Chanvre et cannabis : M. le député Jean-Baptiste Moreau nous rend-il chèvre ?
Ah le glyphosate ! Il nous a mis sur la voie d'un étrange gazouillis du député Jean-Baptiste Moreau (aussi rapporteur du projet de loi Agriculture et Alimentation) :
« La production de chanvre ne demande presque aucun pesticide,c’est une plante qui pousse sur des terres très pauvres que les agriculteurs peinent à valoriser. Pas besoin de #glyphosate pour faire pousser du chanvre!C'est une vraie solution économique pour les paysans #cannabis »
C'est doublement étonnant – et inquiétant : pour sortir du glyphosate, yaka cultiver du chanvre... Les agriculteurs, oups ! Les paysans, pour améliorer leurs revenus, yzonka cultiver du chanvre...
Digressons rapidement sur le volet glyphosate. Autre gazouillis :
« Je suis agriculteur et cela fait 10 ans que je n’utilise plus le #glyphosate. La transition est en cours, dans 3 ans il sera interdit et les agriculteurs n’ont pas besoin de loi idéologique pour ça. Laissons les travailler et accompagnons-les! #EGAlim »
À voir les photos, M. Moreau est plutôt éleveur. Le glyphosate lui servirait essentiellement pour la destruction d'une prairie dégradée et sa régénération subséquente, ou pour nettoyer des abords. Qu'il n'en ait plus utilisé depuis plus de 10 ans n'est pas un exploit, ni une preuve anecdotique que d'autres agriculteurs peuvent s'en passer – tout court ou de manière économique.
Revenons au sujet de ce billet. Les limites de Twitter ne facilitent pas l'expression de pensées élaborées. Mais on peut multiplier les gazouillis...
« Il faut du chanvre pour produire du #cannabis thérapeutique:
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1 ha de blé=300€ de rendement VS
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1ha de chanvre=2500€ Le marché représente des revenus importants pour nos agriculteurs en souffrance.En attendant la légalisation en France ces plus-values se font ailleurs
Ah ! Combien d'« agriculteurs en souffrance » pourraient-ils bénéficier de cette manne ?
Dans le même fil du 19 septembre 2018, nous trouvons aussi ceci :
« Il faut dissocier le débat sur le #cannabis #thérapeutique et la légalisation totale du cannabis. Sortons de l’hypocrisie: on ne va pas fumer des pétards partout, il s’agit d'avoir un contrôle strict avec une ingestion sous forme de gélules ou de spray #McommeM cc @RMCinfo
Dans #McommeM sur @RMCinfo je discute du #cannabis #thérapeutique: on ne peut pas parler de drogue, c’est une alternative crédible qui entraîne pas de dépendance et soulage significativement les malades sans les effets secondaires de la morphine.
Pas sûr que les dérivés du cannabis soient une alternative à la morphine ; enfin, cela relève de la médecine. Mais oui, sortons de l'hypocrisie...
« @moreaujb23 et @ericcorreia ont défendu ensemble à #Matignon l'idée d'expérimenter la culture du #cannabis #chanvre thérapeutique en #Creuse , mais aussi de développer une filière chanvre bien-être, à plus forte valeur ajoutée pour les agriculteurs
Qu'est-ce que le chanvre « bien-être » ?
Citons la Montagne, « L'idée d'expérimenter la production de chanvre thérapeutique en Creuse défendue à Matignon » :
« Pour Éric Correia, il faut élargir le champ de la réflexion "au cannabis bien être". Les produits de type crèmes, huiles, pommades ou gélules contenant moins de 0.2% de THC offriraient les plus intéressantes perspectives aux agriculteurs creusois.
En effet, s’agissant du cannabis strictement thérapeutique, les Creusois ne "pourraient qu’être producteurs, la transformation revenant aux labos pharmaceutiques", constate Éric Correia.
Tandis que la filière "bien être" offre la possibilité d’une transformation locale du chanvre, voire d’une vente directe des produits. "Un hectare de blé peut rapporter 300 euros, un hectare de chanvre 2.500 euros", compare le conseiller régional.
Le Gouvernement s’est pour l’instant montré répressif envers les coffee-shops qui se sont positionnés sur ce créneau du bien-être.
Pour Jean-Baptiste Moreau : "On a fait ce soir un petit pas. Nous irons bientôt argumenter à l’Élysée".
Les coffee-shops, c'est bien pour vendre des pétards, non ? Et M. Correia évoque la vente directe ?
Alors oui, sortons de l'hypocrisie. La question mériterait bien un examen objectif – nous mettons un conditionnel parce qu'on peut déjà voir le potentiel d'irrationalité et de déstabilisation politique qu'impliquerait un débat. Et sortons aussi d'une hypocrisie qui cherche à faire prendre une mesure à effet national au bénéfice d'une circonscription électorale.
Et que ces gens cessent de présenter des marchés de niche comme des solutions à des problèmes de plus grande envergure, que ce soit sur le plan économique (comme ici) ou sur le plan agronomique.