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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Avez-vous entendu parler de l'histoire de l'OGM qui a failli détruire le monde ?

15 Août 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Activisme, #critique de l'information

Avez-vous entendu parler de l'histoire de l'OGM qui a failli détruire le monde ?

 

Andrew Porterfield*

 

 

Accorder une interview au Dr Mercola, c'est signaler son appartenance au militantisme.

 

 

Il était une fois, il y a longtemps – c'était en 1990 – une entreprise allemande qui avait modifié la génétique d'une bactérie pour qu'elle dégrade efficacement les déchets végétaux par fermentation et transforme le matériau en éthanol. Il y avait juste, selon la fable, un petit problème : la bactérie, Klebsiella planticola, a « presque tué le monde avec de la gnôle », selon un article sur Cracked.

 

Earth Island Journal a adopté une approche moins sarcastique, citant le professeur de génétique à la retraite et maintenant militant environnementaliste David Suzuki :

 

« Le généticien David Suzuki estime que ce qui s'est passé était vraiment sinistre. "La Klebsiella génétiquement modifiée", dit-il, "aurait pu mettre fin à toute la vie végétale sur ce continent. Les implications de ce cas sont tout simplement terrifiantes.»

 

[Pour en savoir plus sur David Suzuki, voir ici]

 

Cette histoire est devenue un mythe qui resurgit de temps en temps, avec des articles qui paraissent à quelques années de distance et renforcent les opinions des militants anti-OGM que tout ce qui est transgénique ou modifié d'une autre manière est pour le moins mauvais pour votre santé, mauvais pour l'environnement ou peut-être même mortel.

 

Et maintenant, à la suite d'une nouvelle loi fédérale imposant l'étiquetage des aliments contenant des OGM, le mythe est revenu.

 

Selon un éditorial dans Truth-Out.com, qui a exprimé sa déception face à la nouvelle loi ainsi que le choc d'apprendre la découverte de blé GM non approuvé dans un champ dans l'État de Washington [ma note : en août 2016], ces deux événements ont illustré les dangers du génie génétique. Selon les auteurs de Truth-Out, ces événements :

 

« Devrait déclencher des sirènes d'alarme, parce que nous avons déjà esquivé une balle similaire avec Klebsiella planticola, une bactérie du sol qui se développe agressivement sur les racines des plantes.

 

Au début des années 1990, une société européenne de génie génétique se préparait à tester en plein champ sa version génétiquement modifiée de Klebsiella planticola, qu'elle avait testée dans le laboratoire et présumée être sûre. Mais si ce n'était pour le travail d'une équipe de scientifiques indépendants dirigée par le Dr Elaine Ingham, cette entreprise aurait pu littéralement tuer toutes les plantes terrestres de la planète. »

 

 

Un tournant des événements

Les leaders de la microbiologie du sol ? Apparemment pas les Bourguignon...

 

Alors, que s'est-il passé ? Les scientifiques et les ingénieurs ont passé des décennies à chercher de nouvelles façons de traiter les déchets végétaux, qui peuvent devenir des matériaux de valeur pour l'amendement des sols ou être transformés en d'autres produits chimiques, y compris l'éthanol, et produire ainsi des biocarburants. En fait, la bactérie Klebsiella planticola (qui s'appelle maintenant Raoultella planticola après que les scientifiques ont réexaminé les membres du genre Klebsiella) a été étudiée pour sa capacité à produire de l'éthanol à partir de matières végétales en décomposition.

 

Selon l'histoire, une entreprise allemande avait reçu une autorisation de l'Agence de Protection de l'Environnement des États-Unis pour effectuer des essais sur le terrain avec la bactérie modifiée, appelée SDF20, dans le génome de laquelle on avait inséré un plasmide (une courte boucle d'ADN). Ce plasmide contenait un gène codant pour une enzyme, la pyruvate décarboxylase, qui permettait à la SDF20 de convertir les déchets de plantes en éthanol.

 

Cet essai a attiré l'attention d'Elaine Ingham, un membre du Green Party (Parti Vert) [de la Nouvelle-Zélande] qui était alors une scientifique du corps enseignant de l'Université d'État de l'Oregon. Dans un témoignage devant la Commission Royale Néo-zélandaise d' Enquête sur le Génie Génétique, Ingham a déclaré que son étudiant de troisième cycle, Michael Holmes, « a découvert que la bactérie génétiquement modifiée, Klebsiella planticola, avec un gène alcool supplémentaire, a tué toutes les plantes de blé dans les microcosmes dans lesquels les organismes modifiés avaient été introduits. »

 

« La bactérie modifiée produit bien au-delà de la quantité d'alcool par gramme de sol nécessaire pour tuer toute plante terrestre. Cela aurait pu être l'impact le plus dévastateur sur les êtres humains, car nous aurions vraisemblablement perdu le maïs, le blé, l'orge, les légumes, les arbres, les buissons, etc., peut-être toutes les plantes terrestres. »

 

Pour étayer cela, elle a cité un article co-écrit avec Holmes, publié en 1999 dans Applied Soil Ecology. La nouvelle a été saisie par les membres du Parti Vert du Parlement Européen et un certain nombre d'autres militants qui ont expliqué comment la découverte a mis en lumière le grave danger planétaire des OGM.

 

 

Les Verts sauvent le monde des OGM ?

 

Selon un article très récent dans Organics.org, les militants du Parti Vert et les scientifiques nous ont sauvés juste à temps :

 

« Ce nouveau miracle OGM avait toutes les autorisations nécessaires pour être commercialisé et cela allait être le cas. Cependant, une équipe de scientifiques indépendants dirigée par le Dr Elaine Ingham est restée, fort heureusement, sceptique. Ils ont découvert après quelques tests ce que la bactérie est réellement capable de faire, et après avoir exposé les résultats, la bactérie génétiquement modifiée n'a jamais été commercialisée. Si ce n'était pour leurs efforts, il ne fait aucun doute que cela aurait mis fin au monde. »

 

 

Des scientifiques dénonces les entourloupes à propos de l'OGM de fin du monde

 

Mais les problèmes ont commencé pour elle et l'histoire de Holmes. Dans une réfutation du témoignage d'Ingham, Christian Walter, travaillant pour l'Institut de Recherche Forestière de Rotorua, en Nouvelle-Zélande, Michael Berridge, de l'Institut Malaghan de Recherche Médicale de Wellington, et David Tribe, de l'Université de Melbourne, en Australie, ont écrit :

 

  • En fait, l'article qu'elle et Holmes ont écrit avec leurs résultats n'existe pas (le volume et les numéros de page sont faux, et aucune autre citation ne peut être trouvée).

     

  • Un autre article, également de Holmes, Ingham et d'autres collègues, a été cité par la suite (après la publication de la réfutation), mais cet article examinait la croissance du blé de printemps dans un sol pauvre et sableux qui avait été inoculé avec la souche SDF20 de K. planticola. On n'y trouve rien qui ressemble à des motifs de s'inquiéter d'une Apocalypse planétaire.

     

  • Il n'y a aucune preuve que l'EPA ou le Département de l'Agriculture des États-Unis ait approuvé des essais sur le terrain pour la SDF20.

     

  • La SDF20 produisait environ 20 microgrammes d'alcool par millilitre dans le sol. « Cette concentration est plusieurs centaines de fois inférieure à celle requise pour affecter la croissance des plantes (10 milligrammes par millilitre) ».

 

Les scientifiques ont alors conclu :

 

« Les affirmations du Dr Ingham ont été largement publiées sur Internet et ailleurs. Cependant, nous n'avons pu trouver aucune preuve que le Dr Ingham a présenté ses affirmations concernant les menaces pour la vie végétale terrestre pour publication scientifique dans un journal à comité de lecture.

 

Notre propre recherche dans la littérature et les résultats que nous avons obtenus démontrent en outre que des variétés naturelles de Klebsiella planticola produisant de l'alcool existent déjà et sont habituellement trouvées dans la nature ; cependant, aucune conséquence néfaste de cette production d'alcool sur des organismes, y compris des plantes, n'a été observée. »

 

En fait, les études sur K. planticola (R. planticola aujourd'hui) ont montré que la nouvelle souche ne pouvait pas survivre dans des sols pauvres, ce qui a probablement prononcé une peine de mort, non pas pour le monde, mais pour la viabilité commerciale d'une forme modifiée de R. Planticola.

 

Quant au Dr Ingham, qui est passée de l'État de l'Oregon à l'Institut Rodale [ma note : qui promeut l'agriculture biologique] et dirige maintenant une société de conseil en gestion des sols appelée SoilFoodWeb, elle et le Green Party ont présenté leurs excuses auprès de la Commission Royale Néo-zélandaise :

 

« Le Green Party a cité de manière inexacte un document dont on a découvert entre-temps […] qu'il n'existait pas.

 

Il n'y a aucun document indiquant que des essais sur le terrain ont été autorisés.

 

Le Green Party souhaite demander à la Commission de ne pas tenir compte de la dernière phrase du paragraphe 30, de reconnaître que cette déclaration va au-delà de la littérature publiée. [Il s'agit de l'affirmation d'Ingham selon laquelle SDF20 tuerait toute la vie végétale sur terre.] »

 

Dans ses excuses, Ingham a déclaré :

 

« J'étais dans l'erreur en déclarant que la Klebsiella planticola spécialement manipulée génétiquement dont je parlais avait été approuvée pour des essais sur le terrain et qu'elle allait être diffusée.

 

Je tiens à préciser que la possibilité de la destruction des plantes terrestres que j'ai mentionnée comme étant le résultat de la libération de cet organisme dans l'environnement est une extrapolation des preuves de laboratoire. C'est un scénario possible. Il existe d'autres scénarios possibles qui pourraient survenir ; nous avons besoin de plus de données pour pouvoir former un jugement clair sur les issues les plus probables. »

 

Des données auraient été bienvenues. Et aujourd'hui, nous avons encore des plantes. Et des OGM. Et l'alcool.

 

________________

 

* Andrew Porterfield est un auteur et rédacteur en chef ; il a travaillé avec de nombreuses institutions académiques, des entreprises et des organismes sans but lucratif dans les sciences de la vie. BIO. Suivez-le sur Twitter @AMPorterfield.

 

Source : https://geneticliteracyproject.org/2017/08/11/hear-story-gmo-almost-destroyed-world/

 

 

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