Remettre en question le mythe du déclin des populations d'oiseaux et d'insectes des zones agricoles en Grande-Bretagne
Peter Button, Daniel Pearsall et Matt Ridley, Science for Sustainable Agriculture*
Les preuves scientifiques réfutent de plus en plus le discours alarmiste selon lequel nos populations d'oiseaux et d'insectes des zones agricoles sont en train de disparaître en raison de l'agriculture intensive. En réalité, le nombre total d'oiseaux et d'insectes en Grande-Bretagne est stable depuis 30 ans. Les insectes d'eau douce prospèrent. Bon nombre des ONG à l'origine des affirmations trompeuses sur l'effondrement écologique ont fondé leurs campagnes et leurs stratégies de collecte de fonds sur cette stratégie alarmiste. Ce faisant, elles risquent de nuire aux causes mêmes qu'elles prétendent défendre, affirment MM. Peter Button, Daniel Pearsall et Matt Ridley.
Au début de la semaine, Science for Sustainable Agriculture a réitéré son appel en faveur d'une révision urgente de la liste « limitée et très sélective » des espèces indicatrices utilisées par le gouvernement britannique pour déterminer l'état de la faune aviaire dans les zones agricoles britanniques et en rendre compte
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Cet appel fait suite à la publication d'un nouveau rapport du ministère britannique de l'Environnement, DEFRA, intitulé « Wild bird populations in the UK and England, 1970 to 2024 » (populations d'oiseaux sauvages au Royaume-Uni et en Angleterre, 1970 à 2024), qui suggère que le nombre d'oiseaux des terres agricoles britanniques a fortement diminué au cours des années 1970 et 1980, et que, bien que le rythme de déclin ait depuis ralenti, « les populations ont continué à décliner à un rythme rapide, diminuant de 11 % au cours des cinq années depuis 2019 ».
Comme on pouvait s'y attendre, le rapport du DEFRA a été accueilli par les médias qui ont titré que les populations d'oiseaux des zones agricoles britanniques avaient chuté de plus de 60 % depuis 1970, renforçant ainsi le discours populaire selon lequel l'agriculture intensive moderne est à l'origine d'une crise écologique pour notre faune sauvage.
Il a également incité la RSPB [société royale de protection des oiseaux], l'un des principaux auteurs du rapport du DEFRA, à demander que davantage d'argent des contribuables soit consacré à une « agriculture respectueuse de la nature ».
Pourtant, un examen plus approfondi des données révèle une réalité très différente. Les évaluations de la biodiversité réalisées par le gouvernement sont fondées sur une liste restrictive et obsolète de seulement 19 espèces d'oiseaux, un instantané figé dans le temps depuis plus d'un demi-siècle.
L'indice des oiseaux des zones agricoles ne reflète plus la diversité des espèces présentes dans les zones agricoles britanniques et exclut des espèces importantes telles que la corneille noire et le pinson des arbres, des oiseaux de plus en plus importants dans les zones agricoles tels que le goéland argenté et le goéland brun, ainsi que des rapaces prospères tels que le milan royal et la buse variable.
En revanche, des ensembles de données plus complets, couvrant des dizaines d'espèces associées aux terres agricoles, révèlent que les populations d'oiseaux sont restées globalement stables, affichant même une légère augmentation au cours des dernières décennies.
Cette divergence est importante. Non seulement elle remet en question la fiabilité des indicateurs officiels de biodiversité, mais elle révèle également l'influence indue des ONG environnementales sur la manière dont ces données sont présentées.
Bon nombre de ces organisations ont fondé leurs campagnes, et même leurs stratégies de collecte de fonds, sur des affirmations alarmistes selon lesquelles la biodiversité s'effondre sous le poids de l'agriculture intensive. Si ce discours peut faire les gros titres et générer des dons, il risque toutefois de fausser les véritables priorités en matière de conservation.
La biodiversité n'est pas statique ; les espèces apparaissent et disparaissent en fonction de multiples facteurs, notamment la prédation, les maladies, le changement climatique et la concurrence. Se concentrer uniquement sur l'agriculture productive comme principal responsable ignore ces complexités et risque de détourner l'attention des défis plus urgents où les efforts de conservation pourraient faire une réelle différence.
Le même scénario se produit actuellement en ce qui concerne les populations d'insectes en Grande-Bretagne, dont on nous avertit fréquemment qu'elles sont en chute libre et menacées d'une « apocalypse ».
Au début du mois, un groupe d'ONG environnementales britanniques a publié la « Déclaration de Bristol », mettant en garde contre une « crise du déclin des insectes » et appelant à agir face au « déclin alarmant et continu des populations d'insectes au Royaume-Uni ».
Selon la déclaration, les causes de ce déclin sont « bien documentées » et comprennent « l'utilisation de pesticides et de produits chimiques » et « l'agriculture intensive », aux côtés d'autres facteurs tels que la perte d'habitat et le changement climatique.
Cette déclaration arrive donc à point nommé, après la publication dans la revue Nature Communications d'une étude évaluée par des pairs sur l'état des populations d'insectes en Grande-Bretagne qui, reflétant pratiquement les données plus complètes sur les oiseaux sauvages, conclut que, bien qu'il y ait eu des changements dans la diversité et la répartition des espèces d'insectes au cours des trois dernières décennies, il n'y a pas eu « de déclin à l'échelle de la Grande-Bretagne depuis 1990 ».
Cet article, rédigé par des scientifiques de Rothamsted Research mais auquel ont également participé des représentants de certaines ONG à l'origine de la Déclaration de Bristol, dresse un tableau complexe. Si le nombre total d'insectes est stable depuis 1990, des changements localisés et une restructuration des communautés sont largement répandus, principalement en raison de l'urbanisation, de la simplification des paysages et du changement climatique.
L'article suggère que cette compréhension plus nuancée des changements qui s'opèrent dans les populations d'insectes en Grande-Bretagne contredit le discours omniprésent sur l'effondrement général des insectes. Les auteurs soulignent l'importance du contexte local et des réponses spécifiques à chaque espèce.
À l'aide de modèles d'apprentissage automatique, les scientifiques ont examiné plus de 1.200 espèces d'insectes appartenant à neuf grands groupes, allant des papillons de jour et de nuit aux abeilles et aux syrphes, afin de suivre les changements dans leur répartition et d'identifier les caractéristiques qui influencent ces réponses.
Deux caractéristiques se sont révélées particulièrement influentes : l'étendue de l'habitat, qui détermine la manière dont les espèces réagissent à l'évolution de la diversité des paysages, et le voltinisme, ou le nombre de générations produites en un an, qui influence la manière dont les insectes s'adaptent à la hausse des températures et à la modification des cycles saisonniers.
Les conclusions de l'étude remettent en question l'idée simpliste selon laquelle tous les insectes sont en déclin uniforme. L'une de ses conclusions les plus importantes concerne l'interaction entre les caractéristiques des espèces et les facteurs environnementaux. En comprenant comment des caractéristiques telles que le voltinisme et l'étendue de l'habitat influencent les réactions aux changements environnementaux, les scientifiques spécialisés dans la conservation peuvent mieux prédire quelles espèces sont susceptibles de prospérer et lesquelles sont vulnérables, ce qui a des implications importantes pour l'élaboration de politiques de conservation et d'utilisation des terres davantage fondées sur des preuves.
Surtout, l'étude contredit et remet directement en cause le discours des ONG selon lequel nos populations d'insectes disparaissent à un rythme alarmant, ou qu'il serait bénéfique pour le nombre d'insectes de s'éloigner de l'agriculture à haut rendement.
En fait, en nécessitant plus de terres pour répondre à nos besoins alimentaires, mettre davantage l'accent sur une agriculture à faible rendement, dite « respectueuse de la nature », pourrait en réalité aggraver la situation.
Cet article publié dans Nature Communications n'est pas le seul à remettre en question les affirmations selon lesquelles le Royaume-Uni serait confronté à une « crise du déclin des insectes ».
Une autre étude approfondie menée par des chercheurs du Centre for Ecology and Hydrology (CEH) du Royaume-Uni et publiée en décembre 2023 a révélé que la biodiversité des invertébrés d'eau douce en Angleterre s'était considérablement améliorée depuis 1989.
Dans le cadre de l'une des analyses les plus vastes et les plus complètes au monde de données de surveillance à long terme (couvrant plus de 30 ans), les chercheurs ont analysé plus de 223.000 enregistrements sur l'eau douce collectés par l'Agence pour l'Environnement entre 1989 et 2018, examinant des espèces telles que les libellules, les escargots, les éphémères, les crevettes et les vers. En moyenne, le nombre de familles d'invertébrés sur chaque site a augmenté de 66 %. Les espèces sensibles à la pollution, telles que les éphémères, les plécoptères et les trichoptères, ont connu une reprise particulièrement forte, avec une augmentation de la diversité de 300 %.
Les améliorations observées dans l'étude concernaient tous les types de rivières et toutes les régions, des plaines urbaines aux hautes terres rurales, et les chercheurs ont conclu que l'amélioration de la qualité de l'eau avait été le principal facteur permettant d'inverser le déclin de la biodiversité.
Les preuves scientifiques indiquent donc que les perspectives pour nos insectes d'eau douce, qui font l'objet d'une attention particulière de la part des ONG dans la Déclaration de Bristol, s'améliorent, et ne se détériorent pas.
Les décideurs politiques et les médias grand public doivent en tenir compte.
Si les décisions politiques et l'opinion publique sont guidées par des preuves sélectives et des discours alarmistes des ONG, le danger n'est pas seulement la désinformation, mais aussi la mauvaise allocation des ressources limitées nécessaires à la protection de la nature.
Les demandes concurrentes sur nos ressources foncières limitées ne cessent de s'intensifier. En promouvant une approche agricole à faible rendement et au partage des terres [land-sharing], tout en diabolisant l'agriculture intensive et en menant campagne contre les nouvelles technologies telles que l'édition génomique, qui sont si prometteuses pour réduire l'empreinte environnementale de l'agriculture, ces ONG vont à l'encontre des causes de conservation et de biodiversité qu'elles prétendent représenter.
Bien sûr, un champ cultivable contient moins d'insectes qu'une superficie équivalente de broussailles ou de forêt, car il contient par définition moins d'espèces végétales. Mais ce n'est pas cette comparaison qui importe. Ce qui compte, c'est de savoir si dix acres de terres agricoles à faible rendement abritent plus ou moins d'insectes et d'oiseaux que huit acres de terres à haut rendement plus deux acres de « terres épargnées », si elles produisent le même tonnage de récolte.
Les preuves scientifiques indiquent de plus en plus que la préservation des terres – en concentrant l'agriculture à haut rendement sur nos terres les plus fertiles et en laissant davantage de terres intactes pour la conservation de la nature et de la biodiversité – est le moyen le plus efficace, le plus rentable et le plus durable de répondre à nos besoins alimentaires, d'atteindre nos objectifs de conservation et d'atténuer le changement climatique. Libérer davantage de terres pour la nature est également susceptible de les rendre plus accessibles au public pour qu'il puisse profiter de la campagne – une situation gagnant-gagnant-gagnant pour la sécurité alimentaire, la biodiversité et le bien public !
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* Peter Button a été le secrétaire général adjoint de l'Union Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV), basée à Genève, une organisation intergouvernementale dont la mission est de fournir et de promouvoir un système efficace de protection des variétés végétales, dans le but d'encourager le développement de nouvelles variétés végétales au profit de la société. Issu du milieu de l'amélioration des plantes commerciale au Royaume-Uni, Peter a précédemment occupé des fonctions de conseiller technique au Royaume-Uni auprès de la British Society of Plant Breeders (BSPB) et du ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation (MAFF). Il est membre du comité consultatif de Science for Sustainable Agriculture.
Daniel Pearsall est un consultant indépendant spécialisé dans la communication et l'élaboration de politiques dans les secteurs de l'agriculture, de la chaîne alimentaire et des sciences agricoles. Il dirige une petite exploitation d'élevage en Écosse. Il coordonne l'initiative Science for Sustainable Agriculture.
Matt Ridley est l'auteur de nombreux ouvrages scientifiques. Il a été journaliste et homme d'affaires et a siégé pendant neuf ans à la Chambre des Lords. Il vit dans une ferme du Northumberland.
Source : ButtonPearsallRidley2 | SSA
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