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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Parlement européen et OGM : qu'importent les conséquences politiques !

11 Juin 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Union européenne

Parlement européen et OGM : qu'importent les conséquences politiques !

 

 

 

 

Le groupe des Verts | Alliance libre européenne du Parlement européen pavoise : Le Parlement européen l'affirme : Il ne veut pas d'OGM, nouveaux ou anciens, ici ou en Afrique.

 

C'est que, lors de sa session du début de semaine, le 8 juin 2016, le Parlement a adopté à de larges majorités une série d'objets qui portent son empreinte.

 

Nous nous intéresserons ici à une objection à l'importation et la mise sur le marché d'un maïs génétiquement modifié. Le maïs (ou plutôt les maïs car ce qui est référencé par un sigle est décliné en plusieurs variétés) est le Bt11 x MIR162 x MIR604 x GA21. Il porte quatre transgènes de résistance à des lépidoptères et des coléoptères parasites ainsi que deux gènes de tolérance au glyphosate et au glufosinate ammonium, respectivement.

 

 

Tragique de répétition...

 

Le scénario est bien rodé : la Commission européenne doit consulter les États membres avant de promulguer une décision d'exécution autorisant la mise sur le marché de produits GM. Il faut une majorité qualifiée, dans un sens ou un autre (acceptation ou refus), et les États membres s'ingénient pour tomber dans la zone grise. La décision – le mistigri – revient alors à la Commission, fort embêtée.

 

Et, au Parlement européen, cela donne dans le cas du maïs :

 

« J. considérant que, le 22 avril 2015, la Commission déplorait, dans l'exposé des motifs de sa proposition législative modifiant le règlement (CE) n° 1829/2003, le fait que depuis l'entrée en vigueur dudit règlement, elle avait dû adopter les décisions d'autorisation, conformément à la législation applicable, sans le soutien des avis des comités des États membres, et que, par conséquent, le renvoi du dossier à la Commission pour décision finale, qui aurait dû constituer vraiment une exception dans le cadre de la procédure dans son ensemble, était devenu la règle dans le processus décisionnel relatif aux autorisations de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux génétiquement modifiés;

 

1. considère que le projet de décision d'exécution de la Commission excède les compétences d'exécution prévues dans le règlement (CE) n° 1829/2003;

 

2. demande à la Commission de retirer son projet de décision d'exécution; »

 

 

...juridiquement délirant...

 

Le Parlement peut considérer ce qu'il veut. Est-ce pour autant fondé ? La simple lecture de la citation précédente – qui reproduit l'intégralité de l'argumentation juridique – suffit à démontrer que le Parlement excipe d'un excès de pouvoir sur la base, non pas d'une disposition législative qui serait méconnue par la Commission ou d'une absence de disposition lui conférant le pouvoir, mais d'un avis de la Commission sur une caractérisation de la procédure suivie.

 

 

...aux conséquences mesquines...

 

La résolution du Parlement nous entraîne, comme souvent, dans le maquis juridique du droit unioniste. Le Règlement (CE) No 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (article 7, qui mène à l'article 35 à condition de tout lire et de faire preuve de sagacité, qui...), renvoie pour ce qui nous concerne, à la Décision du Conseil No 1999/468/CE du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission.

 

Selon son article 8,

 

« Lorsque le Parlement européen indique, par une résolution motivée, qu'un projet de mesures d'exécution, dont l'adoption est envisagée et qui a été soumis à un comité en vertu d'un acte de base adopté selon la procédure visée à l'article 251 du traité, excéderait les compétences d'exécution prévues dans l'acte de base, la Commission réexamine ce projet. La Commission peut, compte tenu de cette résolution, dans le respect des délais de la procédure en cours, soumettre au comité un nouveau projet de mesures, poursuivre la procédure ou présenter au Parlement européen et au Conseil une proposition sur la base du traité.

 

La Commission informe le Parlement européen et le comité des suites qu'elle entend donner à la résolution du Parlement européen ainsi que de leurs raisons. »

 

Pour « le respect des délais de la procédure en cours », nous disons : « pouce ». Ça n'a du reste plus gère d'importance au stade où nous sommes. La procédure d'autorisation, entamée le lundi 9 février 2009 – il y a plus de sept ans –, fera l'objet d'une boucle de plus.

 

Mais le drame est que les différents transgènes et des combinaisons de deux ou trois d'entre eux sont déjà autorisés (certes, par une Commission contrainte de décider sans le concours des États).

 

Le Parlement européen, en définitive, n'a fait que parachever l'œuvre des États membres.

 

 

...aux conséquences délétères

 

Voici la rhétorique des Verts du Parlement européen, qui se prétendent les plus européens des Européens :

 

« Il s'agit de la cinquième et de la sixième objection à l'importation d'OGM votées depuis décembre 2015 (toutes proposées par les Verts/ALE). Derrière ces objections répétées, il s'agit en fait de remettre en question le processus de décision concernant ces importations, que le Parlement ne considère pas comme démocratique. »

 

« ...pas […] démocratique » ? L'Union européenne n'a pas besoin de ça.

 

 

Ah, le glyphosate...

 

Comme on l'a vu ci-dessus, un des parents (GA21 alias MON00021-9) porte une tolérance au glyphosate. La résolution ne pouvait pas se priver d'une référence. La voici :

 

«  considérant que le 20 mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer, l'agence spécialisée de l'Organisation mondiale de la santé en matière de recherche sur le cancer, a classé le glyphosate comme étant probablement cancérigène pour l'homme ; »

 

Le Parlement européen, dans sa majorité, a donc choisi d'ignorer les avis des instances européennes que sont l'EFSA et l'ECHA (avis provisoire pour cette dernière) ; y compris les avis de ces dernières sur le classement adopté par le CIRC.

 

Parce que ça l'arrange, donc, l'horloge de l'histoire – et de la science – s'est arrêtée en mars 2015.

 

 

Gribouille au Parlement

 

Notons encore une autre incongruité :

 

« vu la proposition de résolution de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, »

 

Le juriste ne peut manquer de s'étonner : le Parlement s'appuie, pour légiférer, sur un texte sur lequel il ne s'est pas encore prononcé !

 

 

Mais faut-il blâmer les seuls Verts ?

 

Certes non, puisque la résolution a été adoptée par 426 voix contre 202 et 33 abstentions. Le centre-droit (EPP) et le centre (ADLE) avaient appelé à voter contre. Les Verts et les socialistes se sont alliés, en pratique, aux deux extrêmes. C'est leur choix, exercé dans le cadre d'un processus démocratique.

 

Mais ces honorables parlementaires sont-ils conscients qu'avec leur hostilité maladive aux OGM et leurs bisbilles avec la Commission, ils alimentent l'euroscepticisme, l'europhobie et la montée des extrêmes droites ?

 

Le 23 juin 2016, les Britanniques voteront sur le Brexit.

 

Fait intéressant, les eurosceptiques britanniques du Parlement européen ont été déchirés entre leur euroscepticisme et leur réalisme économique. Ils n'ont pas pris part au vote ou ont émis un vote d'abstention.

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