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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Lactalis : emballement médiatique pour 25 cas de salmonellose sur dix ans

2 Février 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Santé publique

Lactalis : emballement médiatique pour 25 cas de salmonellose sur dix ans

 

 

 

 

 

Ce n'est pas la peine de donner des exemples : l'« information » s'est propagée dans les médias bien plus vite que les salmonelles auraient pu le faire dans la tour de refroidissement de l'usine Lactalis de Craon : le Quotidien du Médecin, que nous prendrons pour exemple ici, a titré « 25 cas de salmonellose rattachés au lait Lactalis entre 2006 et 2016 selon l'Institut Pasteur » ; Sciences et Avenir, reprenant une dépêche de l'AFP : « La salmonelle chez Lactalis a contaminé plus de bébés qu'on ne le pensait ».

 

Soyons logiques : L'Institut Pasteur peut certes déterminer qu'une salmonellose qui s'est produite, par exemple, en 2008 était due à la même souche que celle qui est au centre du « scandale sanitaire » de ces derniers mois (37 cas recensés en France, un autre en Espagne, et un autre dont on nous dit encore qu'il est probable en Grèce) – et que celle qui a touché 146 nourrissons en 2005. Il y a les analyses génétiques, voire des échantillons conservés. Mais de quel moyens dispose l'Institut Pasteur pour attribuer la cause de cette salmonellose à un produit de Lactalis sorti de l'usine de Craon ?

 

En fait, il n'est même pas nécessaire de connecter beaucoup de neurones : il suffit de lire (cela exige aussi quelques connexions)... Enfin lire dans les médias qui n'auront pas succombé à la tentation du sensationnalisme ou de l'activisme, ou encore de la fainéantise.

 

Les deux titres que nous avons cités plus haut ont rapporté – pas dans la même séquence et avec une logique un peu balbutiante – un ensemble détaillé des propos du Dr François-Xavier Weill, directeur du Centre National de Référence Salmonelles. Du Quotidien du Médecin :

 

« Les analyses de Pasteur accréditent l'idée que cette bactérie a subsisté pendant toutes ces années dans cette usine de Craon (Mayenne), rachetée par Lactalis à son concurrent Celia en 2006. "Ce sont des cas sporadiques de salmonellose chez des nourrissons, 25 sur dix ans, pour lesquels nous avons pu confirmer qu'il s'agissait de la même souche" de salmonelle qu'en 2005 et 2017, a expliqué à l'AFP le directeur du Centre national de référence salmonelles à Pasteur, le Dr François-Xavier Weill.

 

L'Institut Pasteur n'a cependant pas les moyens de dire si ces 25 nourrissons malades entre 2006 et 2016 avaient consommé du lait infantile venu de cette usine. "C'est extrêmement difficile de retrouver si c'est le cas. Mais l'ADN parle très clairement, et il oriente vers cette usine", a affirmé M. Weill.

 

« C'est extrêmement difficile... »... et M. Weill aurait été bien avisé de faire preuve d'un peu plus de prudence.

 

Nous ne sommes pas spécialistes, mais cela représente deux cas par an (certes, identifiés, il peut y en avoir d'autres) qu'on relierait ainsi à une usine (certes contaminée en 2005 et en 2017 dans la partie outil de production et, sporadiquement selon les analyses, dans sa partie environnement pendant toute cette période). Deux cas par an pour des milliers voire des millions de boîtes de produits ?

 

M. Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis semble, lui, succomber au syndrome de Stockholm. Toujours du Quotidien du Médecin :

 

« Cette révélation de l'institut Pasteur a été en partie confirmée par le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, dans un entretien accordé au journal "Les Échos" jeudi. Puisque des salmonelles ont été trouvées "dans l'environnement" de l'usine entre 2005 et 2017, "on ne peut donc pas exclure que des bébés aient consommé du lait contaminé sur cette période", déclarait-il. »

 

Mais notez bien que « cette révélation », selon le texte de l'article, c'est le fait que la même souche – Salmonella agona – a été mise en cause en 2005 et 2017 et , déclare M. Weill:

 

« Et on s'est demandé où avait pu résider la souche pendant les 12 années entretemps. La seule hypothèse possible scientifiquement, c'est qu'elle est restée dans l'usine en question. »

 

Vraiment ? Et que la protéobactérie soit partie et revenue n'est pas une « hypothèse possible scientifiquement » ? Même si elle est peut-être moins vraisemblable.

 

En tout cas, le « on ne peut donc pas exclure... » de M. Besnier nous rappelle furieusement la rhétorique des agences d'évaluation comme l'ANSES et l'EFSA : comme on ne peut pas conclure, on ne peut pas exclure...

 

 

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