Du blé qui fabrique son propre engrais
Une solution bactérienne visant à réduire la pollution et les coûts pour les agriculteurs
Trina Kleist, Université de Californie à Davis*
Des scientifiques de l'Université de Californie à Davis ont mis au point des plantes de blé capables de stimuler la production de leur propre engrais. (Getty)
Des scientifiques de l'Université de Californie à Davis ont mis au point des plantes de blé qui stimulent la production de leur propre engrais, ouvrant la voie à une réduction de la pollution de l'air et de l'eau dans le monde entier et à une baisse des coûts pour les agriculteurs.
Cette technologie a été mise au point par une équipe dirigée par M. Eduardo Blumwald, professeur émérite au Département des Sciences Végétales. L'équipe a utilisé l'outil d'édition génétique CRISPR pour amener les plantes de blé à produire davantage d'une de leurs propres substances chimiques naturelles. Lorsque la plante libère l'excès de substance chimique dans le sol, celle-ci aide certaines bactéries présentes dans le sol à convertir l'azote de l'air en une forme que les plantes voisines peuvent utiliser pour pousser. Ce processus de conversion est appelé fixation de l'azote.
L'étude a été publiée en ligne dans le Plant Biotechnology Journal.
Dans les pays en développement, cette avancée pourrait être une aubaine pour la sécurité alimentaire.
« En Afrique, les gens n'utilisent pas d'engrais parce qu'ils n'ont pas d'argent et que les exploitations agricoles sont petites, ne dépassant pas six à huit acres » [2,5 à 3 hectares], a déclaré M. Blumwald. « Imaginez que vous plantez des cultures qui stimulent les bactéries du sol pour créer naturellement l'engrais dont les cultures ont besoin. Waouh ! Ça fait une énorme différence ! »
Cette avancée dans le domaine du blé s'appuie sur les travaux antérieurs de l'équipe sur le riz. Des recherches sont également en cours pour étendre cette technologie à d'autres céréales.
M. Eduardo Blumwald, au centre, est un professeur émérite du Département des Sciences Végétales de l'Université de Californie à Davis. Les membres du laboratoire Hiromi Tajima, à gauche, et Akhilesh Yadav font partie de ceux qui travaillent au développement de variétés de blé et de riz capables de stimuler les bactéries présentes dans le sol afin qu'elles produisent de l'azote que les plantes peuvent utiliser comme engrais. Ici, le riz pousse dans leur serre sur le campus. (Trina Kleist/UC Davis)
Au niveau mondial, le blé est la deuxième céréale en termes de rendement et représente la plus grande part des engrais azotés, avec environ 18 % du total. Selon les chiffres de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture, plus de 800 millions de tonnes d'engrais ont été produites dans le monde en 2020 seulement.
Mais les plantes n'absorbent qu'environ 30 à 50 % de l'azote contenu dans les engrais. Une grande partie de ce qu'elles n'utilisent pas se déverse dans les cours d'eau, ce qui peut créer des « zones mortes » dépourvues d'oxygène, étouffant les poissons et autres formes de vie aquatique. Une partie de l'excès d'azote dans le sol produit de l'oxyde nitreux, un puissant gaz à effet de serre.
Les bactéries fixatrices d'azote produisent une enzyme appelée nitrogénase, le « fixateur » dans la fixation de l'azote. La nitrogénase n'est présente que dans les bactéries et ne peut fonctionner que dans des environnements très pauvres en oxygène.
Les légumineuses telles que les haricots et les pois ont des structures racinaires, appelées nodules, qui offrent un habitat confortable et pauvre en oxygène aux bactéries fixatrices d'azote.
Contrairement aux légumineuses, le blé et la plupart des autres plantes n'ont pas de nodules racinaires. C'est pourquoi les agriculteurs utilisent des engrais azotés.
« Pendant des décennies, les scientifiques ont essayé de développer des céréales produisant des nodules racinaires actifs ou de coloniser les céréales avec des bactéries fixatrices d'azote, sans grand succès. Nous avons adopté une approche différente », explique M. Blumwald. « Nous avons estimé que l'emplacement des bactéries fixatrices d'azote n'avait pas d'importance, tant que l'azote fixé pouvait atteindre la plante et que celle-ci pouvait l'utiliser. »
Pour trouver une solution, l'équipe a d'abord examiné 2.800 substances chimiques produites naturellement par les plantes. Elle en a identifié 20 qui, entre autres fonctions utiles à la plante, stimulent également les bactéries à produire des biofilms. Les biofilms sont une couche collante qui entoure les bactéries et crée un environnement pauvre en oxygène, permettant à la nitrogénase d'agir. Les scientifiques ont déterminé comment la plante fabrique ces substances chimiques et quels gènes contrôlent ce processus.
Mme Hiromi Tajima, chercheuse au laboratoire de M. Eduardo Blumwald, mesure le nombre de bactéries fixatrices d'azote dans des échantillons de sol dans lesquels l'équipe a cultivé une nouvelle variété de blé. Mme Hiromi Tajima est la première auteure d'un article récemment publié par l'équipe du laboratoire sur le développement d'une variété de blé qui stimule la production de son propre engrais. (Trina Kleist/UC Davis)
L'équipe a ensuite utilisé l'outil d'édition génétique CRISPR pour modifier les plantes de blé afin qu'elles produisent davantage d'une de ces substances chimiques, une flavone appelée apigénine. Le blé, qui contient désormais plus d'apigénine qu'il n'en a besoin, libère l'excédent dans le sol par ses racines. Dans les expériences qu'ils ont menées, l'apigénine du blé a stimulé les bactéries du sol pour créer des biofilms protecteurs, permettant à la nitrogénase de fixer l'azote et aux plantes de blé de l'assimiler.
Le blé a également montré un rendement plus élevé que les plantes témoins lorsqu'il était cultivé avec une très faible concentration d'engrais azoté.
Selon les estimations du département américain de l'Agriculture, les agriculteurs américains ont dépensé près de 36 milliards de dollars en engrais en 2023. M. Blumwald calcule que près de 200 millions d'hectares sont plantés de céréales aux États-Unis.
« Imaginez que vous puissiez économiser 10 % de la quantité d'engrais utilisée sur ces terres », a-t-il déclaré. « Je fais un calcul prudent : cela devrait représenter une économie de plus d'un milliard de dollars chaque année. »
Parmi les autres auteurs figurent Hiromi Tajima, Akhilesh Yadav, Javier Hidalgo Castellanos, Dawei Yan, Benjamin P. Brookbank et Eiji Nambara.
Une demande de brevet a été déposée par l'Université de Californie et est en cours d'examen. Bayer Crop Science et la Fondation Will Lester de l'Université de Californie à Davis ont soutenu cette recherche.
Pour en savoir plus sur les travaux antérieurs de l'équipe de M. Blumwald visant à développer un riz capable de stimuler son propre engrais azoté, cliquez ici.
Contacts médias :
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Eduardo Blumwald, Département des Sciences Végétales, eblumwald@ucdavis.edu
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Trina Kleist, Département des Sciences Végétales, eblumwald@ucdavis.edu
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Amy Quinton, Relations presse et médias, amquinton@ucdavis.edu, 530-601-8077
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* Source : Wheat That Makes Its Own Fertilizer | UC Davis
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