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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Perturbateurs endocriniens : le scandale de scientifiques se livrant à la diffamation collective

5 Décembre 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Activisme, #Perturbateurs endocriniens, #Politique, #Union européenne

Perturbateurs endocriniens : le scandale de scientifiques se livrant à la diffamation collective

 

 

Dans une précédente livraison, « Le scandale des perturbateurs endocriniens... pas là où on le croit ! », nous nous étions intéressés plus particulièrement à l'un des trois articles publiés par le Monde le 29 novembre 2016 sous la signature de Mme Stéphane Horel.

 

Ici, nous ferons une lecture critique – sans aborder tous les points, ce serait trop fastidieux et déprimant – du quatrième, une fort curieuse déclaration de scientifiques.

 

Cela ne les empêche pas de commercialiser des perturbateurs endocriniens avérés aux conséquences sanitaires avérées...

 

 

Les perturbateurs endocriniens, une question épineuse

 

La question des perturbateurs endocriniens est très controversée et très polémique. Leur existence ne fait aucun doute, qu'il s'agisse de substances chimiques de synthèse ou – ce fait est très largement occulté dans les polémiques – naturelles. Outre le problème de leur identification, il y a tout d'abord celui de la détermination de leurs effets – en conditions expérimentales et en conditions réalistes. Dans « Endocrine disruption: Fact or urban legend? » (perturbation endocrinienne : réalité ou légende urbaine ?), Gerhard J. Nohynek et al. ont illustré le problème de la « puissance », dans un essai particulier, par le tableau et la figure suivants (les comparaisons ont été faites sur la base d'une unité de puissance œstrogénique correspondant à un cheval-vapeur).

 

 

 

 

Le tableau permet d'illustrer, de manière très schématique, la problématique des perturbateurs endocriniens : quand on sait que les consommateurs de soja absorbent plusieurs milligrammes de génistéine par jour, et ce, avec d'autres isoflavones (et qu'elle est même vendue en complément alimentaire), faut-il s'inquiéter du butylparaben autorisé dans les produits cosmétiques à la teneur de 0,14 %, et dont on s'applique moins d'un milligramme sur la peau alors qu'il est des dizaines de fois moins puissant que la génistéine ? Si l'on s'inquiète, faut-il faire des recommandations (comme pour le lait de soja déconseillé pour les enfants – alors que le danger et les risques sont avérés) ? Ou fixer des doses limites (comme on l'a fait pour le butylparaben), avec les habituels facteurs de sécurité hyperprotecteurs ? Ou interdire la substance dans certains produits ? Ou interdire la substance totalement ?

 

Et si on interdit, ne va-t-on pas créer un problème plus important, par exemple un plus grand risque de contamination bactérienne ? Ou inciter les industriels à la substitution par un produit qui peut se révéler encore plus problématique (c'est peut-être le cas du bisphénol S substitué au bisphénol A) ?

 

On peut ajouter ici : se révéler problématique à la suite de recherches impartiales, ou d'un acharnement à « démontrer » le caractère de perturbateur endocrinien. Car la perturbation endocrinienne est devenue un véritable fond de commerce pour des scientifiques et organisations activistes... et pour certains médias comme... chut !

 

 

 

Une Commission européenne bien gênée

 

On voit que la question est complexe et constitue un véritable champ de mine pour un législateur chargé de proposer une définition « des critères scientifiques pour leur détermination dans le cadre de la législation de l'UE relative aux produits phytopharmaceutiques et aux produits biocides ».

 

La communication de la Commission européenne n'a pas eu l'heur de plaire aux industriels – le contraire aurait été étonnant. Mais que penser des réactions de la mouvance alter et anti ? Un véritable déchaînement de violence verbale !

 

Les perturbateurs endocriniens – en tant que support de campagne activiste de perturbation du vivre ensemble – se trouvent en effet à la confluence de plusieurs thèmes : les perturbateurs endocriniens en tant que tels ; les substances chimiques en général et plus particulièrement les pesticides ; les industriels et plus particulièrement les multinationales ; sans oublier le travail de sape des institutions européennes, au premier rang desquelles la Commission.

 

 

Et le Monde publie une déclaration de scientifiques...

 

Dans ce cadre, le Monde a publié le 20 novembre 2016 une déclaration par une centaine de scientifiques (ou se prétendant tels), « Perturbateurs endocriniens : halte à la manipulation de la science », avec en chapô :

 

« Près de cent scientifiques dénoncent la fabrication du doute par les industriels, déjà à l’œuvre dans la lutte contre le changement climatique. »

     

    Nous ne contesterons à personne le droit de s'exprimer publiquement sur des questions politiques. Encore faut-il qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur la portée réelle de l'expression d'opinion. À notre sens, il est particulièrement malvenu pour les signataires d'une déclaration de nature politique – pour dire les choses comme elles sont, d'une manœuvre de lobbying – de faire valoir leur qualité de scientifiques à l'appui de la manœuvre. Et ce, sans même protéger leurs institutions respectives. Le sujet comporte certes un important volet scientifique, mais la déclaration relève de la polémique indigente.

     

    Et c'est la science qui pâtit. Une science déjà suffisamment malmenée, surtout dans ce domaine.

     

    Cette déclaration présente la particularité remarquable d'associer des scientifiques du domaine de la biologie, dont des spécialistes de l'endocrinologie (mais pas que...) et de la climatologie. Les uns émettent par conséquent un avis sur ce qui se passe dans le domaine des autres... Aucun scientifique sérieux, respectueux de la déontologie scientifique, ne ferait cela en excipant de sa qualité de scientifique (encore une fois : il lui est tout à fait loisible de le faire en tant que citoyen ordinaire).

     

     

    ...de la pure diffamation...

     

    Et quel avis !

     

    « Depuis des décennies, la science est la cible d’attaques dès lors que ses découvertes touchent de puissants intérêts commerciaux. Des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels déforment délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse. Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement. »

     

    D'entrée de jeu, les signataires se placent non seulement sur le terrain de la polémique, mais encore sur celui de la diffamation des scientifiques qui n'ont pas l'heur de partager leurs opinions et leurs options socio-politiques. Nul besoin d'une explication de texte pour démontrer que les accusations et les insultes sont gravissimes.

     

     

    d'une bêtise abyssale...

     

    Leurs propos sont aussi d'une bêtise abyssale.

     

    « Les "marchands de doute" sont à l’œuvre dans plusieurs domaines, comme les industries du tabac et de la pétrochimie ou le secteur agrochimique. A elle seule, l’industrie pétrochimique est la source de milliers de produits toxiques et contribue à l’augmentation massive des niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique, à l’origine du changement climatique. »

     

    L''amalgame et le sophisme du déshonneur par association surgissent dès le deuxième paragraphe. Le tabac... ils nous auront épargné l'amiante... Est-il si compliqué de comprendre que l'industrie pétrochimique répond en grande partie à des demandes de la société ? Quel est, du reste, le lien avec les perturbateurs endocriniens, si ce n'est de susciter des signatures du côté des activistes du réchauffement climatique d'origine anthropique ?

     

    Ce texte a été signé par des scientifiques supposés éminents... Voyons :

     

    « La lutte pour la protection du climat est entrée dans une nouvelle ère avec l’accord de Paris de 2015, malgré la farouche opposition de climatosceptiques sourds au consensus établi par les scientifiques engagés pour travailler dans l’intérêt général. »

     

    La « farouche opposition de climatosceptiques... » nous paraît largement imaginaire. Elle témoigne sans aucun doute d'une hargneuse et revendicative hystérie. Mais faut-il vraiment croire que les scientifiques du courant majoritaire auraient établi un consensus « pour travailler dans l’intérêt général » ? Est-ce à dire que ce consensus est le fruit d'un opportunisme socio-politique, et donc étranger à la science ?

     

     

    ...tout ça pour un GIEC de la perturbation endocrinienne

     

    Les signataires dressent un tableau apocalyptique :

     

    « Jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système hormonal... »

     

    Le couplet politique suit, avec force références au tabac... Les amalgames, le déshonneur par association...

     

    Et les signataires ont ces phrases fortes :

     

    « La plupart des scientifiques pensent qu’exprimer publiquement leur point de vue sur des questions politiques et participer aux débats de société pourrait compromettre leur objectivité et leur neutralité. Ce serait effectivement inquiétant si nos opinions politiques obscurcissaient notre jugement scientifique. »

     

    Ce serait effectivement inquiétant, s'ils n'étaient pas ridicules ; car, de jugement scientifique, on n'en voit guère dans leur texte. Nous en prendrons encore pour preuve ceci :

     

    « Scientifiques spécialistes des perturbateurs endocriniens ou du changement climatique, nous avons uni nos forces, car un grand nombre d’actions essentielles à la limitation des effets des perturbateurs endocriniens contribueront également à lutter contre le changement climatique. »

     

    Admirez le premier volet de l'explication qui suit (par charité nous ne traiterons pas le second) :

     

    « La plupart des substances chimiques synthétisées par l’homme sont des dérivés de combustibles fossiles produits par l’industrie pétrochimique. Une réduction de la quantité de pétrole raffiné permettra aussi de réduire la quantité de sous-produits utilisés dans les plastiques et celle de plastifiants : ces produits chimiques compromettent la santé reproductive masculine et contribuent au risque de certains cancers. »

     

    Enfin, tout cela débouche sur la proposition de former une sorte de GIEC pour les perturbateurs endocriniens... Le monde est sauvé !

     

     

    Une belle brochette de signataires

     

    Le premier signataire est M. Andreas Kortenkamp, de l'Université Brunel du Royaume-Uni, dont on dira diplomatiquement qu'il a des opinions tranchées sur la question des perturbateurs endocriniens. Il a été l'auteur principal d'un rapport sur l'état des connaissances sur les perturbateurs endocriniens commandé par la Commission et livré en décembre 2011. Est-ce bien raisonnable de la part d'un prestataire de services pour la Commission de faire ensuite pression sur elle ? Que faut-il penser de la valeur scientifique du rapport (et du reste d'autres travaux) quand son auteur principal fait de l'activisme ?

     

    La même question se pose pour ses co-auteurs Olwenn Martin et Michael Faust, celui-ci n'étant, en plus, pas un universitaire mais le co-propriétaire d'un cabinet de consultance.

     

    Un autre document joue un rôle important dans les controverses, « State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals », publié en 2012 sous l'égide de l'OMS et du PNUE, mais dans le contexte plus large de l'IOMC, Inter-Organisation Programme for the Sound Management of Chemicals, qui leur associe d'autres organisations, onusiennes ou non. Les auteurs principaux en furent Åke Bergman, Jerrold J. Heindel, Susan Jobling, Karen A. Kidd et R. Thomas Zoeller. Sur ces cinq, trois ont signé la déclaration... Nous n'avons pas fait de pointage pour les autres contributeurs, mais il y en a qui, par leur signature apposée sous la déclaration, ont jeté le doute sur l'objectivité et la neutralité du rapport.

     

    Côté climatologie on trouve le célèbre Michael E. Mann, de l'Université Penn State des États-Unis.

     

    Il y a aussi Paul R. Ehrlich, de l'Université Stanford des États-Unis, certes biologiste, mais essentiellement connu en tant qu'écologue et démographe, et notamment pour ses engagements néomalthusianiste (c'est l'auteur de la bombe P ; Naomi Oreskes, de l'Université Harvard des États-Unis, historienne des sciences – à ce titre tout à fait qualifiée pour se prononcer sur les perturbateurs endocriniens – et auteure des Marchands de doute ; Tyrone Hayes, de l'Université de Californie à Berkeley des États-Unis, certes connu pour ses recherches sur l'effet perturbateur endocrinien de l'atrazine, mais encore davantage pour ses allégations de persécution par Syngenta ; Michael Antoniou, du King’s College du Royaume-Uni, un anti-OGM notoire...

     

    Et il y a, hors concours...Christopher Portier qui n'indique que son lieu de résidence, Thoune, en Suisse...

     

     

    Post scriptum : une manipulation franco-française

     

    Le Monde a produit une traduction anglaise de ce monument d'indigence intellectuelle et morale. Curieusement, il n'a été reproduit par aucun média anglophone...

     

    Et s'il est exact qu'il y a près de cent signatures au bas de cette chose, alors un tiers provient des États-Unis d'Amérique. C'est à mettre en rapport avec le « Perturbateurs endocriniens : l’ingérence des Etats-Unis », de Mme Stéphane Horel...

     

     

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    V
    Ehrlich ? Inquiet à propos des PE ? PE qui mettraient en danger la fertilité des mâles ? Lui, Ehrlich, qui dans sa P Bomb préconisait, entre autres infamies, de précipiter l'accomplissement de ses objectifs malthusiens en suggérant aux gouvernements de nations décidément trop lapinières d'adjoindre quelque matière active ad hoc à l'eau potable et aux aliments de base de ces populaces copulassières ?
    Répondre
    B
    Une pétition de scientifiques critiquée sur la base de conflits d'intérêts (réels ou supposés, peut importe) et disqualifiée par l'appartenance à des disciplines plus ou moins apparentées au sujet, ça ne vous rappelle rien ? Le traitement de l'appel des Nobel en faveur du riz doré par le journal Le Monde par exemple ?
    Répondre
    C
    Ah, eustache a sa propre définition du conflit d'intérêt. Cela lui permet dans doute de disqualifier a priori tout propos qui n'irait pas dans son sens.
    E
    il faudra vous réexpliquer le concept du conflit d'intérêt...et la différence entre intérêt général et intérêt particulier,<br /> ça a du vous échapper probablement...
    E
    mais pour qui te prends-tu pour remettre en cause le travail d'une centaine de scientifiques plus calés que tu ne le seras jamais ? tu n'es qu'un marchand de doute merdeux
    Répondre
    E
    Seppi,<br /> sombre connard,<br /> vendu à toutes les industriels,<br /> plus aucun honneur à défendre,<br /> prêt à écrire n'importe quelle merde pour gagner ta croute,<br /> tes arguments sont vraiment gerbants...<br /> tu es à gerber!
    Répondre
    E
    ma culture va très bien merci,<br /> juste pas le goût de m'épancher devant tant de bassesses et d'irresponsabilité assumée
    U
    Merci eustache pour cette superbe argumentation, sa logique et toute la culture qu'elle implique.
    C
    Merci eustache pour cette édifiante illustration du propos de Seppi.