Compter les insectes

Compter les insectes

Schillipaeppa*

La mort des insectes a même fait son entrée dans un document de 61 pages qui devrait sous-tendre les pourparlers exploratoires ultérieurs de la coalition Jamaïque**. À la page 11 il est écrit :

« Nous allons immédiatement enquêter sur les causes du déclin des populations d'insectes et en même temps développer et mettre en œuvre un programme d'urgence pour protéger et améliorer les conditions de vie des insectes. »

Cependant, ce passage est entre crochets et est donc probablement encore en discussion.

Pendant ce temps, la querelle d'experts sur la façon de compter correctement les insectes se poursuit. La publication de Hallmann et al. « More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas » (un déclin de plus de 75 pour cent en 27 ans de la biomasse totale d'insectes volants dans des zones protégées) paru dans Plos One en octobre [2017] a déclenché beaucoup de remous dans les médias, et aussi de critiques méthodologiques. Comme l'a rapporté la FAZ [Frankfurter allgemeine Zeitung], les auteurs ont maintenant répondu à la critique selon laquelle le fort changement dans la biomasse dépend de l'année de départ. Ils écrivent que leur modèle statistiques aboutit à des résultats similaires avec une année de départ différente :

« Cependant, pour lever tous les doutes, et à titre de contrôle de robustesse, nous avons ré-exécuté nos modèles statistiques, et les calculs de tendance sont comme suit :

• Années 1989 – 2016 : baisse globale de 76,7 % – baisse au milieu de l'été de 81,6 % (n = 1503 points de données, comme dans l'article)

• Années 1991 – 2016 : baisse globale de 76,8 % – déclin au milieu de l'été de 82,0 % (n = 1279 points de données). »

La FAZ conclut que la « méthode d'estimation statistique sophistiquée » des auteurs n'avait à l'évidence pas été comprise :

« Ainsi le professeur de statistiques Walter Krämer l'a critiquée pour RWI [Leibniz-Institut für Wirtschaftsforschung (Institut Leibnitz de Recherche Économique, anciennement Rheinisch-Westfälisches Institut für Wirtschaftsforschung, Institut de Recherche Économique de Rhénanie-Westphalie] comme "Unstatistik" [degré zéro de la statistique]. »

Aujourd'hui, le professeur Krämer réagit dans une interview avec die Welt :

« Dois-je répondre à de telles allégations ? Je m'occupe de ces méthodes depuis des décennies et je m'en tiens à mes critiques. L'échantillonnage a été fait en deçà du sérieux scientifique habituel. Ce sont des emplacements aléatoires qui ont été changés encore et encore . Les données sont donc de mauvaise qualité et non généralisables. D'un point de vue statistique, il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites de manière sub-optimale. »

Les données collectées sont si hétérogènes qu'on ne peut en dériver aucune généralisation : des lieux différents, des nombres d'échantillons différents par lieu et/ou par année. Pour trois années, aucun échantillon n'a été prélevé. Les lacunes dans le pool de données sont comblées par des estimations. Mais ces estimations sont fondées sur certaines hypothèses de base qui, à leur tour, doivent d'abord être justifiées. Mais cela n'a pas été fait dans Hallmann et al. Il y a là un principe, a expliqué le professeur Kramer à la suite d'une nouvelle demande : « Garbage in, garbage out » – Si j'introduis des foutaises dans mon modèle, j'obtiens des foutaises à la sortie.

Un modèle pour la détermination de la biomasse des insectes est fourni par une étude réalisée en Grande-Bretagne. « Long-term changes in the abundance of flying insects » (changements à long terme dans l'abondance des insectes volants) est le produit d'un projet de l'institut Rothamsted Research : toujours au même endroit, toujours les mêmes pièges, toujours le même rythme d'échantillonnage et sur une longue période. « C'est l'étalon-or », explique Krämer. Rothamsted est de toute façon considéré comme la Mecque de la statistique. C'est ici qu'a travaillé dans les années 1920 Ronald A. Fisher, qui a par exemple établi des normes importantes en matière de conception des dispositifs d'essai.

Qu'il y ait une diminution des populations d'insectes, le professeur Kramer le considère comme tout à fait plausible : « Je ne conteste pas du tout qu'il y ait quelque chose là, mais cela doit être établi de manière méthodologiquement correcte », explique-t-il ; et il précise :

« Ce qui m'énerve, c'est que les médias – même les titres de qualité comme FAZ, SZ, ZEIT et dpa – reprennent n'importe quelle connerie sans vérifier. Ils ont pourtant l'obligation de regarder de plus près. »

Liens

• Englische Insekten – 30 Jahre Beobachtung (insectes anglais – 30 années d'observations)

• Nun sprühen sie wieder (et maintenant, ils traitent de nouveau)

• Insektensterben – alles Scheiße? (mort des insectes – que de la merde ?)

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* Susanne Günther a étudié la philosophie, et est rédactrice diplômée ; a atterrit à la campagne.

Source : https://schillipaeppa.net/2017/11/17/insekten-zahlen/

** Ce texte a été publié le 17 novembre 2017. À l'époque, la CDU-CSU tentait de constituer une coalition avec les libéraux du FDP et les Verts (coalition « Jamaïque », les couleurs des trois partis correspondant à celles du drapeau du pays).

La Groko (grande coalition entre la CDU-CSU et le SPD) n'est pas en reste :

« Nous préservons notre environnement pour les générations futures : promouvoir la protection de la biodiversité. Engagement efficace contre la mort des insectes. Initiatives pour un air pur et la protection de l'eau, du sol et des océans, notamment contre la pollution par les déchets. »

[...]

Stratégie agricole et protection contre les insectes

Nous mettrons en œuvre la stratégie agricole pour, notamment, une utilisation des produits de protection des plantes respectueuse de l'environnement et compatible avec la nature en concertation avec l'agriculture et la soutiendrons de manière adéquate par des financements pour des mesures de mise en œuvre de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité et en particulier pour la protection des insectes. La protection des abeilles nous tient particulièrement à cœur. Nous présenterons ces stratégies d'ici le milieu de la législature.

[...]

Protection de la biodiversité

Nous combattrons la mort des insectes. Avec un "programme d'action pour la protection des insectes", nous voulons améliorer les conditions de vie des insectes. Nous voulons mettre en place un centre de surveillance scientifique sur la biodiversité avec la participation du Ministère Fédéral de l'Environnement et du Ministère Fédéral de l'Agriculture.

Le moins que l'on puisse dire est que la science poubelle activiste a été efficace et qu'en matière de démagogie « verte », les Verts allemands ont trouvé de robustes concurrents.