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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Dévoiler les complexités de la biologie végétale

12 Mai 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Afrique, #OGM

Dévoiler les complexités de la biologie végétale

 

Joseph Opoku Gakpo*

 

 

 

 

En Afrique subsaharienne, le manioc est un aliment de base pour la plupart des gens ; en fait, c'est la troisième plus grande source de glucides après le riz et le maïs. Certains des plus de 500 millions de consommateurs de manioc de la région en mangent trois fois par jour. C'est une culture fiable car le manioc pousse bien dans les sols pauvres avec peu de précipitations.

 

Mais deux principales maladies continuent à endommager la culture sur le continent, causant d'énormes pertes pour les agriculteurs. D'abord, il y a le virus de la mosaïque du manioc (CMD). Il provoque un retard de croissance et finit par tuer la plante. Chaque année, on estime que la perte de rendement en manioc peut atteindre 30 pour cent, principalement en Afrique de l'Ouest et de l'Est.

 

Ensuite, il y a le virus de la maladie striée du manioc (cassava brown streak disease – CBSD), qui peut détruire une culture entière. Cette maladie est actuellement la plus grande contrainte pesant sur le manioc en Afrique de l'Est, car elle détruit les racines comestibles du manioc même lorsque le reste de la plante semble en bonne santé.

 

Depuis 2005, des chercheurs du Donald Danforth Plant Science Center aux États-Unis, du National Crop Resources Research Institute de l'Ouganda, du National Crop Research Institute du Nigeria, de la Kenya Agricultural and Livestock Research Organization et un certain nombre d'autres partenaires mènent un projet collaboratif pour répondre à ces défis. Le VIRCA Plus Project (Virus Resistant Cassava for Africa Project – projet du manioc résistant aux virus pour l'Afrique) est le résultat de la fusion de deux projets distincts : le projet VIRCA, qui visait à rendre le manioc résistant aux deux virus ; et le projet Bio Cassava Plus, qui visait à améliorer la valeur nutritionnelle du manioc.

 

Mais le travail a révélé la nature complexe de la science. Il y a un certain nombre de variétés de manioc en Afrique de l'Est qui présentent une résistance naturelle au virus CMD. Le projet VIRCA Plus a utilisé des procédés biotechnologiques modernes pour introduire les gènes responsables de la résistance au CBSD dans les variétés qui présentent une résistance naturelle au CMD. Résultat : la résistance naturelle au CMD a été perdue.

 

« VIRCA a pris des variétés avec une résistance naturelle au CMD ... Puis a entrepris d'ajouter une résistance transgénique au CBSD ... L'étape de la culture de tissus leur a fait perdre la résistance au CMD ... Mais la résistance transgénique au CBSD est restée », a expliqué le Dr Andrew Kiggundu, directeur de projet de l'Institut pour l'Amélioration des Plantes Internationale au Centre des Sciences Végétales Donald Danforth à St. Louis, Missouri, dans un entretien avec l'Alliance pour la Science.

 

Kiggundu attribue la situation à des circonstances inexplicables qui démontrent à quel point la science végétale peut être compliquée. Mais il dit que le travail est en cours pour corriger cela et réintroduire la résistance perdue dans la variété afin qu'elle puisse avoir les deux. « La mission est de fournir une résistance aux deux maladies ... Donc, ils font un travail de terrain pour introduire la résistance au CMD par des rétro-croisements ... Maintenant, il y a environ 300 lignées qui sont transgéniques et présentent une résistance à la fois au CMD et au CSBD ... et ils font des rétro-croisements dans des non-transgéniques qui sont résistants au CMD ... Ils ont maintenant la première génération », a-t-il dit.

 

« Nous sommes sûrs qu'une fois que nous aurons introduit la résistance au CBSD, cela aidera des millions de personnes, car le manioc est une culture de sécurité alimentaire pour de nombreuses personnes. La production de manioc sera soutenue », a-t-il ajouté.

 

Le Donald Danforth Plant Center travaille également avec ses partenaires dans le cadre du même projet pour améliorer la valeur nutritionnelle du manioc. Bien que le manioc apporte beaucoup de calories, il ne contient pas suffisamment de nutriments essentiels.

 

La carence en fer et en zinc est un problème nutritionnel clé en Afrique subsaharienne. Elle provoque un retard de croissance, perturbe le développement cognitif des enfants et augmente leur risque de contracter la diarrhée. Au Nigeria, 75 % des enfants d'âge préscolaire et 67 % des femmes enceintes souffrent d'anémie liée à la carence en fer, tandis que 24 % des personnes en Afrique subsaharienne risquent de présenter une carence en zinc en raison d'un apport alimentaire insuffisant. La carence en vitamine A, connue pour provoquer la cécité nocturne ainsi qu'un risque accru d'infection chez les enfants et la mortalité maternelle, est également un problème majeur en Afrique.

 

Le projet VIRCA travaillait à l'introduction de ces trois nutriments dans les variétés locales de manioc au Nigeria. Mais il a interrompu le travail visant à introduire du carotène, un précurseur de la vitamine A, dans le manioc à la suite de complications inexplicables.

 

« Nous étions capables de faire du manioc doré. Nous avions des racines orange », a déclaré le Dr Nigel Taylor, directeur de l'Institut pour l'Amélioration des Plantes Internationale au Centre des Sciences Végétales Donald Danforth, dans un entretien accordé à l'Alliance. « Mais quand vous mettez le bêta-carotène et que son niveau monte, la teneur en amidon baisse dans les racines. Science inconnue, phénomène biologique inconnu et, à l'heure actuelle, nous ne pouvons pas y remédier. Ce n'est pas comme si c'était cassé. C'est un phénomène biologique inconnu qui existe depuis toujours », a-t-il expliqué, notant qu'il existe des variétés de manioc obtenues de manière conventionnelle qui ont une teneur plus élevée en bêta-carotène.

 

« Les agriculteurs cultivent le manioc pour l'amidon et si la teneur en amidon diminue, ils ne le planteront pas », a déclaré M. Taylor. « C'est pourquoi nous l'avons abandonné, car nous savons que nous ne pourrons pas le diffuser auprès des agriculteurs. Nous nous concentrons sur ce que nous pouvons mettre à la disposition des agriculteurs ... Ce que nous faisons, cela n'a jamais été fait auparavant. Et chaque fois que vous faites cela, vous découvrez ces choses. »

 

Ces exemples d'anomalies rencontrés par le projet VIRCA évoquent les complexités de la science. Mais clairement, la même science est utilisée pour les surmonter.

 

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Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2018/02/unraveling-complexities-plant-science/

 

 

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