Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Que signifie « naturel » ?

24 Mars 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #Divers

Que signifie « naturel » ?

 

Jason Lusk*

 

 

J’ai récemment réalisé un sondage auprès de plus de 1.200 consommateurs américains pour savoir exactement ce qu’ils entendaient par « naturel » dans l’évaluation de différents aliments. Le rapport complet est disponible ici et les résultats principaux de toutes les questions posées sont ici (le sondage a également porté sur les perceptions des consommateurs concernant les allégations « de santé », sur lesquelles je reviendrai ultérieurement).

 

Voici la motivation de l'étude :

 

« Alors que les entreprises du secteur alimentaire sont autorisées à utiliser une étiquette ou une allégation "naturel", la Food and Drug Administration (FDA) s'est abstenue de définir le terme. L'une des conséquences a été un grand nombre de poursuites judiciaires au cours des dernières années dans desquelles les demandeurs déclarent avoir subi un préjudice après avoir été induits en erreur sur le contenu ou les ingrédients d'un produit alimentaire lorsqu'il était muni d'une étiquette "naturel" (Creswell, 2018). En 2015, la FDA a demandé au public de commenter l'utilisation du terme "naturel" dans l'étiquetage des produits alimentaires, signalant ainsi une éventuelle volonté de définir le terme. De tels événements suggèrent un besoin de plus d'informations sur la façon dont les consommateurs perçoivent les aliments et définissent le terme "naturel". »

 

Une des questions initiales était une question ouverte : « Qu'est-ce que cela signifie pour vous de dire qu'un aliment est "naturel" ? ». Voici un nuage de mots construit à partir des réponses.

 

 

 

 

Des mots comme « artificiel », « additif », « chimique » et « organique » ont été les plus souvent mentionnés. Plus de 10 % des répondants ont spécifiquement mentionné le mot « artificiel ». Une partie non négligeable des répondants ont suggéré que le mot était sans signification, un battage publicitaire, ou qu'ils ne savaient pas ce qu'il voulait dire.

 

Les répondants ont également reçu une liste de mots/définitions possibles et on leur a demandé quels étaient ceux qui correspondaient le mieux à leur définition du terme « naturel ». « Aucun agent de conservation » et « pas d'antibiotique ou d'hormone » figuraient en tête de liste.

 

 

Qu'est-ce que cela signifie pour vous lorsqu'un aliment est appelé « naturel » (cochez jusqu'à trois éléments les plus pertinents)

De haut en bas : pas d'agent de conservation ; pas d'hormones ou d'antibiotiques ; pas de résidus de pesticides ; frais ; bio ; proche de la nature ; peu d'ingrédients ajoutés ; des aliments que ma grand-mère reconnaîtrait ; tout ce que je pourrais faire dans ma cuisine ; local ; cru.

 

 

Bien qu’elles associent les conservateurs à un manque de naturel, les réponses à ces questions sont plus nuancées lorsqu'on pose des questions spécifiques. La conservation par la mise en conserve ou avec du sucre/sel/vinaigre était perçue par plus de gens comme naturelle, plutôt que non naturelle, contrairement à la conservation avec des benzoates/nitrites/sulfites.

 

La figure suivante a été montrée aux répondants pour préciser ce qu'ils considéraient comme des processus/aliments naturels ou non naturels. On leur a demandé : « Parmi les aliments ou procédés suivants, lesquels considérez-vous comme naturels ? (Cochez jusqu'à 5 éléments sur l'image que vous estimez naturels). » La question a été répétée, sauf que « naturel » a été remplacé par « NON naturel ».

 

 

 

 

Vous pouvez trouver des cartes thermiques colorées des clics résultants dans le rapport complet. Je noterai ici que près de la moitié des répondants (47,1 %) ont cliqué sur l’image des produits bruts comme étant naturels. Les zones suivantes sur lesquelles les répondants ont le plus cliqué, choisies par 20 % à 30 % d'entre eux, sont les gruaux/flocons, le lavage/nettoyage et le lavage/broyage/tranchage. Même après avoir montré les processus en cause, 19,8 % ont cliqué sur l'huile végétale et 13,3 % sur la farine comme étant naturels. En revanche, « blanchir » a été cliqué le plus souvent (33,8 % des répondants) comme non naturel, suivi de « cristalliser », puis de l’alcool, du sirop et du sucre.

 

Un résultat curieux est que, dans de nombreux cas, les aliments finaux sont souvent considérés comme plus naturels que les processus pour les fabriquer. Par exemple, plus de gens ont cliqué sur l'alcool comme étant naturel que sur la fermentation. L’huile végétale était perçue comme plus naturelle que le pressage ou le blanchiment, deux processus qui servent à créer ce produit final. De même, le sucre est perçu comme plus naturel que la cristallisation, mais bien entendu, la seconde est nécessaire pour produire le premier. Ces résultats suggèrent qu’un produit final peut être considéré comme naturel, même si le processus utilisé pour le fabriquer ne l’est pas.

 

J'ai également posé des questions sur les processus de production végétale et les perceptions de la naturalité.

 

 

Si des aliments sont produits à partir de céréales, d'oléagineux, de fruits ou de légumes qui ont été produits en utilisant les procédés ou pratiques suivantes, considérez-vous que l'aliment est naturel ou non naturel ?

De haut en bas : cultures bio ; cultures en serres ; cultures en hydroponie ; semences hybrides : cultures traitées avec des pesticides naturels comme le sulfate de cuivre ou Bacillus thuringiensis ; semences créées par mutagenèse ; semences créées par édition de gènes ; semences créées par génie génétique ou OGM ; cultures traitées avec des pesticides de synthèse comme le glyphosate et le chlorpyrifos.

Les barres représentent le pourcentage de réponses « naturel » moins le pourcentage de réponses « non naturel ».

 

 

Environ 80 % de personnes interrogées de plus ont déclaré que les cultures biologiques étaient naturelles que celles qui ont dit qu'elles étaient non naturelles. Les cultures produites en intérieur et en hydroponie étaient, en définitive, considérées comme plus naturelles que non naturelles. Toutes les autres pratiques de production végétale ont été jugées non naturelles par plus de répondants que ceux qui les ont qualifiées de naturelles. Ainsi, les résultats suggèrent que les consommateurs sont sceptiques quant au naturel des pratiques de production culturales les plus modernes. Curieusement, cela est aussi vrai pour l'utilisation de semences hybrides. Les cultures produites avec la biotechnologie étaient beaucoup plus susceptibles d'être considérées comme non naturelles que naturelles. Les consommateurs ont perçu les produits biologiques comme des produits naturels, mais pas les pesticides utilisés en agriculture biologique ou les méthodes (par exemple, la mutagenèse) utilisées pour créer de nombreuses semences biologiques. Encore une fois, ces résultats suggèrent qu’un produit final peut être considéré comme naturel même si le processus utilisé pour le produire ne l’est pas ; dans ce cas, la conclusion résulte probablement d'un manque de connaissances sur les pratiques de production biologique.

 

En ce qui concerne les perceptions erronées, ce n’est pas parce qu’il existe une définition fédérale du terme « naturel » que les consommateurs connaissent ou comprennent cette définition. L'USDA définit actuellement le terme « naturel » pour les produits à base de viande et il est principalement défini comme « peu transformé » [« minimally processed »]. Cependant, environ un quart seulement des personnes interrogées dans cette enquête (26,6 %) ont correctement choisi cette définition lorsqu'on leur a demandé comment l'USDA définit le terme. Plus de 30 % des répondants pensaient à tort que la définition du terme naturel par l'USDA impliquait « pas d'hormones » et 23,8 % estimaient qu'un label naturel impliquait « pas d'antibiotiques ». Ces données suggèrent que plus de la moitié des répondants sont induits en erreur par la définition du terme « naturel » par l'USDA, un résultat conforté par les autres recherches universitaires récentes.

 

Le rapport détaillé contient beaucoup plus d'informations, notamment des informations sur la formulation des questions et les méthodes d'analyse. Par exemple, l’analyse des corrélations entre les réponses (via l’analyse factorielle) suggère que le terme « naturel » n’est pas un concept monolithique dans l’esprit des consommateurs, mais plutôt multidimensionnel. Un aliment ou un processus peut être considéré comme naturel sur une dimension mais pas sur une autre, comme le montre la figure suivante.

 

 

 

 

Merci à la Corn Refiners Association, qui a financé cette enquête. Ils m'ont laissé le loisir de poser les questions et d'analyser les données à ma guise. Vous pouvez voir son interprétation des résultats et ses recommandations de politique ici.

 

______________

 

* Jayson Lusk est un économiste de l'agriculture et de l'alimentation. Il est actuellement professeur distingué et chef du Département de l'Économie Agricole de l'Université de Purdue.

 

Source : http://jaysonlusk.com/blog/2019/1/25/what-is-natural

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article