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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le plan d'action suisse visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires

14 Septembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Pesticides

Le plan d'action suisse visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires

 

 

Le robot désherbeur contribuera à la diminution de l'utilisation de désherbant. Mais restons réalistes...

 

L'Écophyto hexagonal fut un deal électoral entre le candidat à la présidence de la République Nicolas Sarkozy et le militant que fut (et qu'est toujours) Nicolas Hulot. C'est un secret de Polichinelle qui a été dévoilé notamment par M. François Fillon. L'objectif principal – réduire de 50% l'utilisation de pesticides entre 2008 et 2018 (le « si possible » fut une concession arrachée par M. Bruno Le Maire) – avait fait l'objet d'un marchandage, sans égard pour les réalités de l'agriculture et de la gestion des espaces verts.

 

Avec Écophyto II de M. Stéphane Le Foll, le ministre de la fumeuse agroécologie, on fit piteusement une concession aux réalités : on allait viser une réduction des utilisations de 25 % en 2020 – « qui repose surtout sur l’optimisation des systèmes de production par le transfert et la diffusion des solutions actuellement disponibles » – et de 50 % à l’horizon 2025 – « permise par des mutations profondes des systèmes de production et des filières, soutenues par des déterminants politiques de moyen et long terme, par une politique de formation ambitieuse et par les avancées de la science et de la technique ». Nous avons dit tout le mal que nous en pensions ici.

 

 

Épandage de trichogrammes (lutte biologique contre la pyrale) par un drone.

 

 

En Suisse, en revanche, les choses se sont déroulées dans le respect de la bienséance démocratique. En 2012, le Conseil Fédéral a proposé au Parlement d'adopter un postulat de Mme Angelina Moser Tiana, du Groupe vert'libéral, ainsi libellé :

 

« Plan d'action pour réduire les risques et favoriser une utilisation durable des produits phytosanitaires

 

Le Conseil fédéral est chargé d'examiner si – et sous quelle forme – un plan d'action visant à la réduction des risques et à l'utilisation durable des produits phytosanitaires, similaire à celui prévu par l'UE, permettrait de réduire la pollution causée par les pesticides en Suisse.

Le programme d'action pourrait comprendre les éléments suivants:

1. élaborer des objectifs et des mesures de réduction sur la base d'indicateurs de risques;

2. garantir une activité de conseil indépendante aux agriculteurs;

3. améliorer l'information du grand public quant aux risques liés aux pesticides. »

 

 

!
Le postulat charge le Conseil fédéral d’examiner l’opportunité, soit de déposer un projet d'acte de l’Assemblée fédérale, soit de prendre une mesure et de présenter un rapport à ce sujet. Il peut être déposé par la majorité d’une commission, par un groupe parlementaire ou par un député. Un postulat est réputé adopté dès qu’il a été approuvé par l’un des conseils.

 

Le Conseil Fédéral a produit un premier temps un rapport sur l'évaluation de besoin de plan d'action. Il vient de produire un deuxième rapport, un « Plan d’action visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires ».

 

Le titre reprend les termes du postulat. À l'image des montres suisses haut de gamme, il est finement ciselé : il s'agit de réduction des « risques » là où Écophyto se rapporte – bêtement et naïvement – aux « utilisations » ; et il s'agit d'« utilisation durable » alors qu'Écophyto se cantonne – bis – à la « réduction ».

 

Les médias suisses n'ont pas tous été aussi précis. Ainsi, le Temps écrit en chapô :

 

« Cinquante mesures visant à décourager l’utilisation des pesticides dans les cultures ont été mises en avant. »

 

Non, ce n'est pas vraiment « décourager », mais « optimiser ».

 

 

 

 

D'une manière générale, les objectifs suisses sont comme suit :

 

« L’analyse des risques décrite dans le chapitre précédent permet d’une manière générale de distinguer trois types de situations, dont le plan d’action tient dûment compte :

 

  1. Réduire de manière ciblée les risques actuels.

  2. Tirer parti du potentiel de réduction des utilisations de produits phytosanitaires et de leurs émissions indépendamment du risque, ce qui permet de prendre aussi en considération le souhait d’une agriculture préservant les ressources naturelles.

  3. Mieux connaître les effets indésirables des produits phytosanitaires et mettre au point de nouvelles manières de les réduire.

 

La mise en œuvre du plan d’action doit permettre de réduire de moitié les risques actuels que présentent les PPh et de rendre plus durable l’utilisation des PPh. Des objectifs définissent l’état visé sur le long terme. Ils ne doivent pas obligatoirement être réalisables avec les possibilités actuelles ; d’autres développements peuvent être nécessaires pour que ces buts soient atteints. La réalisation des objectifs est examinée sur la base d’objectifs intermédiaires concrets. Les objectifs intermédiaires sont ambitieux (du point de vue des délais et de l’ampleur), mais, selon les estimations actuelles, ils peuvent être atteints à l’aide des mesures proposées. Les indicateurs permettant de s’assurer de la réalisation des objectifs sont présentés au chapitre 7.

     

     

     

     

    L'objectif principal est :

     

    « Les risques liés aux PPh sont réduits de moitié grâce à une diminution et à une limitation des applications ainsi qu’à une réduction des émissions. »

     

    Par « émissions », il faut entendre :

     

    « ...les quantités de PPh qui, par volatilisation, dérive, lessivage ou ruissellement lors de l’utilisation du PPh (préparation, application, nettoyage des appareils, élimination des restes), ne parviennent pas sur la surface cible ou sont épandues en dehors de la surface cible. »

     

    Fort logiquement, il y a deux objectifs intermédiaires :

     

    « L’utilisation de PPh présentant un potentiel de risque particulier est réduite d’ici 2027 de 30 % par rapport à la période 2012–2015. »

     

    « Les émissions de PPh dues aux applications restantes seront réduites de 25 % d’ici 2027 par rapport à la période 2012–2015. »

     

    Tout n'est pas parfait dans ce plan d'action. Ainsi, dans la rubrique « Protection de la fertilité du sol », l'objectif est :

     

    « L’utilisation des PPh ne présente pas d’inconvénient à long terme sur la fertilité du sol et l’utilisation de PPh présentant un potentiel élevé de risque pour le sol est réduite. »

     

    Un objectif intermédiaire est :

     

    « D’ici 2027, l’application de PPh dont la persistance dans le sol (DT50 > 6 mois) est réduite de 50 % par rapport à la période 2012–2015. »

     

    Il n'y a aucun lien automatique entre fertilité et DT50... Notons que parmi les substances actives persistantes dans le sol il y a, dûment répertorié en annexe, le cuivre si indispensable à l'agriculture biologique pour pouvoir produire conformément à un cahier des charges d'essence idéologique.

     

     

    Les trois domaines de mesure du plan d’action : application, risques spécifiques et instruments d’accompagnement

     

     

    Le diagramme ci-dessus mentionne les « espèces résistantes/robustes » (c'est une mauvaise traduction – il s'agit de variétés) et les « moyens biotechnologiques ». Il se garde bien d'évoquer les biotechnologies végétales et, en particulier, les plantes génétiquement modifiées. C'est une illustration du fait que ce plan d'action répond aussi à un souci de plaire aux milieux anti-pesticides. Des milieux qui – évidemment – ne sont pas satisfaits par le plan d'action, au contraire de l'Union Suisse des Paysans.

     

    Nous n'entrerons pas dans le détail des mesures proposées. Mais on soulignera le pragmatisme des approches. Nous citerons cependant longuement deux extraits. Tout d'abord, sur la nécessité des pesticides :

     

    « La production végétale est une confrontation permanente de l’homme avec la nature, qu’il s’agisse de tirer parti des forces favorables ou régulatrices naturelles des écosystèmes (travail productif réalisé par les écosystèmes), ou de s’opposer aux forces antagonistes (maladies des plantes, organismes nuisibles, mauvaises herbes) qui pèsent sur la production végétale. L’écosystème doit donc être délibérément modifié en vue d’en tirer des denrées pour la consommation humaine ou pour l’affouragement. Pendant leur croissance, les cultures sont constamment soumises à la concurrence de mauvaises herbes et aux attaques des ravageurs ou des maladies, qui peuvent réduire le rendement et la qualité des récoltes ainsi que la sécurité des produits qui en sont issus (à cause de la mycotoxine, etc.). Cette confrontation est inhérente au travail de la terre, dans tous les secteurs de la production, depuis les débuts de l’agriculture. Différentes études ont montré que les rendements de cultures non protégées contre les dégâts dus aux ravageurs étaient d’en moyenne 30 à 40 % inférieurs aux rendements auxquels on pouvait s’attendre avec une protection adéquate des plantes. Pour certaines cultures, les pertes peuvent être moindres, pour d’autres elles peuvent atteindre pratiquement 100 %. »

     

    Et sur l'agriculture biologique :

     

    « L’agriculture biologique autorise l’utilisation de produits phytosanitaires d’origine végétale, animale, microbienne ou minérale ou identiques à leur forme naturelle. L’emploi d’herbicides est totalement interdit. Seuls quelques produits sont autorisés, ce qui rend d’autant plus important de mettre en œuvre les mesures préventives que l’on connaît pour limiter la propagation des organismes nuisibles. Le choix des variétés, la rotation des cultures et le travail du sol, l’utilisation d’antagonistes et une fumure adaptée constituent les principales mesures préventives. Le recours à des organismes auxiliaires et à des phéromones ou le désherbage mécanique font partie des méthodes de lutte directe. Dans les grandes cultures, à l’exception des pommes de terre, pratiquement aucun PPh n’est utilisé. Les PPh sont régulièrement employés dans l’arboriculture, la viticulture, les cultures maraîchères et les cultures de petits fruits. Actuellement, 13,5 % des terres agricoles utiles sont cultivées en Suisse (2016) selon les prescriptions de l’agriculture biologique, et ce pourcentage augmente depuis des années. L’agriculture biologique produit des rendements moins élevés que la production intégrée, notamment en raison de la fumure réduite et du choix moindre de produits phytosanitaires. Dans les grandes cultures, la diminution du rendement est en moyenne de 20 % en Suisse, mais peut varier fortement selon les cultures. Les pertes de récolte et les coûts supplémentaires de production peuvent être en général compensés et même dans une plus grande mesure que prévu, par des prix plus élevés sur le marché et des paiements directs. Cependant, certaines cultures ne sont pas possibles en agriculture biologique, parce que la charge de travail et le coût supplémentaire qui en résultent sont trop importants ou que les attentes des consommateurs quant à la qualité ne peuvent pas être suffisamment satisfaites.

     

    Les principaux enjeux de l’agriculture biologique sont les suivants :

    • lutte contre certains organismes problématiques, comme le méligèthe du colza ou le rumex ;

    • sélection de variétés robustes ;

    • amélioration du désherbage mécanique ;

    • mise au point d’alternatives permettant de remplacer les PPh contenant du cuivre. »

     

    Et le mot « glyphosate » est introuvable dans ce document... Quant aux néonicotinoïdes, trois sont mentionnés dans une note à propos des substances pour lesquels un risque de ruissellement élevé a été identifié pour certaines applications...

     

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