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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Une étude montre que les petits agriculteurs n'ont pas accès à des semences de qualité

9 Avril 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #Semences

Une étude montre que les petits agriculteurs n'ont pas accès à des semences de qualité

 

Joseph Opoku Gakpo*

 

 

 

 

Un nouveau rapport indique que moins de 10 % des petits exploitants agricoles du monde ont accès à des semences améliorées et de qualité, capables de freiner la faim et de tolérer les effets du changement climatique.

 

Le rapport 2019 de l’Access to Seeds Index révèle que seuls 47 millions des 500 millions de petits exploitants agricoles du monde ont pu acquérir des semences améliorées auprès des 13 plus grandes entreprises mondiales de semences du monde en 2017.

 

L’indice, publié par la fondation néerlandaise Access to Seeds, a pour but d’évaluer les travaux des grandes sociétés semencières mondiales, en mettant l’accent sur la manière dont l’industrie peut faire davantage pour augmenter la productivité des petits exploitants agricoles, améliorer la nutrition et atténuer les effets du changement climatique par le développement et la diffusion de semences de qualité.

 

Ido Verhagen, directeur exécutif de l'Access to Seeds Index, a appelé à de nouveaux efforts pour combler le fossé. « Bien que l'industrie progresse dans le développement de variétés plus nutritives et plus résistantes au climat, il est clair qu'il reste encore beaucoup à faire », a-t-il déclaré. « Des changements importants ne seront pas possibles sans toucher un pourcentage plus élevé de petits exploitants, qui représentent la part du lion (80 %) de la production alimentaire mondiale ».

 

Le rapport invite l’industrie mondiale des semences à faire plus, notant qu’il est essentiel de fournir des semences améliorées à de petits exploitants agricoles pour lutter contre la malnutrition croissante, le nombre de personnes souffrant de la faim étant passé de 784 millions en 2014 à près de 821 millions en 2017. « Le rôle de l'industrie mondiale des semences reste crucial pour atteindre l'objectif 2 du développement durable sur la faim zéro d'ici 2030 », a déclaré Verhagen, se référant au Programme de Développement Durable à l'Horizon 2030 adopté par tous les États membres des Nations Unies en 2015.

 

L'indice révèle également que les entreprises semencières accordent une plus grande attention au changement climatique, 12 des 13 entreprises évaluées ayant indiqué qu'elles donnaient la priorité aux caractères qui augmentent les rendements et améliorent la tolérance aux risques climatiques et météorologiques. Toutefois, la fondation a également fait part de sa préoccupation quant au retard de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale par rapport aux autres régions en termes de présence des entreprises et d’investissements dans les activités semencières locales, telles que la sélection, la production et le conditionnement.

 

 

Réactions à signaler

 

L'agriculteur ghanéen Evans Okomeng a déclaré qu'un grand nombre d'agriculteurs de plusieurs pays en développement peinent toujours à avoir accès aux semences améliorées qui constituent un élément important de toute entreprise agricole.

 

« En tant qu’agriculteur, trois éléments majeurs contribuent à votre production », a-t-il noté. « C’est la qualité des semences, les intrants et de bonnes pratiques agricoles. Donc, c’est comme "camelote en entrée, camelote en sortie". Si vous utilisez de mauvaises semences, vous aurez un faible rendement. La semence est un élément majeur en matière de sécurité alimentaire et de qualité du rendement. »

 

Okomeng a personnellement fait l'expérience de semer de mauvaises graines et de perdre de l'argent en conséquence. « Quand j'ai commencé à cultiver, je suis allé acheter des semences censées être résistantes à la sécheresse, mais plus tard, j'ai réalisé qu'elles ne pourraient pas résister à la sécheresse », a-t-il rappelé. « Cela m'a fait perdre environ 80% du rendement attendu sur mon champ de maïs de 2 hectares. Il est donc nécessaire de déployer des efforts délibérés pour mettre à la disposition des agriculteurs des semences améliorées de qualité. »

 

Amos Rutherford Azinu, président-directeur général de Legacy Crop Improvement Centre, une entreprise de semences hybrides au Ghana, décrit les données du rapport sur l’accès limité aux semences améliorées comme « une situation très préoccupante. Vous pouvez faire de l’agriculture sans terres, vous pouvez produire sans engrais, mais vous ne pouvez pas faire de la production agricole sans semences. La sécurité semencière est donc synonyme de sécurité alimentaire. »

 

Le défi a été que dans beaucoup de pays en développement, les gouvernements ont longtemps contrôlé le secteur des semences, un scénario qui n’a pas fonctionné, a-t-il expliqué. Ensuite, la transition permettant une implication du secteur privé n’a pas été correctement gérée.

 

Les agriculteurs ghanéens, par exemple, ont longtemps utilisé des semences à pollinisation libre qu’ils pouvaient ressemer, a déclaré Azinu. Ils n’avaient pas besoin d'acheter des semences à des entreprises chaque année, ce qui décourageait beaucoup d’entreprises d’investir dans le secteur. Il a ajouté que cette situation a également créé une culture dans laquelle les agriculteurs ne veulent pas payer pour des semences de qualité.

 

« Beaucoup d'agriculteurs utilisaient des variétés à pollinisation libre pouvant être recyclées », a-t-il expliqué. « On a abusé du système et à cause de cela, au fil des ans, ils ont réutilisé des semences. Alors maintenant, quand vous leur dites d’opter pour des semences hybrides et qu’ils doivent en acheter de nouvelles chaque année, ils ne comprennent pas. »

 

Il appelle à une collaboration accrue entre le secteur public et le secteur privé dans le domaine des semences afin d'assurer que des semences parviennent aux agriculteurs des pays africains en développement. « Les multinationales peuvent faire d’énormes investissements ; le secteur public a beaucoup de connaissances qui peuvent aider à identifier les besoins en matière de sélection », a déclaré Azinu.

 

De telles collaborations ont eu des résultats positifs dans certains pays en développement dont d'autres peuvent tirer des enseignements, a-t-il noté. « Au Zimbabwe, par exemple, ils ont le taux d'adoption de semences commerciales le plus élevé d'Afrique. Plus élevé même que l'Afrique du Sud. Malgré la crise économique, si vous prenez 10 agriculteurs au Zimbabwe, huit d’entre eux retourneront à la société semencière. Et c'est parce qu'il y a un secteur privé dynamique impliqué dans la production de semences. Donc, le secteur privé est en plein contrôle de la situation. Cela a permis la concurrence, et les agriculteurs en bénéficient », a expliqué Azinu.

 

Maxwell Asante Darko, sélectionneur de plantes à l'Institut de Recherche sur les Cultures du Ghana, a reconnu la nécessité d'un effort soutenu pour encourager la participation du secteur privé à la filière des semences. Il souhaite que les investissements dans les sociétés locales productrices de semences soit augmentés afin qu'elles puissent contribuer à combler le vide créé par l'absence d'acteurs mondiaux sur ces marchés.

 

« Le problème avec les semences, c'est que votre terre est prête et que la saison commence », a déclaré Asante. « Vous ne pouvez pas attendre pour les semences. Les agriculteurs vont semer ce qu'ils ont. Les agriculteurs veulent de bonnes semences. Ils achèteront même de bonnes semences à un prix plus élevé s’ils pensent qu’elles sont de bonne qualité. Le secteur privé est la voie à suivre. Il est nécessaire d'investir davantage dans l'industrie des semences. »

 

Il a ajouté: « Nous avons besoin d'un système de distribution de semences pour que les agriculteurs puissent les avoir à leur portée s'ils en ont besoin. Ils devraient pouvoir se rendre dans un endroit proche et obtenir des semences à bon prix. Et c’est grâce à des semences de bonne qualité, dont ils peuvent être sûrs qu'elles vont germer, qu'ils vont pouvoir revenir en acheter la saison suivante. »

 

Justin Rakotorasaona, secrétaire général de l’Association Africaine du Commerce des Semences, organisation basée au Kenya, qui promeut le commerce de semences et de technologies de qualité en Afrique, souhaite une approche globale du problème de l’accès aux semences. Les efforts visant à renforcer le secteur des semences devraient aller de pair avec des mesures visant à garantir aux agriculteurs des marchés pour leurs produits, a-t-il déclaré.

 

« Les agriculteurs africains auront les moyens d’obtenir d’excellentes semences si l’excellente récolte qui en résulte est profitable », a observé Rakotorasaona. « En l'absence de cela, pourquoi devraient-ils s'embêter? »

 

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* Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2019/02/smallholder-farmers-lack-access-quality-seeds-study-shows/

 

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