérer aller de l'avant. Les variétés améliorées constituent un atout extrêmement précieux pour lutter contre la faim et relancer les économies rurales en Afrique. »
Le rapport a souligné que bon nombre de pays africains sont confrontés à des problèmes avec leurs systèmes semenciers et a appelé à un changement. Au Tchad, par exemple, 15 millions de personnes vivent dans un pays plus de deux fois plus grand que la France – avec de vastes zones adaptées à la production alimentaire. Cependant, le Tchad occupe la 118e place sur 119 pays en termes de sécurité alimentaire. Dans les zones rurales, près de 44 % de la population souffre de malnutrition. Les rendements des cultures sont environ le tiers de ceux des pays dotés de systèmes semenciers plus développés.
Au Bénin, 1,3 million d’agriculteurs cultivent du maïs, du manioc, du sorgho et d’autres produits de base, dont le rendement moyen est d’environ 1,4 à 1,5 tonne par hectare – environ une tonne ou plus en dessous de ce qui serait possible avec de meilleures semences. Les taux de malnutrition sont également élevés, à 45 %. Des semences de qualité pourraient aider à stimuler la production de légumes-feuilles nutritifs. Mais à ce jour, il n’y a pas eu de sociétés semencières locales privées au Bénin.
Au Togo, où l'agriculture représente environ 41 % du PIB et emploie les deux tiers environ de la population, les rendements du maïs sont d'environ 1,2 tonne par hectare et ne permettent pas aux agriculteurs d'être rentables. Les rendements pour d'autres cultures telles que le sorgho sont encore plus faibles et en baisse.
Mais le rapport a également souligné que des pays comme le Ghana, l'Ouganda et le Burkina Faso progressent considérablement dans l'amélioration des semences, créant ainsi un modèle dont d'autres pays africains peuvent s'inspirer.
Au Ghana, par exemple, le pays est passé de trois sociétés produisant environ 128 tonnes de semences en 2008 à huit sociétés produisant environ 6.000 tonnes.
« Il s’agit en grande partie de semences de variétés hybrides offrant des rendements supérieurs et une meilleure résistance aux maladies, car elles possèdent naturellement les meilleurs caractères des deux plantes"mères". Avant l’arrivée de ces entreprises, les agriculteurs ghanéens n’avaient que très peu accès aux hybrides », indique le rapport.
De même, alors que l’Ouganda n'avait pas d’industrie des semences en 2007, il y a actuellement plus de 24 sociétés de semences locales.
« La quantité de semences de haute qualité produites [en Ouganda] a plus que triplé, passant d'environ 8.000 tonnes en 2010 à 26.700 tonnes en 2017 », indique le rapport. « Dans le même temps, la quantité de maïs récoltée par hectare de terre est passée de 1,5 à 2,5 tonnes, de nombreux agriculteurs atteignant même 5 tonnes par hectare. »
Au Burkina Faso, les entreprises locales ont fourni aux agriculteurs environ 279 tonnes par an en 2007. En 2017, des progrès rapides ayant été réalisés avec quatre start-ups locales, les quantités ont été multipliées par 25 et sont passées à 7.000 tonnes.
DeVries a déclaré que ces progrès montrent aux autres pays en difficulté avec leur secteur semencier comment ils peuvent changer les choses et améliorer la production alimentaire.
« Nous pensons que cette [utilisation de semences améliorées] est la voie à suivre pour les pays déterminés à améliorer la vie de leurs populations rurales, à nourrir tous leurs habitants et à préserver leurs environnements naturels », a-t-il déclaré.
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Mes notes :
1. Les pays décrits dans ce texte comme étant sur la voie du progrès sont dans la sphère des activités de coopération des États-Unis d'Amérique.
2. Nous avons en Europe – et en France – des organisations qui prétendent œuvrer pour le développement, particulièrement en Afrique, et qui y exportent leur idéologie anticapitaliste, leurs conceptions naïves (ou servant de renforts à leur idéologie), certaines finançant des « organisations » locales paravents dispensant la « bonne parole ».
Et dans cette « bonne parole », il y a le refus des variétés hybrides (et, évidemment, des OGM). Qu'ils souffrent plutôt de la faim – un peu allégée par leurs activités de développement quand elles en déploient – plutôt que d'être dépendants des multinationales honnies...
Même le Parlement Européen s'y est mis dans son cadre propre (voir par exemple ici) ou dans celui de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE (voir notamment ici).
C'est honteux et scandaleux.