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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Une décision de l'UE menace la nécessaire recherche végétale

4 Octobre 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #CRISPR, #Politique, #Union européenne

Une décision de l'UE menace la nécessaire recherche végétale

 

Trois haut responsables académiques suédois s'expriment

 

 

En tant que vice-recteurs d'universités et d'établissements d'enseignement supérieur suédois, nous critiquons vivement une décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne.

 

Université Suédoise des Sciences Agricoles (SLU)

 

Cette décision place la nouvelle technologie d'édition génomique sur un pied d'égalité avec l'ancienne technologie OGM. Scientifiquement, ces technologies diffèrent clairement, et elles ont des potentiels, des possibilités et des effets complètement différents.

 

En limitant la possibilité d'utiliser ce nouvel outil de recherche précis, les possibilités de développer de nouvelles cultures durables sont également limitées. Cela menace toute la future offre alimentaire de l'Europe, ainsi que l'offre d'autres produits biologiques importants et le travail visant à réduire l'impact négatif de l'agriculture sur l'environnement.

 

L'édition génomique implique un petit changement, dirigé, du génome de la plante, comparable à une mutation naturelle. En raison de la décision de la Cour de Justice, des évaluations de risques inutiles doivent maintenant être effectuées avant d’utiliser cette technologie.

 

Nous pensons que les effets négatifs de cette décision seront considérables s’agissant de la recherche et de l’innovation nécessaires à la future bioéconomie. L'obtention d'une autorisation de mise sur le marché coûtera tellement cher que, dans la pratique, il sera désormais impossible pour les chercheurs universitaires et les petites et moyennes entreprises de développer des plantes modifiées par édition génomique pour le marché européen. En pratique, classer les plantes modifiées par édition génomique en tant qu'OGM signifie une interdiction de leur culture dans l'UE.

 

Cela affectera négativement nos possibilités de développer l'agriculture future en réduisant dans le même temps l'utilisation de biocides et d'engrais et en maintenant les niveaux de production. Cela rendra plus difficile le développement agricole – de nouveaux types de plantes présentant de nouvelles qualités telles que la tolérance à la sécheresse, des valeurs nutritionnelles plus élevées ou la résistance à des maladies des plantes.

 

Il est remarquable que la décision affirme que les mutations aléatoires, provoquées par un rayonnement radioactif ou des produits chimiques mutagènes, seront exemptées de la réglementation, tandis que d'autres méthodes nouvelles et précises permettant d'atteindre le même résultat seront réglementées. La Cour déclare que la raison en est que les plantes qui ont subi une mutation à l'aide de produits chimiques ou de radiations sont utilisées depuis longtemps, ce qui signifie que les méthodes sont considérées comme fiables. Il convient également de mentionner que l'UE a déjà dépensé des milliards d'euros pour la recherche sur les risques liés aux organismes génétiquement modifiés (OGM) sans avoir trouvé la moindre preuve d'un risque pouvant être lié à la technologie d'amélioration des plantes choisie.

 

La Cour a procédé à une évaluation d'une directive qui va à l'encontre de l'évaluation faite par son propre avocat général en janvier 2018 et de l'évaluation de l'Office Suédois de l'Agriculture de 2015 ; selon ces évaluations, les plantes mutées doivent être traitées de la même manière, quelle que soit la méthode utilisée. Des évaluations similaires ont également été faites par les autorités aux États-Unis et au Japon, par exemple. Aujourd'hui, l'édition génomique dans la sélection végétale ne rencontre aucun obstacle en Afrique, en Amérique ou en Asie, où la technologie est considérée comme très prometteuse, notamment pour sécuriser l'approvisionnement alimentaire dans les régions où la famine est encore courante.

 

Il est regrettable que la Cour n'ait pas examiné les preuves scientifiques existantes, par exemple que les plantes modifiées par édition génomique comportent des modifications plus précises que les plantes traitées avec un rayonnement radioactif ou des produits chimiques mutagènes. Naturellement, cela réduit le risque d'effets indésirables issus de l'amélioration des plantes.

 

Bien que la décision fasse référence au principe de précaution et au risque d'effets indésirables sur l'environnement, nous pouvons confirmer que la législation européenne en matière de biosécurité contrecarre son objectif, dans ce domaine, car elle réglemente différemment les cultures similaires – présentant des risques similaires. Nous pensons que le principe de précaution devrait pouvoir mettre en évidence plus d’une perspective. Dans ce contexte, nous sommes convaincus de la nécessité d’une amélioration des plantes moderne pour assurer la sécurité de l’approvisionnement alimentaire, mettre au point de nouveaux produits biologiques et réduire les problèmes environnementaux, notamment à la lumière des changements climatiques. Si nous ne sommes pas autorisés à utiliser ces technologies, il existe un risque considérable que nous ne puissions pas faire face aux défis futurs.

 

Les plantes sont des usines chimiques fondées sur la photosynthèse et la pierre angulaire de la bio-économie future est le développement de plantes produisant des produits utiles autres que ceux d’aujourd’hui – dans les champs, dans les exploitations horticoles, dans des bassins de production ou des bioréacteurs fermés. La recherche universitaire suédoise est en avance dans ce domaine, mais nos projets dépendent des technologies moléculaires désormais interdites par cette décision. Enfin, cette décision affectera négativement la coopération internationale avec les pays qui ont décidé de ne pas réglementer de la sorte les cultures produites par édition génomique. L'UE sera obligée d'essayer de réglementer l'importation de plantes modifiées par édition génomique en provenance du reste du monde – où elles seront produites en tant que « cultures conventionnelles » – en dépit du fait qu'elles ne peuvent pas être distinguées. Cela encouragera la tricherie et la concurrence déloyale.

 

À la lumière de cette décision, il est clair que les affaires de nature scientifique requièrent des efforts accrus de la part des institutions connaissant bien le domaine. Des autorités publiques telles que le Conseil Suédois de l'Agriculture, l'Agence Nationale Suédoise de l'Alimentation et l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) accomplissent un excellent travail en harmonie avec la science établie : elles pourraient fournir des orientations avant la réforme de la législation.

 

Naturellement, les établissements universitaires sont prêts à apporter des connaissances scientifiques sur, par exemple, la différence entre les plantes modifiées par édition génomique et les plantes produites de manière conventionnelle. Malheureusement, nos opinions et nos compétences n'ont pas encore été utilisées, mais nous espérons qu'une réforme de la législation sur la prévention des risques biotechnologiques sera fondée sur les connaissances universitaires.

 

Nous espérons que les responsables politiques aux niveaux national et européen seront conscients des nombreuses conséquences négatives de cette décision et qu'ils développeront rapidement une nouvelle politique basée sur la science dans ce domaine.

 

Peter Högberg, Vice-recteur de l'Université Suédoise des Sciences Agricoles (SLU)

Torbjörn von Schantz, Vice-recteur, Université de Lund

Stefan Bengtsson, Président et Directeur Général, Chalmers University of Technology

 

_____________

 

Source : https://www.slu.se/en/ew-news/2018/9/eu-decision-gene-editing/

 

Traduit à partir de la traduction anglaise du texte paru dans DN Debate le 12 septembre 2018.

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