Restaurer les terres de manière durable : une réussite brésilienne
Abilio Rodrigues Pacheco, Réseau Mondial d'Agriculteurs*
Selon un nouveau rapport de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification, plus de la moitié des pâturages mondiaux sont endommagés et un sixième de l'approvisionnement alimentaire de l'humanité est menacé.
Les sources de cette menace sont multiples, allant du changement climatique à la mauvaise gestion.
Le problème est particulièrement grave en Asie, mais il s'agit d'un dilemme mondial. Je l'ai constaté de près ici au Brésil, où la dégradation des pâturages est devenue un problème majeur.
La bonne nouvelle, c'est que des agriculteurs comme moi ripostent. Nous récupérons une grande partie des terres que nous avons failli perdre et nous les protégeons grâce à l'innovation, en augmentant leur rendement tout en garantissant qu'elles resteront productives pour les générations futures.
Les idées peuvent venir de n'importe où, et la meilleure idée que j'ai eue pour ma ferme m'est venue en parcourant les livres de notre bibliothèque municipale. À ma grande surprise et pour mon plus grand plaisir, je suis tombé sur un livre qui m'a permis de devenir un meilleur agriculteur ici, dans cette région rurale du Brésil.
Il décrivait un système de production agricole appelé ICLF, qui combine les mots clés « intégré », « culture », « élevage » et « foresterie ». Il les rassemble dans une méthode qui nous permet de produire plus de nourriture sur moins de terres. Nous le faisons de manière durable afin que les terres restent productives pour les générations futures.
L'ICLF a été largement éprouvé en tant que système agricole durable par la Société Brésilienne de Recherche Agricole, mieux connue sous son acronyme portugais : EMBRAPA. Affiliée au ministère brésilien de l'Agriculture, elle s'efforce d'améliorer la production alimentaire grâce à la technologie et à l'innovation. En plus de gérer ma ferme dans l'État de Goias, au centre du Brésil, j'ai travaillé comme chercheur pour l'EMBRAPA.
Lorsque j'ai découvert l'ICLF il y a une douzaine d'années et que j'ai commencé à l'étudier, la première chose qui m'a impressionné a été la science qui le sous-tend. Depuis sa création en 1973, l'EMBRAPA s'est consacrée à la recherche de moyens permettant aux agriculteurs comme moi d'augmenter leur production. Au terme d'un long processus de recherche axé sur un système de production intégré, elle a mis au point l'ICLF, qui semblait parfaitement adapté à ma petite exploitation. J'ai donc décidé de l'essayer.
En termes simples, l'ICLF me permet de cultiver, d'élever du bétail et de pratiquer la sylviculture en même temps. En fait, chaque activité améliore les autres, car elles fonctionnent en harmonie grâce à la culture intercalaire, à la succession et à la rotation des cultures. Nous travaillons par cycles de six ans, et j'entame actuellement mon deuxième cycle avec l'ICLF. (J'ai expliqué en partie comment cela fonctionne dans une vidéo.)
Les résultats sont exceptionnels. Le tout est supérieur à la somme des parties : mes cultures, mon bétail et mes arbres produisent davantage : des grains grâce à mon maïs et à mon soja, des protéines grâce à mes animaux et du bois grâce à mes troncs et à mes branches.
C'est essentiel, car toutes les projections démographiques montrent qu'avec l'augmentation de la population et l'amélioration du niveau de vie, le monde aura besoin de beaucoup plus de nourriture. Chaque hectare devra produire de nouveaux niveaux de nourriture et de fibres. Pour y parvenir, les agriculteurs comme moi doivent s'appuyer sur les progrès de la science et de la technologie, mais aussi sur des systèmes de gestion tels que l'ICLF.
Il est important de savoir que l'ICLF ne se limite pas à la production. Il s'agit également de rajeunissement et de durabilité. Il nous aide à réparer les terres qui ont perdu leur capacité productive en raison de facteurs tels que la faiblesse des sols, une mauvaise gestion des cultures et une mauvaise gestion du bétail. À l'instar d'un traitement médical qui guérit une personne malade, l'ICLF restaure ces champs. Il les maintient ensuite en bonne santé afin qu'ils ne se détériorent pas à nouveau.
Ma propre exploitation n'a pas souffert de dégradation, mais j'ai vu ce que l'ICLF peut faire pour les exploitations qui sont confrontées à ces défis. D'autres l'ont vu aussi. En 2005, moins de 2 millions d'hectares au Brésil étaient gérés avec l'ICLF, selon le réseau ICLF. En 2021, ce chiffre était passé à 17 millions d'hectares, selon l'EMBRAPA, et il pourrait atteindre 48 millions à l'avenir. [Ma note : La surface agricole utile (SAU) française s'élevait en 2023 à environ 26,7 millions d'hectares.]
Même les animaux approuvent : les rangées d'arbres qui bordent désormais nos champs leur fournissent de l'ombre.
Il n'existe pas de solution unique à la dégradation des pâturages qui préoccupe l'ONU. Les problèmes de la Mongolie sont très différents de ceux de la région du Sahel en Afrique, et ils ne ressemblent en rien à ceux auxquels nous sommes confrontés ici au Brésil. Tout nécessite une réponse locale.
Dans mon pays, cependant, nous voyons la voie à suivre avec l'ICLF.
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* Abilio Rodrigues Pacheco
Agriculteur et chercheur en sylviculture, il a mis en place un système intégré de culture, d'élevage et de sylviculture pour produire du soja, du maïs, du millet, des eucalyptus, de l'herbe et du bétail.
Source : Restoring the Land Sustainably: A Brazil Success Story – Global Farmer Network
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