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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La montée des partis nationalistes et populistes inquiète les scientifiques italiens

18 Mars 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Politique

La montée des partis nationalistes et populistes inquiète les scientifiques italiens

 

Luca Tancredi Barone*

 

 

 

 

Le résultat des élections législatives de dimanche [4 mars 2018] en Italie a été une victoire éclatante pour les partis populistes et nationalistes, et un avertissement clair pour l'establishment politique italien et l'Union Européenne. Mais certains en Italie s'inquiètent que les résultats puissent également avoir un impact négatif sur la science.

 

Il y a eu deux grands gagnants : le Mouvement 5 Étoiles (M5S), populiste et basé sur le web, et la Ligue anti-immigration, d'extrême droite, qui a formé une coalition avec Forza Italia de Silvio Berlusconi et d'autres partis de droite. Les deux ont été critiqués pour avoir pris des positions antiscientifiques sur des questions telles que la vaccination et les expérimentations animales. Ensemble, ces partis ont obtenu plus des trois quarts des sièges dans les deux chambres législatives.

 

La question de savoir si le résultat déclenchera des changements majeurs de politique scientifique n'est toujours pas éclaircie ; les négociations pour former un nouveau gouvernement, dirigées par le président Sergio Mattarella, seront complexes et longues, et leur issue est difficile à prévoir. Mais la communauté scientifique italienne « ne permettra pas un gouvernement antiscience », affirme Maria Chiara Carrozza, professeure de bioingénierie industrielle à l'École d'Études Supérieures Sant'Anna de Pise, en Italie, et ancienne ministre de l'éducation et de la recherche. « Nous ferons entendre nos voix », dit-elle.

 

Il est souvent difficile de dire où exactement se situent le M5S et la Ligue sur la politique scientifique. Le seul problème lié à la science évoqué pendant la campagne était celui de la vaccination. Les sentiments anti-vaccins sont profonds parmi les membres du M5S et de la Ligue, et les deux partis veulent abroger une loi controversée introduite en 2017 qui a rendu obligatoire la vaccination des enfants contre 12 maladies. (Auparavant, seuls quatre vaccins étaient obligatoires ; la loi a été une réponse à une importante flambée de rougeole déclenchée par la baisse des taux de vaccination.)

 

Les plate-formes électorales des partis ne fournissent pas non plus beaucoup d'informations. La Ligue et la coalition de droite n'ont que de vagues références à la recherche dans leur programme électoral commun, y compris un appel à « plus de liberté » pour les familles en matière d'éducation et de santé, une référence à la loi sur la vaccination. Le programme du M5S comprend certaines positions environnementales, notamment la « décroissance » économique, l'accent mis sur les énergies renouvelables et l'interdiction complète de la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM). Mais il est muet sur la plupart des autres questions.

 

Avant les élections, un groupe nommé Dibattito Scienza (débat science), créé en 2013 et inspiré par le Science Debate des États-Unis, a envoyé à tous les partis une série de questions sur les questions scientifiques. Aucun des partis de droite n'a fourni de réponses ; le M5S a répondu à seulement trois des 10 questions, affirmant qu'il n'a pas de « position officielle partagée par tous les affiliés du parti » sur des questions telles que l'homéopathie, le transfert de technologie et le financement de la recherche.

 

Le M5S est maintenant une force politique importante. J'espère qu'ils seront en mesure d'adopter des politiques fondées sur la science et d'agir de façon responsable.

Maria Chiara Carrozza, ancienne ministre de l'éducation et de la recherche

 

Encadré

 

Le M5S est maintenant une force politique importante. J'espère qu'ils seront en mesure d'adopter des politiques fondées sur la science et d'agir de façon responsable.

 

Maria Chiara Carrozza, ancienne ministre de l'éducation et de la recherche

 

 

Mais ce qu'ils ont vu jusqu'ici a inquiété certains scientifiques. Dans le passé, les parlementaires du M5S ont exprimé leur soutien à toutes sortes de fausses nouvelles et de conspirations, notamment que les « chemtrails » ou les micropuces implantées peuvent contrôler le comportement humain, ainsi que la théorie que les images de l'alunissage sont des faux. Les sénateurs du M5S se sont également affrontés à plusieurs reprises à Elena Cattaneo, chercheuse sur les cellules souches à l'Université de Milan en Italie et sénatrice à vie, qui agit souvent comme porte-parole de la communauté scientifique au Sénat. Cattaneo a compilé un dossier de 1.500 pages pour tous les parlementaires sur la recherche sur les OGM et l'a utilisé dans un certain nombre de débats pour lutter contre les allégations infondées du M5S sur les risques posés par les plantes transgéniques. Elle a également enquêté sur les travaux de Federico Infascelli, un spécialiste de l'alimentation animale proche du M5S, après qu'il eut affirmé lors d'une audition parlementaire que les OGM sont dangereux pour la santé humaine. (L'enquête de Cattaneo a finalement conduit à la rétraction d'un des articles d'Infascelli [ma note : en fait deux articles – voir sur ce site « Un autre article d'Infascelli et al. retiré, avec liens vers les billets précédents.])

 

Mais Elena Fattori, qui a été réélue en tant que sénatrice pour le M5S dimanche, rejette la thèse que son mouvement est antiscientifique. Fattori reconnaît que la base du M5S comporte beaucoup de « personnes antiscience » et que dans une organisation populaire, « il est parfois difficile de leur faire comprendre que tout ne peut pas être voté en ligne ». Mais sur les vaccins, « notre position finale est de recommander des vaccins, et non de les imposer », dit-elle, et le candidat au poste de premier ministre du M5S, Luigi Di Maio, âgé de 31 ans, « a dit clairement que les positions non scientifiques n'ont pas de place dans un mouvement politique qui veut gouverner ». Le fait que Di Maio a inscrit les noms de l'oncologue Armando Bertolazzi et de la chercheuse en agriculture et environnement Alessandra Pesce sur une liste d'éventuels ministres du M5S prouve qu'il est sérieux, dit-elle.

 

« Le M5S est maintenant une force politique importante. J'espère qu'ils seront en mesure d'adopter des politiques fondées sur la science et d'agir de façon responsable », dit Carrozza. Les scientifiques « devront impliquer davantage les citoyens », ajoute-t-elle.

 

Peu importe quels partis finiront par former le nouveau gouvernement, la science ne sera probablement pas une priorité. « Le problème est que nous ne savons pas exactement à quoi nous attendre », explique Emilio Molinari, directeur de l'Observatoire Astronomique de Cagliari en Italie, qui fait partie de l'Institut National Italien d'Astrophysique. « Quelle est la position du M5S sur la recherche fondamentale ? Personne ne le sait. Les partis devront arriver à un accord difficile s'ils veulent gouverner. J'ai peur que la science n'en fasse pas partie. »

 

« J'espère que le prochain ministre de la science, quel qu'il soit, comprend que même la science fondamentale est un investissement sûr », dit Molinari. « Je ne m'attends pas à un effondrement de la science italienne, mais j'aimerais un acte de courage. »

 

Ivano Eberini, biochimiste à l'Université de Milan, affirme que les décideurs devraient toujours rejeter les positions antiscientifiques, mais que prendre des idées douteuses du web et les amener au parlement peut en fait être une bonne chose. « Le web et les réseaux sociaux favorisent la discussion publique. La science devient pertinente parmi les citoyens ; les débats houleux le prouvent », dit-il. « C'est une bonne nouvelle pour ceux qui veulent consolider l'idée que la science est importante et nécessaire », affirme Eberini, en particulier dans un pays qui investit relativement peu dans la recherche.

 

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Source : http://www.sciencemag.org/news/2018/03/rise-nationalist-and-populist-parties-has-italian-scientists-worried

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