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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Règles pour les agriculteurs : lettre ouverte à la ministre Barbara Hendricks

10 Février 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Politique

Règles pour les agriculteurs : lettre ouverte à la ministre Barbara Hendricks
 

Heike Müller*

 

!
Dernière nouvelle : la campagne publicitaire a été arrêtée et Mme Hendricks s'est excusée auprès des agriculteurs. Pour ceux qui comprennent l'allemand, c'est ici.
 

 

 

 

Cette lettre s'inscrit dans le contexte d'une polémique suscitée en Allemagne par le lancement d'une campagne publicitaire par le Ministère Fédéral de l'Environnement, de la Protection de la Nature, de la Construction et de la Sécurité Nucléaire (BMUB) censée susciter un dialogue sur l'avenir de l'agriculture allemande et de la politique agricole commune. Elle a cependant une valeur plus générale.

 

Si nos milieux agricoles pouvaient en prendre de la graine...

 

 

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Madame la Ministre Fédérale,

 

Je vous écris ici en tant qu'agricultrice, vice-présidente d'une association régionale des agriculteurs, femme rurale et oratrice à la manifestation « Wir machen Euch satt! » (c'est grâce à nous que vous mangez à votre faim !) à Berlin.

 

C'est avec grande surprise que j'ai pris connaissance de votre campagne « Neue Bauernregeln » (nouvelles règles pour les agriculteurs), dans laquelle des affiches doivent être collées dans plus de 70 villes en Allemagne, accompagnées de cartes postales, de réseaux sociaux et d'un site web dédié.

 

Nous, les agriculteurs, nous nous sommes presque habitués depuis le temps à être agressés par des organisations non gouvernementales avec des campagnes et des affiches multicolores et graphiquement bien conçues dans le style Martine à la ferme, mais au contenu contestable. C'est permis dans une démocratie, cela relève du discours social.

 

Mais si de tels slogans émanent d'un ministère fédéral, et ont été financés avec l'argent des contribuables, cela prend une autre dimension !

 

Mme Hendricks, nous, agriculteurs, nous nous sentons ridiculisés par des aphorismes tels que « Gibt's nur Mais auf weiter Flur, fehlt vom Hamster jede Spur » (s'il n'y que du maïs sur de grandes étendues, il n'y a plus de traces de hamsters), « Steht das Schwein auf einem Bein, ist der Schweinestall zu klein » (si le porc se tient sur une patte, c'est que la porcherie est trop petite), « Zu viel Dünger auf dem Feld geht erst ins Wasser, dann ins Geld » (trop d'engrais dans les champs va dans l'eau et affecte ensuite le porte-monnaie) ou « Haut Ackergift die Pflanzen um, bleiben auch die Vögel stumm » (si les agrotoxiques tuent les plantes, les oiseaux restent muets). C'est du dénigrement par excellence, le genre de dénigrement que vous, chère Madame, pratiquez déjà depuis fort longtemps, même si vous vous en défendez. J'ai lu votre discours du 17 janvier très attentivement et je suis consternée par les nombreuses généralisations que vous y avez faites. Il y est question d'épandages excessifs de lisier dans les champs, ou encore d'un comportement qui laisse le respect des animaux comme créatures sensibles sur le bord de la route.

 

Que pensez-vous, Mme Hendricks, qu'on ressente quand, 365 jours par an, on assume les responsabilités liées à la condition d'éleveur, et qu'on soigne chaque animal individuellement, mais qu'on ne gagne rien dans des années comme la dernière ? Quand on n'a retiré des cultures que la moitié du chiffre d'affaires normal parce que la nature n'a pas coopéré et que les marchés n'ont pas été favorables ? Comment se sent-on quand, ensuite, un ministère fédéral pousse l'agriculture sur le tas d'immondices, honnit en bloc nos méthodes de production ? Quand on n'est présenté que comme un bénéficiaire de subventions, mais jamais comme le contribuable qui nous sommes en année normale ? Quand l'imbrication dans les marchés mondiaux et les normes élevées que nous avons déjà atteintes dans la protection des animaux et de l'environnement sont passées sous silence ? Quand on occulte, par exemple, le fait que nous, ici dans le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, nous avons la plupart des sites Natura 2000 d'Allemagne, bien que – ou tout simplement parce que – nous opérions en tant qu'agriculteurs comme nous le faisons ? Quand on occulte en particulier le fait que les consommateurs décident chaque jour, de manière pleinement démocratique, à la caisse autrement que dans les enquêtes d'opinion, et que ceux qui choisissent de voter Vert sont loin de tous manger Vert ?

 

Nous, agriculteurs, nous avons toujours dû nous adapter à des circonstances changeantes, s'agissant des conditions météorologiques, des marchés ou des souhaits des consommateurs. Nous, agriculteurs, nous ne pensons pas simplement d'une culture à la suivante, mais en termes de générations. Ce qui nous fait de plus en plus de souci est cependant le fait qu'il y a place dans une génération agriculteurs pour plus de cinq campagnes législatives. Cela représente cinq législatures dans lesquelles les politiciens doivent à chaque fois se profiler, apportant de nouvelles règles qui ne nous laissent plus le temps de souffler.

 

Des campagnes comme vos « nouvelles règles pour les agriculteurs », qui nous discréditent en tant qu'agriculteurs, qui nous représentent seulement comme des délinquants environnementaux ou des personnes maltraitant les animaux, nous démotivent et font croître dans le même temps la colère dans nos fermes.

 

Mme Hendricks, vos discours et ces campagnes contribuent à une polarisation au sein de notre société, cette polarisation que votre parti critique à juste titre pour ce qui est d'autres partis ou groupements.

 

Mme Hendricks, dans mon discours à la rencontre de dialogue du 21 janvier à Berlin, dans le cadre de « Wir machen Euch satt » (la vidéo Youtube correspondante, que vous pouvez visionner si vous le souhaitez, se trouve ici), j'ai demandé que la politique veuille bien procéder à un désarmement verbal. Je tiens également à vous le demander. Un dialogue équitable ne peut pas être conçu de telle manière que tout un groupe professionnel est marginalisé, en plus par un ministère fédéral ! Les modifications ne peuvent être obtenues qu'avec nous, agriculteurs, et avec la majorité des consommateurs ! L'agriculture a toujours signifié évolution !

 

Comment fait-on pour mener un dialogue objectif sur les questions agricoles ? Vous pouvez l'apprendre de votre collègue de parti Dr. Till Backhaus, avec lequel nous avons souvent, nous les agriculteurs, des échanges très critiques, mais des échanges qui ne déraperaient jamais vers ces règles pour les agriculteurs empreintes de populisme.

 

Mme Hendricks, je vous prie de mettre fin à cette campagne indicible ! En tant que politicienne, on ne devrait pas instrumentaliser un ministère pour une campagne électorale, quelle qu'elle soit !

 

Meilleures salutations du centre du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale,

 

Dr Heike Müller

 

_______________

 

Heike Müller est agricultrice et vice-présidente de l'Association des Agriculteurs du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.

 

Source : https://schillipaeppa.net/2017/02/03/offener-brief-an-ministerin-dr-barbara-hendricks/

 

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