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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Confédération Paysanne : risques réels et risques imaginaires

3 Mai 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Activisme, #Santé publique, #Pesticides

Confédération Paysanne : risques réels et risques imaginaires

 

 

 

 

Pesticides : splendide irrationalité et émotion

 

Nos amis d'Alerte Environnement se demandent à juste titre : « La Confédération paysanne défend-elle les paysans? »

 

C'est à propos de son communiqué de presse « L’urgence est justement d’avoir le courage de ne plus attendre ! » en réaction à l'annonce par le gouvernement de son « plan d'actions pour réduire la dépendance de l’agriculture aux produits phytopharmaceutiques » (communiqué du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation ; plan).

 

La profession agricole a sans nul doute de très bonnes raisons de se plaindre, voir de protester contre ce « plan d'actions » d'une magnifique indigence, sans grande ambition si ce n'est pour le gouvernement de paraître à son avantage et pour les services de l'État et autres institutions publiques de justifier leur existence, voire leur développement. Vive la bureaucratie ! Vive les études ! Le plus ridicule – ou irresponsable – est peut-être :

 

« Mener une expertise collective sur les risques pour la santé du glyphosate (Inserm) et élaborer un cahier des charges en vue de lancer une nouvelle étude expérimentale sur la cancérogénicité du glyphosate (Anses). Ces travaux seront conclus au plus tard en 2020. »

 

Fin 2020 ne serait-il pas la date à laquelle la France « sortirait » du glyphosate nonobstant une autorisation européenne allant jusqu'en 2022 et sans nul doute sujette à une nouvelle procédure d'autorisation ? Et si nous avons bien compris, l'ANSES (ou une autre entité) procédera à une étude de cancérogénicité après le retrait du glyphosate.

 

Mais la Conf' a décidé de jouer sur une splendide irrationalité et sur les bas instincts de l'émotion :

 

« La Confédération paysanne rappelle que les pesticides sont un outil de compression des coûts de production. Les enjeux en termes de revenu paysan, de santé humaine et environnementale, dont les paysan-ne-s sont les premières victimes, imposent donc de passer immédiatement à l’action pour mettre en œuvre un plan de sortie accompagnant réellement les changements de systèmes et non la poursuite de pratiques actuelles "un peu plus innovantes, comme l’épandage par drone ! »

 

Il y a bien des choses qui choquent dans cette déclaration grandiloquente, notamment l'« outil de compression des coûts de production » (ces gens de la Conf' cracheraient-ils dessus). Mais intéressons-nous à l'urgence sanitaire.

 

Une urgence bien relative s'agissant des agriculteurs – pour autant qu'ils suivent les préconisations d'emploi et les règles de sécurité – et nulle s'agissant des consommateurs (rappelons que 97 % des denrées alimentaires sont dans les limites légales, très protectrices, et que plus de la moitié sont sans résidus quantifiables).

 

 

Listeria : splendide irrationalité et insouciance

 

La Confédération paysanne des Hautes-Pyrénées a tenu à réagir après un rappel de produits issus de la bergerie du Hountacam, fin mars, pour cause de listéria. C'est ce que rapporte la Dépèche dans « La Confédération paysanne s'insurge contre les normes en matière de listéria ».

 

Comme nous le rappelle si souvent notre ami Albert Amgar sur son site et maintenant ici, Listeria monocytogenes est un problème de santé publique se traduisant selon l'INVS, se traduisant en moyenne estimée par 65 cas mortels par an (un quart des cas recensés).

 

 

(Source)

 

 

Petit florilège :

 

« Il n’y a que des contaminations faibles, personne n’a été affecté. »

 

« Nous voulons exprimer tout notre soutien et notre solidarité aux paysannes et paysans de la bergerie du Hountacam et à leur famille. De notre point de vue, le problème de la listériose est mal traité. Nous mangeons généralement plusieurs milliers de listérias par jour sans problème particulier pour notre santé, et à l’instar d’un vaccin, elle nous protège aussi, sans doute des faibles contaminations. Une seule espèce est dangereuse quand elle est présente en grande quantité dans l’alimentation de personnes sensibles. Il y a seulement trois cents cas de listériose par an en France. Ce sont des cas isolés, il n’y a jamais eu d’épidémie. Dans notre intestin, il y a plusieurs milliards de bactéries. Quand nous mangeons un yaourt, nous mangeons cinq milliards de bactéries. Au début du vingtième siècle, les yaourts étaient vendus en pharmacie comme médicaments. »

 

Qu'en est-il des normes ?

 

« Les fromages au lait cru fermiers supportent en matière de listéria la norme la plus basse de toute la législation française (tolérance zéro). Cette norme est inadéquate, elle est la cause directe du rappel de produits inoffensifs. Il faut se garder de vouloir trop bien faire. L’usage massif d’antibiotique, de détergent, de désinfectant, de conservateur, que la chasse aux bactéries utilise, est à coup sûr plus dommageable pour notre santé que les listérias. Il faut aussi compter les dégâts collatéraux : pollution, gaspillage, coût, précarisation et disparition des producteurs paysans. Collectivement, nous dépensons trop de moyens pour éradiquer les listérias au lieu de préserver les populations fragiles de contaminations fortes par de la pédagogie, de la recherche, de l’intelligence (proscrire les listérias de notre alimentation, ce serait par exemple interdire la consommation de salade). »

 

Et donc la Confédération paysanne attend « qu’à côté d’un discours de façade qui défend l’agriculture raisonnée, les produits fermiers, le bio, le lait cru, les circuits courts etc., il y ait des actes, une législation appropriée et réaliste, une bienveillance intelligente de l’Etat. [...] »

 

On baigne là dans une splendide irrationalité et insouciance.

 

Soyons triplement cynique :

 

  • « ...bienveillance intelligente de l’Etat » ? Combien de morts seraient acceptables ?

 

  • Quelle différence de tonalité entre le discours sur les risques quasi inexistants des produits phytosanitaires et le discours sur ce cas de Listeria.

 

  • Quel a été le discours de la Conf' dans l'affaire Lactalis ?

 

« Jusqu'où va-t-on laisser faire !?

 

Cette affaire a démontré la défaillance du système de contrôles sanitaires internes de l'industriel.

 

La responsabilité de cette situation s'étend aussi à l'Etat qui doit cesser de diminuer les moyens humains et financiers de contrôle de l'industrie agroalimentaire et ne pas se contenter de jouer le rôle de gendarme a posteriori !

 

[…]

 

Cette nouvelle affaire est la preuve que nous avons besoin que la loi issue des Etats généraux de l'alimentation soit ambitieuse. Elle doit redonner à l'Etat son rôle d'arbitre tant pour le revenu paysan que pour la protection des consommateurs. »

 

Évidemment, la « bienveillance intelligente de l’Etat » doit aussi se traduire par un État-nounou :

 

« Concrètement, cela doit commencer par l’accompagnement et le soutien par les pouvoirs publics et les instances professionnelles des producteurs victimes de contamination accidentelle sur leurs élevages, afin qu’un arrêt momentané de leurs productions ne se transforme pas en un arrêt de mort pour leurs exploitations (dans un contexte de fragilité généralisé). »

 

Mais c'est là un autre problème.

 

 

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A
L'article de La Dépêche du 23 avril 2017, « La Confédération paysanne s'insurge contre les normes en matière de listéria », cite un communiqué de la Confédération paysanne qui témoigne, hélas, d’une non-connaissance du sujet …<br /> Rappelons que selon des données récentes, « L. monocytogenes n’est pas un agent pathogène fréquent (moins de 0,1% des cas d’origine alimentaire), mais se classe 2e en nombre de décès (65 cas décédés, soit 25% du nombre total de décès d’origine alimentaire). »
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Je crois surtout que ce communiqué, comme bien d'autres, témoigne d'un formidable aveuglement. Le syndicalisme mis au service d'une cause qui n'est pas vraiment celle des syndiqués.