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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Mort des insectes – que de la merde ?

8 Mai 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Schillipaeppa

Mort des insectes – que de la merde ?

 

Schillipaeppa*

 

 

 

 

Après le dépérissement des forêts, la mort des insectes ? Qu'y a-t-il dans le dernier scénario de fin du monde ? Déjà cet été, la question bouillait en réaction à une réponse du gouvernement fédéral à une petite question du groupe parlementaire de l'Alliance 90/Les Verts. Maintenant, le sujet est de nouveau sur la table en raison d'une nouvelle publication.

 

 

Le fumier dégage du gaz hilarant

 

Bien que les auteurs de l'étude n'aient pu identifier aucune cause du déclin des insectes signalé, les médias ont choisi un des suspects habituels, facile à identifier, et joué dans la main des politiques : comme souvent, ce sont à nouveau les agriculteurs qui doivent être blâmés ; cette fois-ci – oh surprise ! – à cause des pesticides, des produits de protection des plantes.

 

La Hannoversche Allgemeine a cité la Ministre Fédérale de l'Environnement Barbara Hendricks en juillet 2017 :

 

« "L'agriculture d'aujourd'hui rend la survie des insectes difficile : de grandes quantités de pesticides sont mises en œuvre, et il y a trop peu de bandes fleuries et de haies", dit Hendricks. Une raison importante de la disparition des insectes est "l'utilisation exagérée" d'insecticides et d'herbicides totaux tels que le glyphosate. "C'est pourquoi il ne devrait pas y avoir de ré-autorisation pour le glyphosate sans exigences efficaces en matière de conservation de la biodiversité", explique Hendricks. Selon la Commission Européenne, l'herbicide devrait être autorisé pour une nouvelle durée dix ans. »

 

Curieusement, le mot « glyphosate » n'apparaît même pas dans la réponse du gouvernement fédéral de cet été [2017]. Parmi les causes il y a ce qui suit :

 

« 15. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral considère comme étant les raisons du déclin des insectes ?

 

Le déclin des espèces d'insectes peut être causé par un ensemble de facteurs différents. Ceux-ci incluent notamment l'existence d'habitats, l'offre en nourriture, l'altération et la présence de structures dans le paysage comme les orées, les haies, ou les lisières de forêts étagées, le mode d'utilisation et de gestion du paysage (entre autres les eaux, prés et champs), la présence de contaminants (y compris les produits de protection des plantes) ou la fragmentation du paysage. En outre, les conditions météorologiques annuelles et le changement climatique ont un impact significatif sur les populations d'insectes. »

 

 

Commençons aujourd'hui par les causes : supposons qu'il y ait moins d'insectes aujourd'hui qu'il y a 30 ans ; il y a des raisons de le croire, mais à quoi cela pourrait-il être dû ?

 

 

Ventes (en tonnes) de différents groupes de matières actives de produits de protection des plantes (de bas en haut : herbicides ; fongicides ; insecticides et acaricides pour traitements aériens en champ ; gaz inertes pour la conservation des produits ; autres)

 

 

En tant que travailleuse agricole, je suis toujours abasourdie par la mise au pilori quasi automatique. Parce que je sais que dans les grandes cultures, des insecticides ne sont utilisés de manière régulière que pour le colza. Dans les céréales, on traite parfois contre les pucerons parce qu'ils propagent certaines maladies virales, mais seulement lorsqu'il y a une certaine pression d'infestation. Dans le maïs, on lutte contre la pyrale en priorité biologiquement avec des guêpes parasitoïdes, des trichogrammes. Ce n'est donc pas le cas, comme on le prétend souvent, que les insecticides sont appliqués à grande échelle, au niveau national. En outre, les exigences pour les matières actives sont devenues de plus en plus strictes au fil du temps. À ma connaissance, 16 % seulement des substances actives approuvées dans le monde sont autorisées dans l'UE. Les bidons avec des têtes de mort comme symbole d'avertissement, il n'y en a plus chez nous. Les chiffres des ventes rapportés par l'Agence Fédérale pour l'Environnement (UBA) montrent certes des fluctuations dans les insecticides, mais aucune augmentation significative depuis les années 1990 (voir graphique). Ce qui a clairement augmenté, ce sont les gaz inertes pour le stockage et la conservation, mais cela ne devrait jouer aucun rôle à l'extérieur, dans la nature.

 

Quoi d'autre pourrait jouer un rôle ? Je peux en imaginer beaucoup.

 

 

1. Artificialisation des terres

 

Chaque jour, en Allemagne, environ 66 hectares de terres sont convertis en zones résidentielles et de circulation. Environ la moitié est artificialisée, c'est-à-dire construite, pavée ou asphaltée.

 

 

Accroissement des surfaces dédiées aux résidences et à la circulation (en hectares/jour). En violet, circulation ; en jaune, zones de détente et cimetières ; en bleu, bâtiments et abords, bâtiments industriels, sans les zones de friches. La courbe représente la tendance en moyenne glissante sur quatre ans.


 

Proportion des surfaces dédiées aux résidences et à la circulation pour l'Allemagne sans la Saxe-Anhalt et les États fédéraux. Les États fédéraux sont classés selon leur densité de population. En violet, surface artificialisée ; en jaune, surface non artificialisée.

 

 

2. Changements dans l'élevage

 

 

Évolution des effectifs en Allemagne (en millions de têtes, puis en UGB). Dans l'ordre : bovins, porcs, volailles, ovins, caprins, chevaux. Source : DBV

 

 

Il y a moins de bétail et les animaux vivent de plus en plus souvent en étable. Et : les bâtiments d'élevage doivent répondre aujourd'hui à des normes d'émissions et d'hygiène beaucoup plus strictes. Il n'y a guère plus de tas de fumier à l'air libre dans les villages. Les grandes exploitations doivent souvent couvrir leurs aires de stockage de fumier et leurs silos-couloirs. Les fosses à lisier sont souvent aussi couvertes pour des raisons de protection contre les émissions. La garde d'animaux de pâturage typiques tels que les moutons et les chèvres a fortement diminué. En bref, il y a, dans le paysage agricole, moins d'excréments d'animaux qui fournissent de la nourriture et un habitat à de nombreux insectes.

 

 

3. Stockage des ordures

 

Les ordures sont de moins en moins mises en décharge. Depuis 2005, les déchets ménagers doivent être prétraités avant d'être mis en décharge, c'est-à-dire que les déchets sont d'abord valorisés thermiquement dans une usine d'incinération. Seules les cendres sont encore mises en décharge. Dans les années 1990, avec le Système Dual, on a mis en place une filière de recyclage supplémentaire pour les déchets d'emballage. À la même époque a été introduit le bac de biodéchets pour les déchets compostables. J'ai un thermo-composteur dans le jardin où je collecte les déchets de jardin et de cuisine. Il s'y passe beaucoup de choses en été : beaucoup de nouveaux insectes.

 

 

Nos déchets ménagers n'étant plus mis en décharge, des tonnes de nourriture échappent aux insectes.

 

 

4. Pollution lumineuse

 

L'illumination de la nuit par la lumière artificielle n'est pas seulement un problème esthétique, car on ne voit guère plus les étoiles dans les villes, mais c'est aussi un vrai fardeau pour le monde animal. Les scientifiques estiment que plus d'un milliard d'insectes meurent chaque jour autour des lampadaires allemands. En utilisant des ampoules modernes, on pourrait améliorer la situation.

 

 

5. Augmentation du trafic de livraison sur les routes

 

 

De haut en bas : camions étrangers ; transport pour le propre compte de l'entreprise ; transport pour d'autres entreprises

 

Transport de personnes et de marchandises (en personnes ou tonnes/kilomètre)

 

 

Alors que le trafic de passagers n'augmente que légèrement, le transport de marchandises augmente rapidement – de sorte que de plus en plus de camions circulent sur nos routes et autoroutes. Ces camions font également des victimes chez les insectes volants.

 

 

6. Conception des jardins

 

Au cours des dernières années, des lits de galets faciles d'entretien ont été mis en place : entourés de zones pavées et bétonnées, il y a au mieux quelques plantes vertes ne fleurissant pas et des pelouses parfaitement tondues. Aucune abeille n'y trouvera de quoi butiner, et les hôtels à insectes n'y feront rien.

 

Les jardins qui ressemblent à des fouilles archéologiques d'anciennes latrines sont particulièrement attrayants à côté des places de stationnement modernes et témoignent de la conscience historique de de leurs propriétaires.

C'est ici qu'Antiquité et la Modernité constituent une synthèse crédible.

 

7. Propreté publique

 

Nos villages et nos villes sont généralement propres et bien tenues. Cela peut être agréable à l'œil, mais cela n'aide pas la faune. Par exemple, les moineaux sont heureux quand il y a de quoi picorer dans la cour de ferme :

 

 

Même dans le jardin, vous pouvez délibérément mettre en place des coins peu entretenus ; laisser traîner un tas de branches coupées et de feuilles. Cela apporte plus qu'un hôtel à insectes acheté dans une quincaillerie.

 

 

Conclusion

 

Ne vous méprenez pas : ce n'est pas là une manœuvre de distraction. L'agriculture contribue certainement aux changements dans les populations d'insectes, mais les autres domaines de la vie mentionnés ci-dessus certainement aussi. Pour une grande partie, comme le traitement des déchets, il ne peut y avoir de retour en arrière, mais il faudrait au moins en prendre note. J'espère que, dans le débat public, l'horizon sera élargi en conséquence.

 

________________

 

* Susanne Günther a étudié la philosophie, et est rédactrice diplômée  ; a atterrit à la campagne.

 

Source : https://schillipaeppa.net/2017/10/23/insektensterben-alles-scheise/

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