Le Monde, les vaches et le méthane : où sont les censeurs des conflits d'intérêts ?
Ces vaches portent un équipement permettant de mesurer les émissions de méthane (source)
C'est publié dans la rubrique « planète », mais sous « climat », et c'est de Mme Laetitia Van Eeckhout. Ça fait un peu, beaucoup, publireportage, mais le Monde n'a pas été le seul dans cette voie (voir par exemple ici). Et il manque beaucoup de références pour aller plus loin, et c'est irritant. Mais en creusant, nous avons pu trouver un article de Science et Avenir de février 2013 qui ressemble furieusement à ce qu'on peut lire aujourd'hui.
« Le remède pour que les vaches polluent moins » – résumé en enlevant toutes les fioritures et autres incidentes pour satisfaire le chaland écolo-bobo qui a une dent contre le maïs et le soja – c'est : donnez leur des graines de lin. De préférence de chez Valorex ?
L'introduction est superbe (c'est nous qui graissons). On ouvre en attirant le chaland :
« Remplacer, ne serait-ce qu’en partie, dans l’alimentation des vaches, l’ensilage de maïs ou de soja par des grains de lin cuit, riches en oméga 3, de la luzerne ou encore du foin, permet de réduire leurs émissions de méthane et d’augmenter leur production de lait.... »
On poursuit avec un peu plus de réalisme, pour autant qu'on ne s'intéresse qu'au lin :
« Si des recherches menées en France avaient déjà démontré qu’en modifiant ainsi le régime alimentaire du bétail, il était possible de réduire leurs émissions de méthane, une nouvelle étude scientifique européenne présentée mardi 15 novembre à Hanovre (Allemagne) au salon de l’élevage EuroTier confirme que quelles que soient la race d’une vache et son alimentation ordinaire, ce mode d’élevage est concluant. »
C'est ce qui ressort de la phrase suivante, avec laquelle on entre dans le vif du sujet :
« "En apportant des grains de lin cuit, ne serait-ce qu’à hauteur de 5 % de la ration alimentaire d’une vache, on obtient selon les pays une réduction de leurs rots et de leur production de méthane de 10 % à 37 %", souligne Béatrice Dupont, chef de projet au sein de la PME de nutrition animale Valorex qui a piloté l’étude. »
Nous ne contesterons pas des résultats qui ne sont plus contestables, au moins sur le principe. Non, ce qui est remarquable, c'est qu'il s'agit de travaux associant, ou ayant associé, la recherche publique et la recherche privée et actuellement pilotés par une « PME de nutrition animale » ayant un intérêt direct dans les résultats, le tout, sauf erreur, dans le cadre d'un projet européen subventionné pour moitié par l'Union européenne.
Les chasseurs de conflits d'intérêts qui sévissent sur le Monde, M. Stéphane Foucart et Mme Stéphane Horel, n'ont rien trouvé à redire. Serait-ce que les résultats des recherches sont conformes à la ligne éditoriale du Monde ? Qu'il ne s'agit pas d'OGM, ni de pesticides, ni de perturbateurs endocriniens ?
Oui, c'est vraiment remarquable.
Du reste, l'article fait aussi état d'un brevet (lequel ?) sur une méthode qui aurait été « validée par le ministère du Développement durable en 2011 » (s'agirait-il de ceci?) et qui ferait « partie depuis 2012 du catalogue des Nations unies regroupant toutes les technologies reconnues pour leur efficacité en matière de réduction de gaz à effet de serre ». Là aussi, aucune récrimination...
Imaginez que ce brevet (au d'autres détenus par Valorex) aient appartenu à cette multinationale que tant de gens aiment haïr... d'autant que c'est « même la seule à ce jour qui soit agréée pour l’élevage »...