Rembrandt et la meute de cinéastes contre Les Voix du Nucléaire... avec le concours de l'AFP
(Source)
Rembrandt est, paraît-il, un film « engagé ». Et aussi un flop, mais ce n'est pas vraiment le propos.
Visitant la National Gallery à Londres, Claire, physicienne dans le nucléaire, éprouve soudainement un choc émotionnel devant trois œuvres de Rembrandt et c'est la révélation... et une nouvelle vie.
Les Voix du Nucléaire a produit un impressionnant « debunk » sur les aspects liés au nucléaire... et une meute de cinéastes a « dénoncé » une « campagne de discrédit ».
Avec, hélas, sans surprise, le concours de l'Agence France Presse.
Rembrandt, sorti le 24 septembre 2025, est un long métrage de Pierre Schoeller avec Camille Cottin et Romain Duris.
En voyage à Londres avec leur fille pour fêter son anniversaire, Claire et Yves visitent en famille la National Gallery. Devant trois œuvres de Rembrandt, Claire éprouve soudainement un choc émotionnel. C'est la révélation.
Pour FranceInfo, dans une recension complaisante, « "Rembrandt" : l'éveil à la conscience de Camille Cottin dans la peau d'une ingénieure nucléaire », les choses sont claires : « Pierre Schoeller s'attaque au monde intouchable en France : le nucléaire. »
Un « monde intouchable » ? On peut être mort de rire ! Mais ce n'est pas inattendu : c'est le service public audiovisuel...
Le fil conducteur du film, selon FranceInfo ?
« Que se passera-t-il en cas de vague scélérate, des vagues soudaines et très hautes aux abords d'une centrale nucléaire ? Claire se penche sur ces événements appelés "Cygnes noirs", qui ont une très faible probabilité de se produire, mais qui, s'ils se réalisent, ont des conséquences impensables. »
Dans le casting, il y a
« […] une figure emblématique du vieux monde, spécimen parfaitement incarné de cette génération adepte de la politique de l'autruche, arc-boutée sur des positions dogmatiques, incapable de sortir la tête du sable pour accepter de voir la réalité en face. »
En définitive, toujours selon FranceInfo,
« Le sujet est minutieusement documenté, chiffres et courbes à l'appui et on sort de la salle obscure la tête un peu en surchauffe, mais très convaincu. »
Justement... L'association les Voix du Nucléaire a produit un impressionnant « debunk », une œuvre d'utilité publique si, justement, elle atteignait le public... Remercions tout de même l'AFP (voir ci-dessous) de lui avoir fait de la publicité, contrainte et forcée ou, en quelque sorte, à l'insu de son plein gré
C'est « Distinguer fiction et réalité scientifique », sur un site spécial, Face au Nucléaire. C'est décliné en... 22 pavés menant à autant de pages sur :
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Les scénarios catastrophe climatiques et nucléaires : un classé faux et deux, trompeurs ;
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Le mythe du secret : deux faux, un biaisé ;
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Le déni climatique : trois faux, un trompeur, un incomplet ;
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Les faits sur l’énergie nucléaire – sur l’environnement : un faux, un trompeur, un incomplet ;
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Les faits sur l’énergie nucléaire – sur la sécurité : deux faux, un trompeur ;
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Les faits sur l’énergie nucléaire – sur l’indépendance énergétique : un vrai, un biaisé ;
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Sur Tchernobyl et le livre La Supplication : un faux, deux trompeurs.
C'est du lourd ! Du très lourd même. Voici deux exemples :
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Le film, en résumé : « Fukushima et Tchernobyl ont causé des millions de morts. »
Face au Nucléaire : « Les estimations les plus fiables évaluent à environ 8.000 le nombre de décès potentiels dus aux irradiations après l’accident de Tchernobyl. À Fukushima, l’UNSCEAR estime qu’aucune augmentation détectable des cas de cancer ou de mortalité n’est attendue en raison des faibles doses reçues. »
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Le film, en résumé : « Les déchets les plus dangereux sont ceux dont la durée de vie est la plus longue. »
Face au Nucléaire : « La demi-vie radioactive d’un élément est un paramètre physique important, mais n’est pas un critère pertinent pour évaluer la dangerosité des matières et déchets nucléaires. De manière générale, plus un élément a une demi-vie courte, et plus il est dangereux pour l’organisme. Pour évaluer correctement la radiotoxicité, il faut aussi prendre en compte de nombreux paramètres … »
Il y a ainsi des éléments de fausseté qui relèvent de la culture générale, qu'il s'agisse de l'actualité, certes un peu lointaine pour Tchernobyl et Fukushima, ou de la physique.
Le seul élément vrai – que la France importe l'intégralité de son uranium – doit aussi être relativisé, l'approvisionnement étant diversifié, la France disposant de stocks et – ce qui n'est pas mentionné dans la réfutation – la surrégénération permettant de valoriser des stocks considérables de combustibles retraités.
Comment faut-il dès lors qualifier le film, sachant que, selon FranceInfo, on sort convaincu de la salle de cinéma ? Nous oserons : désinformation !
Mais est-il permis de critiquer ainsi une œuvre cinématographique ?
La Société des Réalisatrices et Réalisateurs de Films (SRF) s'est insurgée. Curieusement, nous n'avons pas trouvé la réaction sur son site, ni sur sa page X.
Le site FIFAV – une recherche sur Internet suggère que c'est le Festival International du Film et du Livre d'Aventure de La Rochelle – nous offre un ersatz avec « Le film "Rembrandt" sous le feu des critiques : des cinéastes accusent des pro-nucléaires de lancer une "campagne de dénigrement". »
En résumé :
« Le récent film Rembrandt, réalisé par Pierre Schoeller et mettant en vedette Romain Duris et Camille Cottin, se retrouve au cœur d'une tempête médiatique. Accusé par des associations pro-nucléaires d'exagérer les risques liés à l'énergie nucléaire, le long-métrage fait l'objet d'une campagne de dénigrement orchestrée par des lobbies en défense de cette industrie. La Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) dénonce ces attaques, affirmant qu'elles mettent en péril la liberté créative des cinéastes et soulignent une haine systématique envers le cinéma. Dans un contexte où le changement climatique est de plus en plus préoccupant, cette polémique révèle les tensions entre fiction, réalité scientifique et idéologie. »
Cette page est très répétitive. Citons encore la fin :
« Quel est l'impact de cette campagne sur le film "Rembrandt" ? Selon la SRF, ces accusations créent une pression sur les créateurs, pouvant mener à la disparition de la notion d'œuvre d'auteur, puisque chaque film est suspecté d'être au service d'une idéologie.
Comment se porte le film "Rembrandt" en termes de public ? Lors de sa première semaine d'exploitation, "Rembrandt" a rencontré des difficultés à attirer son public, avec seulement 41.308 spectateurs en France. »
Elle est aussi peu cohérente. Seulement 41.308 spectateurs ? C'est à la fois malgré et à cause des controverses...
L'hypothèse que ce soit un navet n'est évidemment pas salonfähig, recevable. Un navet à 7,5 millions d'euros, dont de l'argent public (selon Grok citant un site payant) ou 8,5 millions (Wikipedia), qui plaira surtout aux adeptes des pamphlets antinucléaires caricaturaux. Appréciation, par exemple, de CinéFilms-Planet :
« Ce qu’on pourrait retenir de l’histoire, c’est qu’on cherche encore à comprendre quels sont tout les liens car ça part vraiment loin qu’on s’y perd. Après un début mystérieux autour des peintures, on s’engage ensuite dans le flou le plus complet tout en mettant beaucoup de conversations scientifiques pas forcément claires pour des néophytes. Puis il y a une forme de militantisme assumé contre l’énergie nucléaire mais au lieu de donner de la nuance pour créer le débat, c’est plutôt à charge et d’un seul point de vue. [...] »
(Source)
Prenons-le de BFMTV : « Le film "Rembrandt" attaqué par des pro-nucléaires ? Des cinéastes dénoncent une "campagne de discrédit" ».
Le titre et le chapô sont bien sûr de BFMTV. Le texte est, sauf erreur, de l'Agence France Presse (AFP).
Dans une telle situation, pour une information de qualité, on s'attendrait à voir une description équilibrée du contexte. Eh bien non... Les critiques sont tout simplement escamotées. L'angle, c'est : « Les méchants lobbyistes contre les pôvres cinéastes » (c'est nous qui graissons) :
« Le long-métrage est ainsi décortiqué sur un site de l'association Les Voix du nucléaire sous l'onglet "Debunk Rembrandt" où sont listées les contre-vérités supposées du scénario et les critiques contre l'industrie nucléaire relayées par le film. »
L'AFP – son journaliste – a tout de même pris langue avec Mme Myrto Tripathi, présidente des Voix du Nucléaire, qui a déclaré :
« Notre démarche n'est pas d'attaquer le film mais d'aider les gens qui le souhaitent et qui s'intéressent à la question du changement climatique de distinguer ce qui relève de la fiction et de la réalité scientifique. »
Oui, mais, selon le pisse-copie, l'association « se présente comme une "association de citoyens" » – avec des guillemets qui sentent bon la suspicion et la mise en doute... ami, lecteur, vous n'êtes pas obligé de croire que c'est bien une association de citoyens...
Voici le texte exact tiré du site :
« Les Voix Du Nucléaire est une association citoyenne de bénévoles, indépendante de toute attache économique, institutionnelle, syndicale ou politique. »
Mais Mme Myrto Tripathi est, toujours selon le journaleux, « elle-même ancienne salariée du nucléaire » – le sophisme du déshonneur par association...
...nous avons un gros problème avec la qualité de l'information diffusée par l'AFP et – souvent, mais pas ici, semble-t-il – par de nombreux médias à sa suite.
Comment peut-on diffuser, sans se poser la moindre question, une outrance telle que :
« "On remarque du côté des lobbys une haine systématique du cinéma et la liberté de création quel que soit l'écho rencontré par les films", déclare à l'AFP Julie Fabiani, déléguée générale adjointe de la SRF » ?
Comment peut-on diffuser des propos qui relèvent, même en première analyse, du bâillonnement de la critique (critique en plus fondée) et du déni de la liberté d'expression et d'information ?
France 3 Cinéma figure parmi les co-producteurs.
France Télévisions, ainsi que Canal+ et Netflix, ont fait des préachats.
Greenpeace et les Amis de la Terre France figurent au générique (voir attentivement la vidéo).
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